Archives : 4 février 2016

Décentralisation : sortons de la confusion

Dans un rapport intitulé « Décentralisation : sortons de la confusion« , l’Institut Montaigne a exploré cinq pans de l’action publique locale qui souffrent plus particulièrement de l’éclatement des politiques publiques : les aides sociales, l’investissement, le développement économique territorial, l’emploi et la formation professionnelle et l’apprentissage.

Par la mise en lumière des imbrications et des incohérences dont ces politiques font l’objet, le rapport propose de nouvelles pistes de réformes :

• la rationalisation de la mise en œuvre des principales politiques publiques à l’échelle locale, la meilleure organisation des différents acteurs entre eux et l’efficacité des dispositifs. La simplification de la répartition des compétences sera permise par la constitution d’opérateurs uniques, le transfert de compétences au profit d’une seule entité et la décentralisation complète de certaines politiques. La mise en place de structures nouvelles ne doit plus se faire sans réduction et rationalisation préalable de l’existant.

• la poursuite d’une meilleure répartition du pouvoir normatif, associant davantage les collectivités. Ce rééquilibrage entre pouvoir central et pouvoir local se fera par la systématisation de l’évaluation ex post des réformes, l’élévation du pouvoir règlementaire des collectivités au même niveau que celui de l’État et le renforcement des possibilités d’expérimentation.

• l’identification des principaux leviers de redressement des finances publiques locales. La maîtrise des finances publiques nécessite un renforcement de la règle d’or pour les collectivités, la maîtrise des dépenses de fonctionnement – avec une attention toute particulière portée aux frais de personnels – et le maintien d’un investissement public local concerté et cohérent.

Pour en savoir davantage:

 


La gestion de la crise financière par la Commission n’a pas été optimale

En 2008, l’Europe a été confrontée à une crise financière qui s’est muée en crise de la dette souveraine. Celle-ci s’explique par une conjonction de facteurs, comme la faiblesse de la surveillance bancaire, l’application de mauvaises politiques budgétaires et les difficultés rencontrées par de grandes institutions financières (dont le coûteux sauvetage a dû être financé avec l’argent du contribuable). La crise a déferlé sur les États membres de l’Union européenne en deux temps: elle a d’abord touché les pays situés en dehors de la zone euro (en 2008-2009), avant de s’étendre à cette dernière. Au total, huit États membres ont été contraints de demander une assistance macrofinancière: la Hongrie, la Lettonie, la Roumanie, l’Irlande, le Portugal, la Grèce, l’Espagne et Chypre.

 

Dans un rapport spécial n° 18/2015, intitulé «L’assistance financière aux pays en difficulté», la Cour européenne des comptes a cherché à déterminer si la Commission avait géré les programmes d’assistance financière de manière appropriée. Pour ce faire, La Cour a répondu aux questions ci-après: i) L’accroissement des risques budgétaires a-t-il été détecté à temps?; ii) Les procédures étaient-elles suffisamment bien pensées pour contribuer pleinement aux décisions relatives aux programmes?; iii) La Commission a-t-elle emprunté aux meilleurs taux possibles et conformément aux meilleures pratiques en matière d’émission de dette?; iv) Les programmes d’assistance financière ont-ils atteint leurs objectifs principaux?

 

Selon ce rapport publié le 26 janvier, la Commission européenne n’était pas préparée aux premières demandes d’assistance financière lors de l’éclatement de la crise de 2008 parce que les signes avant-coureurs étaient passés inaperçus. L’auditeur externe de l’UE a constaté qu’en dépit de son manque d’expérience, la Commission a réussi à gérer les programmes d’assistance qui ont conduit à des réformes, et souligne un certain nombre d’effets positifs. Il pointe toutefois plusieurs problèmes liés à certaines faiblesses relevées dans la gestion de la crise par la Commission: les différences de traitement d’un pays à l’autre, le contrôle de la qualité limité, les faiblesses dans le suivi de la mise en œuvre et les insuffisances dans la documentation.

«Les effets de la crise se font toujours sentir aujourd’hui et les programmes de prêts lancés pour tenter d’y remédier se chiffrent désormais en centaines de milliards», a déclaré M. Baudilio Tomé Muguruza, le Membre de la Cour des comptes européenne responsable du rapport. «Il est donc impératif que nous tirions les enseignements des erreurs commises.»

La Cour a analysé la gestion, par la Commission, de l’assistance financière fournie à cinq États membres (Hongrie, Lettonie, Roumanie, Irlande et Portugal). Elle a constaté que la Commission avait réussi à assumer ses nouvelles responsabilités de gestion, ce qu’elle considère comme un tour de force vu le calendrier serré. À mesure que la crise prenait de l’ampleur, la Commission a mobilisé de plus en plus d’expertise au niveau interne et a noué un dialogue avec de nombreuses parties prenantes dans les pays concernés. Les réformes mises en place par la suite ont également permis de renforcer la surveillance macroéconomique.

