Le Conseil d’orientation pour l’emploi a adopté un rapport sur l’accompagnement vers et dans l’emploi. Alors que l’offre d’accompagnement des actifs, en emploi ou non, est abondante et diverse, le Conseil a voulu répondre aux questions suivantes :
- quelle est la nature et l’intensité des besoins d’accompagnement ?
- quelles sont les bonnes pratiques pour favoriser le retour à l’emploi ou un meilleur positionnement sur le marché du travail ?
- quelles orientations devraient être mises en œuvre pour renforcer la pertinence, la qualité et l’efficacité de l’accompagnement ?
Il a produit un document particulièrement riche où les différents intervenants sur le marché du travail, lecteurs avertis, trouveront matière à réflexion. Pour autant, les auteurs du rapport n’ont pas suffisamment souligné la complexité institutionnelle du sujet: une personne en recherche d’insertion professionnelle est confrontée à différents organismes qui interviennent tous, à un titre ou à un autre, sur le marché du travail. L’Etat dispose de la compétence emploi, les régions, de la compétence formation professionnelle et les départements, de la compétence insertion. Si elle a des difficultés de santé, elle sera aussi confrontée aux organismes de sécurité sociale.
Non seulement cette personne en recherche d’insertion professionnelle ne dispose pas des connaissances, des réseaux relationnels, voire des moyens financiers pour bâtir son parcours d’insertion entre ces différentes institutions, mais même les « accompagnants » qui relèvent de l’une ou de l’autre de ces administrations publiques ne maîtrisent pas toujours cette complexité organisationnelle.
Les missions et le rôle dévolus aux missions locales, de statut associatif mais de financement exclusivement public, sont ils de simplifier la mise en relation entre ces institutions et les opérateurs du service public de l’emploi où répondent-ils avant tout à des finalités socio-politiques? Leurs intervenants ont ils les aptitudes professionnelles en rapport avec leurs missions et leur rôle?
La réponse à ces préoccupations passe notamment par la simplification de ces structures d’intervention sur le marché du travail, par exemple en conférant les compétences emploi, formation professionnelle et insertion au même niveau institutionnel, la région. Sans évolution structurelle de cette nature, les propositions du COE, en soit intéressantes, ne seront que de peu d’effet. La conclusion de conventions de partenariat entre ces structures n’est pas un pis aller: elles renforcent la complexité de l’ensemble sans nécessaire faciliter les échanges d’information.
Les discussions au sein du Conseil se sont tenues sur la base d’un important programme d’auditions de spécialistes de l’accompagnement et de chercheurs, français et étrangers, ainsi que sur une revue des évaluations, françaises et internationales, de dispositifs d’accompagnement. Il est regrettable qu’aucun représentant du MEDEF, de la CGPME, de l’ANDRH n’ait été entendu. Leurs contributions à ce débat auraient sans doute été utiles.
Voici les principales contributions de ce rapport:
Accompagner, pourquoi ?
Accompagner signifie « être avec », « aller vers ». C’est guider, appuyer, soutenir, aider. « Il ne s’agit pas d’imposer une façon d’agir aux personnes accompagnées, mais plutôt de leur donner, de manière personnalisée, appui et conseils dans la construction et la gestion de leur parcours. Et cela, compte tenu de leurs aspirations, de leurs compétences et de la situation et des perspectives du marché du travail pertinent pour elles » explique Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil.
Dans son rapport, le Conseil éclaire le besoin d’accompagnement au regard des mutations actuelles du marché du travail, marqué par des transitions de plus en plus nombreuses, des passages plus fréquents entre emploi et chômage mais aussi entre différents statuts d’emploi, et l’accélération du renouvellement des besoins en compétences. L’évolution des aspirations des actifs va dans le même sens : ils souhaitent, dans une proportion significative, changer d’emploi, selon les cas pour augmenter leurs revenus, trouver un emploi plus intéressant ou une situation plus stable. Cela implique une gestion proactive, la préparation de mobilités et donc une demande d’accompagnement. « Et cela même si toute le monde n’a pas besoin d’être accompagné ni a fortiori être accompagné tout le temps », précise Marie-Claire Carrère-Gée.
L’efficacité à l’épreuve de l’évaluation
L’accompagnement a pour objectifs de permettre aux personnes de rechercher et d’avoir un emploi – le meilleur emploi -, plus rapidement et plus efficacement, et de mieux se positionner sur le marché du travail. Au niveau global, on peut théoriquement en attendre un meilleur appariement et donc un marché du travail qui fonctionne mieux, avec des conséquences positives sur la croissance et la productivité ; l’accompagnement peut aussi avoir pour effet de redistribuer les opportunités d’accès à l’emploi, avec de possibles conséquences négatives pour celles et ceux qui ne sont pas ou qui sont moins accompagnés.
De nombreux travaux ont étudié l’efficacité des différents types d’accompagnement. Il apparaît d’abord que, « parmi les politiques actives du marché du travail, l’accompagnement constitue une méthode relativement peu coûteuse au regard des résultats obtenus », souligne Marie-Claire Carrère-Gée.
