Après avoir analysé les dix-neuf réponses reçues à la consultation publique sur le projet de cadre conceptuel des comptes publics, dont celle de notre syndicat, le Conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP) a adopté, le 4 juillet 2016, son cadre conceptuel, qu’il présente comme un document de principes : « Il présente et explicite les concepts sous-jacents aux normes comptables des entités publiques. Ces éléments de « doctrine » comptable s’inscrivent clairement dans le contexte juridique français, dans lequel la Constitution elle-même pose une exigence de qualité des comptes des administrations publiques. Le cadre conceptuel des comptes publics n’est pas lui-même une norme comptable. Il doit notamment guider le travail de normalisation dans un souci de cohérence des normes entre elles et, dans la mesure du possible, de convergence des normes entre les différentes entités publiques. ». Ce document a été publié le 14 septembre 2016.
De nombreuses observations formulées en 2015 par notre organisation syndicale ont été prises en considération, ce dont nous nous réjouissons (I). Mais le cadre conceptuel conserve certaines orientations, certes désormais circonscrites, que nous avions alors estimées confuses (II).
I – Des précisions bien venues
Le cadre conceptuel est désormais clairement délimité à la seule comptabilité d’exercice, c’est à dire à la comptabilité générale, des administrations publiques. Un sous titre vient restreindre le champ de ce corps doctrinal pour le mettre en adéquation avec les compétences du CNoCP: CADRE CONCEPTUEL DES COMPTES PUBLICS RELEVANT DE LA COMPTABILITE D’EXERCICE. Notre organisation syndicale avait constaté que la définition des comptes publics retenue par la CNoCP afin de définir un cadre conceptuel différait de la définition réglementaire des comptes publics. Aux termes de l’article 55 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, « les comptes publics comprennent (en effet) une comptabilité générale, une comptabilité budgétaire et une comptabilité analytique« . Le cadre conceptuel du CNoCP écarte désormais clairement de son champ la comptabilité budgétaire et la comptabilité analytique. Il évite ainsi le délicat débat relatif aux mérites comparés des systèmes budgétaro-comptables monistes (cas des collectivités territoriales) ou dualistes (cas de l’Etat) des administrations publiques.
Le cadre conceptuel précise désormais que « les états financiers comportent, au minimum, un bilan, un compte de résultat, une annexe, et éventuellement un tableau des flux de trésorerie et un tableau de variation de la situation nette« . L’adverbe « éventuellement » est de trop, sauf pour les petites entités lorsque la production des informations relatives aux flux de trésorerie et à la variation de la situation nette présente un coût supérieur aux avantages économiques retirés de cette information. Dans les autres cas, ces deux tableaux devraient obligatoirement être produits et il est dommage que la cadre conceptuel ne prévoit pas une telle recommandation. Pour autant, notre organisation syndicale ne peut que se réjouir de voir l’annexe désormais reconnue comme élément indispensable des « états financiers », celle-ci étant rarement produite avec un degré d’exactitude satisfaisant par les collectivités territoriales et leurs établissements publics.
II- Des apories circonscrites
A l’instar du cadre conceptuel développé par le comité des normes internationales de comptabilité du secteur public, le cadre conceptuel adopté par le CNoCP a recours à la notion de « souveraineté » afin d’aborder certaines spécificités de l’action publique. Selon notre organisation syndicale, le recours à ce concept est aporétique en ce qu’il associe au sein d’un même document des concepts issus de registres sémantiques fort différents. Le concept de « souveraineté » a tout son sens en philosophie politique, voire en droit constitutionnel, et a été l’objet de réappropriation diverses dans le champ politique, notamment à l’occasion de consultations nationales sur le traité de l’Union européenne. Y recourir dans un cadre conceptuel des comptes publics conduit cependant à en altérer la rigueur analytique.
Notre organisation syndicale avait rappelé en 2015 que le recours au concept de souveraineté ne visait qu’à justifier par un argument d’autorité des aménagements aux principes comptables couramment appliqués par les membres de la fédération internationale des comptables (IFAC). Nous avions précisé que de tels écarts peuvaient être appropriés aux spécificités des administrations publiques mais ils devaient alors être dûment justifiés par des éléments clairement présentés. La justification de ces aménagements par un expédient n’était pas recevable.
Si le cadre conceptuel maintient aujourd’hui cet expédient, reconnaissons qu’il circonscrit son impact sur la production des normes comptables. Il indique ainsi que, d’une manière générale, « les droits, obligations ou opérations des entités publiques similaires ou assimilables à ceux des entreprises sont traités selon des normes similaires ou assimilables aux normes applicables aux entreprises« . Puis il précise les exceptions à cette affirmation de portée générale de la façon suivante : »Les droits, obligations ou opérations qualifiés de spécifiques de l’action publique découlent des pouvoirs et engagements du pouvoir souverain et possèdent de ce fait des caractéristiques qui peuvent requérir des dispositions comptables ad hoc. »
Gageons que l’organisation de ces restrictions auraient pu faire l’économie du recours à la notion de « souveraineté ». L’attachement du CNoCP à cette notion, pourtant également contestée par le Premier président de la Cour des comptes, dans sa propre réponse à la consultation, est inconnue. Sans doute le pouvoir réglementaire a-t-il souhaité, par cet aménagement, conserver des marges de manœuvre vis à vis des principes comptables de l’IFAC.
Conformément aux attentes de notre organisation syndicale, le cadre conceptuel n’a pas de force normative et n’énonce pas de règles comptables.Il permet au normalisateur de veiller à la cohérence des normes et des états financiers. Il est également un instrument de compréhension des normes pour ceux qui établissent les états financiers, ceux qui les contrôlent et ceux qui les utilisent. En l’absence de norme permettant de traiter une opération particulière, le producteur de comptes et, le cas échéant, l’auditeur, peuvent se référer au cadre conceptuel pour déterminer la méthode comptable la plus appropriée. Dans ce cas, du fait du caractère non contraignant du cadre conceptuel, tout raisonnement qui s’appuie sur lui (par renvoi ou référence) doit être accepté par l’ensemble des parties prenantes à la décision. Nous conservons en conséquence toute latitude de nous en écarter dans nos travaux si nous l’estimons nécessaire.
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