Oui à la responsabilité des gestionnaires publics… mais aussi au niveau local !

 

 

 

L’audience solennelle de rentrée de la Cour des comptes, qui s’est tenue le 22 janvier, a été l’occasion pour le Président de la République d’exprimer sa conception des juridictions financières. Il a notamment souhaité « ouvrir une réflexion sur la responsabilité des ordonnateurs et l’évolution de la Cour de discipline budgétaire et financière » dès lors « qu’il n’y a pas d’action publique efficace s’il y a une dilution de la responsabilité ». Il partage ainsi la position du Premier président qui a déclaré que « le dispositif actuel de mise en jeu des responsabilités n’est pas adapté » et que la Cour de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF) « doit pouvoir juger de la régularité des décisions au regard de la loi et garantir que nul ne peut s’exonérer de sa responsabilité en la matière ». Tous deux ont insisté sur le fait que l’ambition politique de restaurer la confiance dans la vie publique ne serait pas complète « sans la refondation – attendue de longue date – des mécanismes de responsabilité des gestionnaires ». Pour le Président de la République comme pour le Premier président, la « plus grande responsabilité au quotidien des actes de gestion » constitue le corolaire de « l’évolution du régime de responsabilité pour les ministres (…) avec une suppression de la Cour de justice de la République ».

Le Premier président a réitéré ce message quatre jours plus tard, lors de l’audience de rentrée de la CRC de Provence-Alpes-Côte-d’Azur le 26 janvier, en affirmant que « la première ambition poursuivie par les juridictions financières est celle du respect de la régularité et de la probité ».

Le Président de la République et le Premier président rejoignent le constat du SJFu selon lequel la responsabilité administrative et financière des gestionnaires publics pour des fautes de gestion graves ou répétées, demeure l’échelon manquant du système de régulation de la démocratie locale entre les recommandations de gestion déjà formulées par les juridictions financières, les observations définitives rendues publiques et la sanction pénale des dysfonctionnements les plus graves. Le chef de l’Etat a souligné que les citoyens ne comprenaient plus cette situation qui, « ces dernières décennies, a conduit, collectivement, à l’évolution de notre système en créant une forme d’irresponsabilité relative du quotidien, pour finir tous et toutes dans une forme de responsabilité pénale intenable, pour chacun. Ce système, si nous le laissons prospérer, conduira au triomphe des prudents, peut-être même des inefficaces, parce que ça n’est qu’une prime qu’à cela ».

Le SJFu se réjouit de cette dynamique convergente esquissée par le Président de la République, le Premier président et depuis longtemps par le Procureur général, mais seulement si elle tient compte du principe de subsidiarité et aboutit à renforcer les CRTC.

Cette nuance s’inscrit dans le sens de l’histoire. D’une part en raison de l’effacement du contrôle préfectoral de légalité qui accroît par contraste le rôle des CRTC dans la chaîne de contrôle de la gestion locale. D’autre part en miroir de la volonté du chef de l’Etat, réitérée lors de l’audience de rentrée, d’autoriser les collectivités territoriales à expérimenter des dispositifs réglementaires dérogatoires. Les CRTC sont au bon niveau pour contrôler l’émergence de cette spécialisation locale.

Cette cohérence est même cruciale pour l’avenir des juridictions financières et doit être replacée dans son contexte. L’expérimentation de la certification des comptes des hôpitaux puis des collectivités territoriales qui apparaît avoir pour seul but de justifier sa généralisation, d’une part ; la création du compte financier unique qui va inévitablement questionner à moyen terme la pérennité de la séparation ordonnateur / comptable et donc du jugement des comptes, d’autre part, posent une question existentielle : quel sera le positionnement institutionnel des CRTC dans dix ans ? des cabinets d’audits ou de commissaires aux comptes en concurrence avec les cabinets privés ? des contrôleurs de second rang se concentrant sur l’architecture du système, ainsi que l’entrevoit le Procureur général ? des sous-traitants de vastes évaluations pilotées par la Cour des comptes et contribuant à nourrir de plus en plus largement les publications de celle-ci ? ou des juridictions affermies dotées d’un pouvoir de sanction complémentaire du contrôle des comptes et de la gestion, c’est-à-dire d’un pouvoir réel et complet d’audit de l’emploi des fonds publics ? Le SJFu regrette l’absence de réflexion collective sur ces questions au sein des juridictions financières, alors que notre institution se trouve à la croisée des chemins.

