M. Pierre Morel A L’Huissier, député, membre de la commission des lois, a souhaité rencontrer le président du SJFu afin de préparer une proposition de loi en lien avec l’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. M. Pierre Morel A L’Huissier est également maire de Fournels, en Lozère, commune qui participe à l’expérimentation de la certification des comptes.
Le président du SJFu a souligné que les contrôles juridictionnels et les examens de gestion effectués par les chambres régionales et territoriales des comptes mettent souvent en lumière des défaillances du contrôle interne au sein des collectivités territoriales, de leurs groupements et des établissements publics locaux. Ces omissions les exposent à des risques et, souvent, des dépenses inutiles. Il peut s’agir par exemple de décisions d’investissement dans un champ de compétence transféré à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ; de la conclusion de contrats d’emprunt structuré toxiques, du financement par voie de subvention de prestation de service devant faire l’objet d’un marché public ; de la participation d’un agent territorial à une commission d’appel d’offres ; de la mise en place d’un régime indemnitaire illégal ou simplement d’un défaut d’entretien du patrimoine.
Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire effectués par les préfectures ne permettent pas toujours d’éviter de tels risques. D’une part, les agents en charge de ces activités ne peuvent pas matériellement examiner chaque acte. D’autre part, l’irrégularité de certaines délibérations ou actes unilatéraux ne constituent qu’une catégorie de risque auxquels se trouve confrontée une collectivité territoriale. Par ailleurs, le règlement général sur la comptabilité publique du 29 décembre 1962 qui constituait depuis cinquante ans un texte de référence pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux avait pris quelques rides au regard notamment aux progrès récents en matière de gestion publique et de contrôle interne.
Ces modalités de contrôle – de légalité, budgétaire et comptable – ont longtemps démontré leur efficacité, en évitant nombre de fraudes, malversations et autres erreurs administratives. Elles n’ont toutefois pas empêché, l’émergence de risques significatifs, voire très significatifs, sans que ceux-ci ne soient identifiés, analysés ou traités.
Aussi, les collectivités locales pourraient-elles mieux garantir la fiabilité de leur système budgétaire et comptable, en renforçant leur dispositif de contrôle interne, de façon complémentaire à l’intensification de l’audit externe3. Rares sont en effet les administrations publiques locales dotées d’un service d’audit susceptible d’identifier les faiblesses de leurs dispositifs de contrôle interne et d’en informer l’ordonnateur et l’assemblée délibérante. Aucune disposition législative ou règlementaire n’impose encore aujourd’hui à une collectivité territoriale, fût-elle de l’importance d’un département ou d’une région, de se doter d’un service d’audit interne ni même de réaliser un rapport d’audit interne.
Les systèmes de contrôle évoluent avec le temps, ainsi que la manière dont ils sont appliqués. Ils peuvent se révéler efficaces pendant une certaine période, du fait qu’ils ont été conçus pour répondre à une situation donnée, et devenir insuffisants une fois cette situation modifiée. Les élus et les gestionnaires doivent donc déterminer si leur dispositif de préventiondes risques est toujours pertinent et à même de s’appliquer à des risques liés à des conditions nouvelles.
Or les différentes vagues de décentralisation, la multiplication d’établissements de coopération intercommunale et la complexification croissante du droit public applicable aux entités publiques locales sont à l’origine de risques nouveaux susceptibles de compromettre la réalisation et l’optimisation des opérations conduites par les collectivités territoriales, la fiabilité de leurs informations financières et la conformité de leurs actes aux lois et aux règlements en vigueur.
A ce titre, les fondements juridiques obligeant une collectivité territoriale, un groupement ou un établissement public local de se doter d’un dispositif de contrôle interne se sont affermis.
D’une part, le deuxième alinéa de l’article 47-2 de la constitution, introduit par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, dispose que : « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. ».
D’autre part, la directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres dispose : « En ce qui concerne les systèmes nationaux de comptabilité publique, les États membres disposent de systèmes de comptabilité publique couvrant de manière exhaustive et cohérente tous les sous-secteurs des administrations publiques et contenant les informations nécessaires à la production de données fondées sur les droits constatés en vue de la préparation de données établies sur la base des normes du SEC 95. Ces systèmes de comptabilité publique sont soumis à un contrôle interne et à un audit indépendant. ».
En conséquence, le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique renouvelle les règles comptables applicables à la gestion publique ainsi que les règles budgétaires, auparavant éclatées entre plusieurs textes. Il actualise par ailleurs les règles de la gestion publique au regard des évolutions récentes, notamment sur le développement de la dématérialisation des actes et procédures. Il tire les conséquences des dispositions constitutionnelles (article 47-2 de la Constitution) qui imposent la régularité et la sincérité des comptes de toutes les administrations publiques. L’exigence de qualité des comptes publics est ainsi réaffirmée s’agissant des collectivités territoriales et les établissements publics locaux.
Le décret fonde désormais l’application des règles de la gestion publique sur un critère d’appartenance à la catégorie des « administrations publiques », laquelle peut inclure des personnes morales de droit privé, lorsqu’elles sont majoritairement financées par des fonds publics, notamment des contributions obligatoires ou des concours de l’État. Ce champ d’application répond à l’objectif d’une gouvernance renforcée et cohérente des finances publiques, puisque c’est sur ce périmètre que sont présentés les engagements européens de la France.
Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux sont concernés par les dispositions générales du décret. En revanche, les dispositions du décret relatives au contrôle interne et à l’audit ne s’appliquent pas aux collectivités territoriales et aux établissements publics locaux, en application du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Aussi apparaît il nécessaire, pour nombre d’entre eux, notamment les plus importants, de se doter d’un dispositif de contrôle interne qui leur soit propre. Seule une disposition législative est de nature à l’imposer.
M. Pierre Morel A L’Huissier s’est déclaré très intéressé par la proposition de renforcer le contrôle interne au sein des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Il a sollicité le SJFu pour la production d’une note de synthèse sur ce sujet.
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