Tout en soulignant un certain nombre d’effets positifs importants, le rapport d’audit détaillé relève quatre grandes pierres d’achoppement dans la gestion de la crise par la Commission, à savoir les différences dans les approches suivies, le caractère limité du contrôle de la qualité, les faiblesses dans le suivi de la mise en œuvre et les insuffisances dans la documentation.

Les auditeurs de la Cour ont pu constater que les programmes ont bien atteint leurs objectifs. À quelques exceptions près, les objectifs de déficit révisés ont été respectés. Les déficits structurels se sont améliorés, mais à un rythme variable. Les États membres ont satisfait à la plupart des conditions énoncées dans leurs programmes, moyennant toutefois quelques retards. Les programmes ont conduit à des réformes. En règle générale, les pays ont poursuivi dans la voie des réformes requises par les conditions des programmes et, dans quatre des cinq pays concernés, le redressement de la balance courante a été plus rapide que prévu.

Les auditeurs de la Cour ont relevé plusieurs cas où des pays n’ont pas été traités de la même manière, alors qu’ils se trouvaient dans une situation comparable. Dans certains programmes, les conditions de l’assistance étaient moins strictes, ce qui permettait de les respecter plus aisément. Les réformes requises n’étaient pas toujours proportionnelles aux problèmes rencontrés ou empruntaient des voies très différentes. Les objectifs de déficit de certains pays étaient plus souples qu’ils n’auraient dû l’être au regard de la situation économique.

L’examen des principaux documents par les équipes de programme de la Commission était insuffisant à plusieurs égards. Les calculs sous-jacents n’ont été examinés par aucun vérificateur extérieur à l’équipe, les travaux des experts n’ont fait l’objet d’aucun contrôle approfondi et le processus de réexamen n’était pas bien documenté.

La Commission a utilisé des objectifs de déficit en comptabilité d’exercice, dont la réalisation ne peut être vérifiée qu’après un certain temps. Cette approche assure une cohérence avec la procédure concernant les déficits excessifs, mais elle implique aussi que, lorsqu’une décision doit être prise à propos de la poursuite des programmes, la Commission ne peut certifier que l’État membre bénéficiaire a atteint l’objectif de déficit fixé.

La Commission utilisait un outil de prévision existant, qui se présentait sous forme de feuilles de calcul et qui était plutôt complexe. La documentation ne facilitait pas un retour en arrière pour évaluer les décisions prises. La disponibilité des pièces s’est améliorée avec le temps, mais même pour les programmes les plus récents, certains documents clés étaient manquants. Les conditions prévues dans les protocoles d’accord n’étaient pas toujours suffisamment axées sur les conditions de politique économique générale fixées par le Conseil.

 

La Cour des comptes européenne recommande à la Commission européenne:

• de mettre en place, à l’échelle de l’institution, un cadre permettant une mobilisation rapide de son personnel et de son expertise dès lors qu’un programme d’assistance financière se dessine;
• de soumettre son processus prévisionnel à un contrôle de la qualité plus systématique;
• d’améliorer la conservation des documents et d’y prêter attention lors de l’examen de la qualité;
• de veiller à la mise en place de procédures appropriées pour examiner la qualité de la gestion des programmes et du contenu des documents relatifs à ces derniers;
• d’inclure, dans les protocoles d’accord, des variables qu’elle peut obtenir dans des délais courts;
• d’opérer une distinction entre les conditions en fonction de leur importance et de cibler les réformes véritablement essentielles;
• de formaliser la coopération interinstitutionnelle avec les autres partenaires du programme;
• de rendre le processus de gestion de la dette plus transparent;
• d’analyser de manière plus approfondie les principaux aspects de l’ajustement des pays après la clôture des programmes.