Le Livre Blanc des juridictions financières, publié en juillet 2017, s’efforce de l’initier en mobilisant toute l’expertise et le recul des magistrats quotidiennement confrontés aux réalités de la République décentralisée. Le SJFu est attaché au statut de juridiction des CRTC, d’ailleurs imposé par les élus locaux en 1983, parce qu’il constitue la meilleure garantie d’indépendance, d’objectivité et donc de crédibilité pour les contrôlés comme pour les citoyens. Il croit également en la pertinence de l’échelon local du contrôle, bien adapté aux enjeux territoriaux des collectivités et entités contrôlées. Le Livre Blanc en tire les conséquences et promeut le renforcement du rôle des CRTC comme garants de la démocratie locale en proposant de leur conférer une capacité effective à sanctionner les dysfonctionnements majeurs, de les doter de la faculté de conduire des enquêtes à l’échelle d’un « écosystème territorial » et de publier sur celles-ci des rapports transversaux accessibles aux citoyens. A l’instar du Procureur général, nous restons convaincus que « la mise en jeu de responsabilités personnelles est un puissant levier de protection des intérêts de la société, de lutte contre les dérives dans le bon emploi des fonds publics, ou encore de transformation de l’État ».

Le succès d’initiatives locales comme les rencontres entre les magistrats de la CRC Auvergne-Rhône-Alpes, les magistrats judicaires de Grenoble et Chambéry, et les services de la répression des fraudes de Lyon qui se sont tenues les 8 et 9 février, ou d’initiatives syndicales comme les rencontres professionnelles du 19 janvier avec le SNDGCT, confortent notre conviction. Elles révèlent les attentes placées par les autres magistrats et fonctionnaires assermentés dans une coopération accrue avec les CRTC ; elles reflètent notre rôle incontournable de contre-pouvoir local pour assurer le bon emploi des fonds publics et la vitalité de la démocratie locale. La présence lors de la première rencontre du Procureur général et de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, traduit à nos yeux l’enjeu national que revêt la cohérence de la chaîne locale de contrôle. Si un maillon est ôté, la chaîne se disloque. Le SJFu souhaite donc que les CRTC assument pleinement leur rôle régalien à l’échelon local.


Le Livre Beige est lancé !

Le congrès des 12 et 13 octobre 2017 a mandaté le bureau pour élaborer un Livre Beige des juridictions financières, déclinant en mesures opérationnelles les grandes orientations du Livre Blanc publié en juillet 2017. Notre ambition est de construire un projet en trois temps :

  1. Une analyse du contexte dans lequel s’inscrivent les orientations proposées par notre organisation syndicale en les replaçant dans leur contexte historique, budgétaire et juridique : approfondissement de la décentralisation, réformes successives des CRTC, évolutions des équilibres de la gestion publique locale, etc. ;
  2. Des propositions d’articles modifiant les textes législatifs et réglementaires en vigueur ou instituant de nouvelles dispositions ;
  3. Une étude d’impact de ces propositions, comportant au besoin des simulations financières et l’estimation des moyens nécessaires.

Chacune de ces étapes fera l’objet d’une validation par les instances syndicales.

Le 21 novembre, le bureau a défini le cadre général du projet, constitué l’équipe qui en coordonnera l’élaboration et la rédaction et approuvé le calendrier. Animée par Thomas Montbabut, elle se compose de Carole Collinet, Alain Stéphan, Anne Bénéteau, François Nass, Jacques Schwartz et Lucile Lejeune. Des groupes de travail pourront être créés pour chaque thématique métier. Les enjeux de moyens et de de gestion des ressources humaines feront l’objet d’un traitement transversal s’articulant avec chacun des groupes thématiques. Les groupes débuteront leurs travaux dans les prochaines semaines. Le bureau mettra à leur disposition les moyens nécessaires.

Dans un second temps, sur la base d’un premier projet à compter du printemps 2018, l’équipe élargira le champ de ses consultations en sollicitant les acteurs concernés : élus, universitaires, autres organisations représentatives de collectivités, associations professionnelles, juristes, etc.

