La réponse est bien évidemment non. Les conditions de recrutement au sein de la fonction publique territoriale sont en premier lieu, comme pour les autres fonctions publiques, présidées par le principe d’égal accès aux emplois publics. Ensuite, elles sont encadrées par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, laquelle prévoit que les emplois publics territoriaux sont prioritairement pourvus par la voie du concours. Ce n’est que dans des cas limitativement énumérés que les collectivités peuvent avoir recours au recrutement d’un agent non titulaire. Quelle que soit l’hypothèse envisagée, c’est l’exécutif qui détient le pouvoir de nomination et à qui il revient de choisir la candidature retenue pour pourvoir l’emploi vacant.
S’agissant du cas où un maire souhaiterait recruter un parent, la voie contractuelle et celle du recrutement direct sans concours sont indissociables d’un risque pénal résultant de l’intérêt moral qu’aurait ce maire à recruter un membre de sa famille. En effet, il convient de faire une lecture combinée des dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale et celles résultant, d’une part, de l’article 432-12 du code pénal définissant la prise illégale d’intérêt et, d’autre part, de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, lesquelles tendent à écarter ce type de recrutement.
En ce qui concerne l’état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation, le « délit est caractérisé par la prise d’un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect, et se consomme par le seul abus de la fonction, indépendamment de la recherche d’un gain ou de tout autre avantage personnel » (Cour de cassation n° 99-86871 du 21 /06/2000). C’est ainsi que le juge pénal sanctionne l’élu qui a recruté ses deux enfants comme agents non titulaires de la collectivité. En privilégiant les intéressés au mépris des prescriptions légales, il a pris un intérêt moral dans l’attribution de ces deux postes, alors qu’il avait la surveillance de ces opérations et en assurait le paiement. La circonstance que de tels recrutements auraient constitué une pratique courante dans les collectivités territoriales n’exonère pas l’élu du respect de la loi (Cour de cassation n° 05-85276 du 08/03/2006).
Par ailleurs, si la qualification pénale du délit de prise illégale d’intérêt relève, au cas par cas, de la seule appréciation du juge pénal, les juges administratifs censurent l’acte administratif qui expose l’élu à l’application de la sanction pénale. Ainsi, le juge administratif peut être amené à prendre en compte le droit pénal, non pour dire si une infraction a été commise ni pour prononcer une condamnation, mais pour déterminer si un acte administratif a respecté les prescriptions établies par ce droit (C.E. n° 167 502 du 06/12/1996). À titre d’illustration, dans un jugement rendu le 20/12/1995 (n 951390) par le tribunal administratif de Besançon, les juges ont considéré « qu’un conseil municipal ne peut légalement prendre une délibération qui, ayant pour objet d’autoriser un acte tel que le recrutement d’un agent conjoint du maire, exposerait celui-ci, en cas de réalisation effective de cet acte, à l’application de l’article 432-12 du code pénal ; que par suite, Mlle… et M…. sont fondés à soutenir que la délibération attaquée décidant du recrutement de la propre épouse du maire est illégale ». L’arrêt du Conseil d’État, statuant au contentieux, en date du 27/07/2005 (n° 263 714) a ainsi confirmé un jugement initial pris par le tribunal administratif de Papeete du 1210/1999 qui se fondait sur le motif de la filiation des personnes recrutées avec les maire et adjoints de la commune et jugeait qu’il résultait des dispositions de l’article 432-12 du code pénal que l’autorité de tutelle pouvait légalement prononcer l’annulation des actes de recrutement litigieux.
Pour en savoir davantage:
Q.E. n° 75 550 J.O. A.N. du 17/08/2010
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