Les travaux d’évaluation disponibles montrent ainsi que :
- les entretiens de suivi et d’accompagnement des demandeurs d’emploi ont un effet globalement positif sur le retour à l’emploi, plus mitigé pour les personnes vulnérables s’ils ne sont pas convenablement calibrés ;
- les contrôles et sanctions peuvent avoir lorsqu’ils sont crédibles un effet positif sur le retour à l’emploi, avec cependant un effet potentiellement négatif sur la qualité de l’emploi retrouvé ;
- les programmes d’accompagnement renforcé ciblés sont généralement efficaces sur le retour à l’emploi et la qualité des emplois, à condition d’être complets dans leur conception et intensifs dans leur mise en œuvre.
Parmi les paramètres dont dépend l’efficacité de l’accompagnement, on retiendra notamment :
- l’intérêt d’un accompagnement précoce et régulier ;
- une articulation souple et personnalisée des différentes modalités et prestations d’accompagnement;
- la connaissance par le conseiller des entreprises du territoire ;
- une démarche collaborative de la part des conseillers avec les demandeurs d’emploi accompagnés ;
- la diffusion d’informations sur le marché du travail, notamment via les outils numériques, qui réduit les délais de retour à l’emploi.
Le paysage actuel de l’accompagnement
Le rapport montre que la notion d’accompagnement a d’abord été mobilisée dans le champ social. Elle s’est ensuite étendue à l’appui aux demandeurs d’emploi et vise désormais l’ensemble des actifs pour la gestion de leurs parcours professionnel. De là résultent une offre plurielle et des conceptions de l’accompagnement variées selon les acteurs.
« Le paysage des acteurs de l’accompagnement est dispersé, voire éclaté, explique Marie-Claire Carrère-Gée. C’est bien, parce que l’offre est riche et souvent spécialisée. Mais cela rend plus difficile de s’assurer de la bonne circulation de l’information, de la qualité de l’offre, et de l’accès effectif des personnes au service qui sera le meilleur pour eux au moment où ils en ont besoin. »
Les évolutions en cours
Le rapport du Conseil montre que la professionnalisation des accompagnants est relativement hétérogène. Il n’existe pas de « profil type » du professionnel de l’accompagnement. La professionnalisation progresse, mais elle n’est pas achevée. L’offre de formation spécialisée reste modeste, la place de la formation continue est prépondérante. La professionnalisation passe désormais aussi par l’appropriation des outils numériques et de nouvelles pratiques comme le travail collaboratif. Une tendance à la labellisation et à la certification des structures se dessine, dans le cadre de démarches « qualité ».
Par ailleurs, l’accompagnement tend à devenir plus personnalisé et cherche à intégrer les freins périphériques au retour à l’emploi. Des formes d’accompagnement adaptées aux besoins de certaines catégories de demandeurs d’emploi, les jeunes par exemple, se développent. Les pratiques d’externalisation évoluent. Des initiatives de la société civile contribuent à diversifier et à renouveler l’offre.
La dimension d’accompagnement dans l’emploi se renforce, qu’il s’agisse de consolider l’insertion des demandeurs d’emploi ou d’aider les personnes en emploi dans leur transition, dans une logique d’anticipation et de sécurisation. Le numérique bouleverse ce paysage déjà complexe. « L’irruption du numérique change la donne, tant pour le service public de l’emploi et les acteurs de l’accompagnement que pour les personnes en emploi, comme nous l’avions souligné dans notre rapport consacré à l’impact d’internet sur le marché du travail », souligne Marie-Claire Carrère-Gée.
Dix priorités
« Réduire fortement et durablement le chômage passe d’abord par une accélération du rythme de création d’emplois. Mais l’accompagnement peut avoir des effets positifs, tant pour le retour à l’emploi des personnes concernées que pour le fonctionnement global du marché du travail » observe Marie-Claire Carrère-Gée.
Le Conseil a identifié dix priorités constituant autant de lignes directrices pour s’assurer de la pertinence et de la qualité de l’accompagnement mis en œuvre pour la recherche d’emploi et la gestion des parcours professionnels :
• tous les actifs doivent être mieux sensibilisés aux enjeux liés à la gestion de leur parcours professionnel ;
• l’offre d’accompagnement doit s’adapter aux besoins et aux aspirations des personnes ;
• l’accompagnement doit se fonder sur une connaissance fine et renforcée du marché du travail et de ses perspectives d’évolution, ainsi que sur l’évaluation objective des compétences et aptitudes de la personne ;
• l’offre d’accompagnement doit être mieux connue et plus lisible ;
• les logiques d’accompagnement, encore largement fondées sur des approches par statut d’activité ou par prestation, doivent mieux prendre en compte la diversité des parcours et des aspirations des actifs ;
• la professionnalisation de la fonction d’accompagnement doit se poursuivre ;
• les conséquences de la transformation numérique doivent être mieux intégrées dans l’offre d’accompagnement ;
• les pratiques d’accompagnement doivent mieux prendre en compte les résultats des travaux d’évaluation scientifique et les retours d’expérience ;
• l’expérimentation sociale doit être encouragée ;
• la culture de l’évaluation et du suivi de la performance doit être généralisée.
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