L’objectif est triple :

  1. Disposer de propositions argumentées et concertées alors que le Gouvernement lance un programme « Action publique 2022 » de réforme de l’Etat qui nous concernera pour au moins deux de ses cinq chantiers : la rénovation du cadre des ressources humaines et la modernisation de la gestion budgétaire et comptable. Nous demanderons à être entendus dans le cadre de ce programme.
  2. Disposer des éléments techniques nécessaires aux échanges avec la Cour et l’administration ;
  3. Présenter au prochain congrès un Livre Beige finalisé, complétant notre vision stratégique des juridictions financières et de leur utilité sociale par des propositions opérationnelles.

Dans un contexte mouvant, où le positionnement institutionnel des juridictions financières sera interrogé, où se profilent d’importantes évolutions de l’organisation du droit budgétaire et comptable, où le contrôle de la gestion publique locale se réduit sans qu’en contrepartie une responsabilité des gestionnaires locaux plus moderne, plus sûre et plus équilibrée n’intervienne, il apparaît plus que jamais nécessaire que le Syndicat des juridictions financières unifié mobilise son expertise en réfléchissant aux dispositifs et aux outils qu’il convient de confier à nos juridictions, afin de proposer des mesures en ce sens.


Le SJFu entendu par Jean-Louis Nadal, président de la HATVP

Une délégation du SJFu, conduite par Vincent Sivré, président, et Nicolas Sachot, vice-président,  a été reçue, jeudi 10 novembre, par Jean-Louis Nadal et Eric Buge, président et secrétaire général de la Haute autorité pour la transparence de la vie politique (HATVP).

Notre organisation syndicale avait sollicité cette audition afin d’examiner les conséquences de la décision n°2016-732 du 12 juillet 2016 du Conseil constitutionnel sur l’obligation de déclaration de patrimoine qui pèse sur certains magistrats financiers.

Publiée au Journal officiel de la République française du 11 août 2016, la loi n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats, ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) renforce l’indépendance et l’impartialité des magistrats judiciaires. Dans une décision n°2016-732 du 12 juillet 2016 le Conseil constitutionnel a déclaré contraires au principe d’égalité l’article 72-1 de la loi du 8 août 2016 fixant les conditions de retour de détachement des magistrats, ainsi que certaines dispositions de son article 26 qui imposaient aux seuls hauts magistrats de remettre à la HATVP une déclaration de leur situation patrimoniale. Au titre de sa jurisprudence sur les « cavaliers législatifs », il a également censuré l’article 48 qui imposait le dépôt de déclarations d’intérêts et de patrimoine aux membres du Conseil constitutionnel et l’article 49 qui fixait les conditions de dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité en matière correctionnelle et contraventionnelle.

Cette décision remet en question les dispositions comparables posées par l’article L. 220-9 du code des juridictions financières, créé par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires selon lesquelles « Dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions, les présidents de chambre régionale des comptes et les procureurs financiers adressent une déclaration de situation patrimoniale au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ». En effet, comme l’a indiqué le Premier président lors de la réunion du Conseil supérieur du 15 septembre, le décret d’application de cette disposition doit être pris en Conseil d’Etat. Or la Haute juridiction administrative ne manquera pas de relever qu’un tel décret contrevient désormais à une jurisprudence du Conseil constitutionnel.

L’obligation de déclaration de patrimoine ne peut désormais être imposée qu’à tous les magistrats. Elle ne peut cibler telle ou telle catégorie d’entre eux. Il est peu vraisemblable que le législateur reprenne sa copie et impose cette obligation à plusieurs milliers de magistrats judiciaires, administratifs et financiers, au risque d’engorger inutilement les services de la HATVP.

Jean-Louis Nadal a approuvé ce raisonnement et a précisé que la HATVP n’envisageait pas de prendre des initiatives afin de réintroduire une telle obligation pour les magistrats, qu’ils soient judiciaires, administratifs ou financiers. Il a toutefois rappelé que les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont soumis à cette obligation.


Les déclarations de situation patrimoniale de certains magistrats financiers sont elles contraires à la constitution?

La décision n° 2016-732 DC du Conseil constitutionnel, rendue le 28 juillet 2016 sur saisine du Premier ministre et relative à la loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature a déclaré contraires à la Constitution les dispositions qui imposent à certains magistrats seulement de remettre à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de leur situation patrimoniale.