La Cour n’a pas contrôlé les décisions prises au niveau politique de l’UE. Elle n’a pas pris en considération le scénario contrefactuel d’une absence d’assistance financière, pas plus qu’elle n’a examiné la faisabilité d’une résolution des crises par d’autres moyens. Elle n’a pas non plus évalué la soutenabilité de la dette ni la probabilité du remboursement des prêts. Par ailleurs, elle n’a pas étudié la question de savoir si le Conseil avait choisi les objectifs de déficit ou les conditions structurelles les plus appropriés pour résoudre la crise. Enfin, lorsque la Cour a examiné la coopération entre la Commission et les autres partenaires, elle ne s’est pas demandé si leur participation était justifiée.
Hongrie 
L’effondrement de l’entreprise Lehman Brothers a ébranlé la confiance des investisseurs au début du mois d’octobre 2008. Il s’en est suivi une liquidation des titres d’État, une vente aux enchères ratée d’obligations et une dépréciation monétaire marquée. L’inquiétude régnant sur les marchés des changes a déclenché une pression sur la liquidité des banques, qui ont éprouvé des difficultés à renouveler leurs swaps de change. La Hongrie a demandé une assistance financière parce qu’elle redoutait de voir le vent de panique déstabiliser les mécanismes de marché au point de saper brusquement la capacité de financement extérieur du pays.
Lettonie
Au cours des trois mois qui ont précédé la demande d’assistance, les dépôts avaient reculé de 10 %. Ce phénomène était dû à des retraits massifs à la banque Parex, qui a été confrontée à de graves problèmes de liquidité après avoir perdu plus d’un quart de ses dépôts. Durant la même période, les réserves officielles avaient fondu de près de 20 % à la suite de la vente, par la banque centrale de Lettonie, de devises étrangères pour défendre l’ancrage de la monnaie locale. En novembre 2008, le gouvernement a décidé d’intervenir et de nationaliser la banque Parex et, un mois plus tard, il soumettait à des restrictions les retraits des dépôts relatifs à celle-ci. Selon le premier ministre, la Lettonie avait besoin d’une assistance financière pour trois raisons: gérer la banque Parex, financer le déficit budgétaire et stabiliser le marché financier. Les inquiétudes croissantes suscitées par le système financier et la dette extérieure du pays ont déclenché une crise de la balance des paiements et une crise bancaire.

Roumanie 
Avec l’éclatement de la crise financière mondiale en 2008, les marchés financiers et le système bancaire roumains se sont retrouvés sous une forte pression. L’accès au financement extérieur était limité, provoquant une flambée des taux d’intérêt. Le ralentissement des mouvements de capitaux s’est traduit par une dépréciation des taux de change de plus de 15 %, avec, pour corollaire, une détérioration de la qualité des actifs et une nouvelle dégradation des bilans des banques. La banque centrale est intervenue pour stabiliser la devise roumaine. La notation de la Roumanie a été ramenée sous le seuil de la catégorie «investissement», ce qui a eu pour effet d’accroître la prime de risque et le coût de l’emprunt. Les rendements des obligations souveraines ont grimpé à 9 %. En raison du net renforcement de l’aversion pour le risque, des pressions accrues sur les taux de change et d’un accès de plus en plus limité au marché obligataire pour les emprunts publics, les autorités roumaines ont adressé une demande d’assistance financière en mars 2009.
Irlande 
Dès la fin de 2007, la confiance des investisseurs dans le secteur immobilier irlandais s’était envolée sous l’effet de la crainte d’une offre excédentaire et d’une bulle des prix. L’Irlande avait alors été confrontée à un double problème: une chute des recettes cycliques dans le secteur de la construction et l’apparition soudaine de pertes importantes au niveau du système bancaire national. Au cours de la période 2008-2010, le gouvernement a pris des mesures fortes pour consolider le secteur bancaire. Il a garanti les dettes des institutions bancaires nationales. Il a injecté des capitaux pour un montant équivalant à pas moins de 20 % du PIB dans le secteur bancaire. La National Asset Management Agency a racheté les actifs fonciers et de promotion immobilière des banques en difficulté. Toutefois, les engagements pris par le gouvernement en faveur du secteur financier ont propulsé les écarts de rendement sur les obligations d’État à des sommets historiques et ont considérablement réduit l’accès du pays aux marchés financiers.
Portugal 
La période qui a précédé la demande d’assistance financière a été marquée par une évolution défavorable des finances publiques et par une détérioration des perspectives économiques. Il s’en est suivi une érosion de la confiance et des pressions croissantes de la part des marchés sur la dette portugaise, encore accentuées par une spirale négative sur les marchés des obligations souveraines dans la zone euro. À mesure que l’accès aux marchés se rétrécissait, le gouvernement a recouru de plus en plus à l’émission d’obligations à plus court terme et à d’autres types de financement (comme les placements privés, les émissions syndiquées et un important financement à court terme par les institutions bancaires nationales). Au début du mois de mai 2011, les écarts de rendement à 10 ans des obligations portugaises avaient grimpé pour atteindre 650 points de base. Après plusieurs déclassements successifs de ses obligations souveraines par les agences de notation, le Portugal s’est retrouvé dans l’impossibilité de se refinancer à des taux compatibles avec la viabilité budgétaire à long terme.
Grèce
L’assistance accordée par l’UE à la Grèce au cours de la crise fera l’objet de deux rapports spéciaux distincts de la Cour des comptes européenne. Le premier répondra à la question de savoir si l’assistance technique coordonnée par la Commission a contribué de manière positive à la mise en œuvre des programmes et au processus de réforme en Grèce. Sa publication est prévue au premier trimestre 2016. Le second, qui sera publié plus tard, consistera en une évaluation de la conception, du suivi et des résultats du programme d’ajustement économique pour la Grèce.