Après avoir examiné l’article 26 de ladite loi, qui crée un dispositif conçu pour faire cesser les situations de conflits d’intérêts potentiels, le Conseil constitutionnel a :

  • déclaré contraires à la Constitution les dispositions qui imposent à certains magistrats seulement de remettre à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de leur situation patrimoniale (voir les considérants 54 à 59, relatifs à l’article 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature créé par la loi) ;
  • jugé en effet que « Au regard des exigences de probité et d’intégrité qui pèsent sur les magistrats exerçant des fonctions juridictionnelles et de l’indépendance qui leur est garantie dans cet exercice, en restreignant l’obligation de dépôt d’une déclaration de situation patrimoniale aux seuls magistrats énumérés par les 1° à 6° du paragraphe I de l’article 7-3, le législateur a institué une différence de traitement qui est sans rapport avec l’objectif poursuivi par la loi. Dès lors, les dispositions des 1° à 6° du paragraphe I de l’article 7-3 introduites par le paragraphe I de l’article 26, qui méconnaissent le principe d’égalité devant la loi, sont contraires à la Constitution ».

Cette décision est susceptible de remettre en question les dispositions comparables posées par l’article L. 220-9 du code des juridictions financières, créé par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires selon lesquelles « Dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions, les présidents de chambre régionale des comptes et les procureurs financiers adressent une déclaration de situation patrimoniale au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ».

 


Publication de la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires

La loi n°483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a été publiée au Journal officiel de la République française du 21 avril 2016.

Elle modifie  la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Le texte consacre les valeurs fondamentales communes aux agents publics, reconnues par la jurisprudence, telles que la dignité, l’impartialité, la probité, la neutralité et la laïcité. Il renforce le cadre juridique relatif à la déontologie des fonctionnaires et aux conflits d’intérêts rappelant l’obligation pour un fonctionnaire de faire cesser toute situation de conflits d’intérêts dans laquelle il pourrait se trouver, ainsi que les modalités d’action pour mettre fin à cette situation. Les dispositifs de prévention des conflits d’intérêt définis par la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique sont appliqués à certains fonctionnaires et aux membres des juridictions administratives et financières, un dispositif de protection des « lanceurs d’alerte » est mis en place, les règles de cumuls d’activités sont renforcées et leurs dérogations précisées. Les pouvoirs de la commission de déontologie de la fonction publique sont étendus dans le cadre de la prévention des conflits d’intérêts et en matière de contrôle des départs vers le secteur privé.

La loi modernise, en outre, les règles de mobilité des fonctionnaires, en harmonisant les positions statutaires et la structure des corps et cadres d’emplois au sein des trois fonctions publiques, ainsi que les règles disciplinaires, notamment en supprimant l’imprescriptibilité de l’action disciplinaire. La protection fonctionnelle dont dispose les agents publics est renforcée et étendue aux conjoints et enfants. La loi institue des dispositions visant à améliorer le dialogue social dans la fonction publique, favorisant notamment l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. En matière d’emploi, elle maintient notamment le principe de l’intérim dans les trois fonctions publiques et le droit en vigueur concernant les recrutements sans concours des agents de catégorie C dans la fonction publique territoriale, tout en prévoyant une extension des concours sur titres dans les filières sociale, médico-sociale et médico-technique.

De nombreuses dispositions viennent modifier ou compléter le code des juridictions financières. Afin de vous en faciliter l’appropriation, le syndicat en a élaboré un compte-rendu analytique:

Le chapitre IV traite de la déontologie des membres des juridictions administratives et financières. La section 2 de ce chapitre est consacrée aux juridictions financières (article 15 à 19).

Le 1° de l’article 15 concerne plus spécifiquement la Cour des comptes

Le 2° alinéa crée les articles L.120-5 à L.120-12 du CJF.

L’article L.120-6 définit l’établissement par le premier président de la Cour des comptes, après avis du collège de déontologie des juridictions financières et du procureur général, de la charte de déontologie des juridictions financières.

L’article L.120-7 fixe la composition du collège de déontologie qui comprend notamment un magistrat de CRC en activité ou honoraire élu par le conseil supérieur des CRC et un magistrat de la Cour ou des CRC en activité ou honoraire désigné par le premier président.

L’article L.120-8 définit le rôle du collège de déontologie qui rend des avis ou recommandations sur toute question relative à la déontologie des membres des juridictions financières et si nécessaire sur les déclarations d’activités produites par les magistrats.

L’article 16 déplace les dispositions du CJF rappelant que les membres des chambres régionales des comptes constituent un corps de magistrat inamovibles devant prêter serment vers un nouvel article L.220-1-A rattaché au chapitre préliminaire du titre II du CJF relatif aux dispositions statutaires des magistrats de CRC (nouveaux articles L.220-3 et l.220-4 du CJF).

L’article L.220-5 dispose que les magistrats des CRC « veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêt » et précise la notion de conflit d’intérêt, identique à celle du nouvel article 25 bis-I de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (ou statut général de la fonction publique) créé par la loi du 20 avril 2016.

Ainsi, « constitue un conflit d’intérêt toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

Un nouvel article L.220-6 fixe les dispositions imposant aux magistrats et rapporteurs de faire une déclaration de leurs intérêts auprès du chef de juridiction, du procureur général pour les procureurs financiers et du premier président de la Cour des comptes pour les présidents de chambre.

Cette déclaration se fait dans les deux mois suivant leur nomination et pour ceux déjà en place, dans les 12 mois qui suivent la parution d’un décret d’application du nouvel article L.220-6 devant préciser les modalités de cette déclaration.

La déclaration est complétée par un entretien déontologique avec l’autorité auprès de laquelle se fait la déclaration.

Le nouvel article L.220-7 prévoit les sanctions en cas d’absence de déclaration ou de déclaration omettant de déclarer une partie substantielle de ses activités (3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende).

Le nouvel article L.220-8 prévoit les modalités de déport d’un délibéré, pour un magistrat du siège ou de production de conclusions, pour un procureur financier qui estimeraient se trouver dans une situation de conflit d’intérêt.

Le nouvel article L.220-9 prévoit par ailleurs, pour les seuls présidents de chambre et les procureurs financiers, une déclaration de situation patrimoniale auprès du président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Celle-ci s’effectue dans les deux mois suivants leur nomination ou, pour ceux déjà en place, dans les six mois suivant la parution d’un décret définissant les modalités de cette déclaration. Cette déclaration n’est toutefois pas exigée si dans les six mois qui précèdent le déclarant a déjà établi une telle déclaration au titre d’une autre activité impliquant déclaration (mandat d’élu local par exemple).

Les articles 17 et 18 prévoient l’application de ces dispositions aux magistrats des CTC de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie Française (nouvelle rédaction des articles L.262-29 et L.272-30 du CJF)

L’article 19-II prévoit les modalités d’application aux magistrats des CRTC déjà en place des obligations déclaratives précitées (déclaration d’activités dans les 12 mois et déclaration de situation patrimoniale dans les 6 mois comme exposé ci-dessus).

Le chapitre II du titre IV « dispositions relatives aux juridictions administratives et financières » de la loi concerne les juridictions financières

L’article 63 concerne les magistrats de la Cour des comptes et instaure notamment des conseillers référendaires en service extraordinaire, catégorie ne comprenant jusqu’alors que des conseillers maîtres (nouveaux articles L.112-5, L.112-5-I et L.112-6 du CJF)

L’article 64, 2° du CJF modifie l’article L.122-5 du CJF et prévoit la nomination chaque année au grade de conseiller référendaire de un ou deux magistrats de CRC (un seul auparavant) ayant au moins le grade de premier conseiller et âgé de trente-cinq ans au moins.

Le Titre V : Dispositions diverses et finales » de la loi

Il comprend un article 86-II qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance toutes mesures relevant du domaine de la loi et ayant pour objet :

1° d’adapter les règles régissant l’activité des magistrats et personnels (rapporteurs) de la Cour des comptes et des magistrats et rapporteurs des CRTC, leur régime disciplinaire et leur avancement, afin d’améliorer la garantie de leur indépendance

2° modifier les règles statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes « afin d’améliorer la qualité et la diversité et la diversification de leur recrutement par la voie du tour extérieur » et aux magistrats des CRTC « afin de déterminer les règles qui leur sont applicables en matière d’incompatibilité et de suspension de fonctions »

3° moderniser le code des juridictions financières afin d’en supprimer les dispositions devenues obsolètes, redondantes ou de les clarifier

4° limiter la durée de certaines fonctions juridictionnelles ou administratives exercées par les magistrats de la cour des comptes et des CRC en activité ou honoraire sous réserve qu’aucun autre texte n’en limite la durée s’il s’agit de fonctions extérieures à la Cour des comptes ou aux CRC.

Ces ordonnances sont prises dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

Dans cette perspective, notre organisation syndicale a notamment soumis au Premier président les propositions concrètes suivantes :

La disposition de l’article L. 222-4 du code des juridictions financières interdisant la nomination d’un magistrat dans une chambre régionale des comptes : « e) S’il a exercé dans le ressort de cette chambre régionale des comptes depuis moins de trois ans des fonctions de direction dans l’administration d’une collectivité territoriale ou d’un organisme, quelle qu’en soit la forme juridique, soumis au contrôle de cette chambre ; » pourrait être abrogée.

Afin de prévenir tout conflit d’intérêt, la disposition suivante pourrait être insérée dans un article distinct : « Un magistrat ne peut se voir confier le contrôle, produire des conclusions ou participer à un délibéré concernant une entité, quelle qu’en soit la forme juridique, s’il a exercé auprès de son représentant légal des fonctions de direction depuis moins de trois ans. ».

Cette rédaction vise à éviter la participation d’un magistrat qui a exercé depuis moins de trois ans des responsabilités de direction au sein d’une collectivité territoriale ou d’un organisme soumis au contrôle de la chambre à un délibéré, à des conclusions ou à un contrôle concernant cette entité mais aussi celles dirigées par le même représentant légal.

Par ailleurs, l’article L. 222-7 du code des juridictions financières relatif à la mobilité sortante d’une chambre régionale des comptes pourrait être modifié de la façon suivante : Un magistrat « ne peut, dans le ressort d’une chambre régionale à laquelle il a appartenu au cours des trois années précédentes, être détaché auprès d’une collectivité territoriale ou d’un organisme entité soumise au contrôle de cette chambre ou placé en disponibilité pour y servir dans une telle collectivité ou un tel organisme s’il a participé à une instruction, à un délibéré ou produit des conclusions la concernant depuis moins de trois ans ».


La loi Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires définitivement adoptée


Mardi 5 avril en fin de journée,
l’Assemblée nationale a adopté, sur le rapport de la commission mixte paritaire (CMP), le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Le 29 mars, les sénateurs et députés de la CMP chargée de proposer un texte sur le projet de loi étaient parvenus, à un accord.

La CMP avait notamment retenu les propositions de compromis suivantes:

  • le maintien de l’intérim, initialement remis en cause, dans les trois fonctions publiques, ce à l’initiative d’Alain Vasselle, le rapporteur du texte au Sénat, dans un souci de « souplesse indispensable à la continuité du service public » ;
  • les précisions apportées aux conditions de consultation des déclarations d’intérêts des fonctionnaires pour « assurer la confidentialité de ces documents comportant des informations relatives à la vie privée des agents », confidentialité qui sera garantie par décret ;
  • le maintien du droit en vigueur concernant le recrutement sans concours des agents de catégorie C, contrairement au souhait du Gouvernement de mettre en œuvre des « comités de recrutement », qui, aux dires des sénateurs, « auraient considérablement alourdi les charges des collectivités territoriales » ;
  • la sécurisation des actions des centres de gestion (dont la possibilité d’assurer toute tâche administrative, organisationnelle ou de gestion à la demande des collectivités et établissements) et l’extension des concours sur titre, ces derniers permettant de simplifier le recrutement d’infirmiers, de puéricultrices, et autres personnels des filières sociale, médico-sociale et médico-technique, un entretien oral pouvant suffire, selon Alain Vasselle ;
  • le devoir de réserve ne figure pas explicitement dans le texte de la CMP, mais le rapporteur du Sénat a rappelé « l’obligation consubstantielle à tout emploi public » attachée à ce principe qui « continuera à s’imposer à tout fonctionnaire » ;
  • le texte ne comprend pas non plus de dispositions concernant le temps de travail des fonctionnaires ; celles-ci pourraient faire l’objet d’un débat lors de la discussion du projet de loi « Egalité et citoyenneté », dont certains articles portent sur la fonction publique.
  • enfin, à la demande expresse de notre organisation syndicale, la formulation des règles déontologiques concernant les juridictions administratives et financières ont été harmonisées.

 

Pour en savoir davantage:

Le texte de la commission mixte paritaire adopté le 5 avril 2016