Une délégation du SJFu reçue à l’Elysée

Mme Sonya Djemni-Wagner, conseillère Justice et M. Fabrice Aubert, conseiller institutions, action publique et transition numérique, ont reçu le vendredi 15 septembre une délégation du SJFu composée de Vincent Sivré, président, Yves Roquelet et Nicolas Billebaud, membres du Conseil supérieur des juridictions financières.

Notre délégation a présenté le Livre blanc consacré à l’avenir des juridictions financières publié au début de l’été.

Le livre blanc recommande en premier lieu de renforcer l’office du juge financier en améliorant le régime de responsabilité des gestionnaires publics et en simplifiant celui des comptables. Il est ainsi proposé de transférer la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) pour juger la responsabilité des gestionnaires de fonds publics à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (CRC). Les membres du Gouvernement et les élus locaux seraient ainsi attraits devant les juridictions financières lorsqu’ils seraient mis en cause pour des manquements au droit public financier, dans le cadre de leurs fonctions. Le régime de responsabilité des comptables publics pourrait également être simplifié, en substituant au régime actuel du débet ou de la somme non rémissible, une sanction financière unique et en supprimant le pouvoir de remise gracieuse du ministre du budget. En outre, devant l’apparence peu contraignante des observations et recommandations issues des juridictions financières, il est suggéré de doter celles-ci d’un véritable pouvoir d’injonction sous astreinte.

M. Fabrice Aubert a reconnu l’intérêt de nos propositions au regard des projets à venir de la présidence de la République concernant la gestion publique et a précisé que l’introduction d’un véritable pouvoir d’injonction sous astreinte ne soulevait pas a priori de difficulté juridique voire constitutionnelle même si elle devra être dûment justifiée devant le Parlement, notamment le Sénat. Le transfert de la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière aux juridictions financières soulève aussi la question du rôle et des prérogatives du Conseil d’Etat dans le dispositif, sachant que les conseillers d’Etat siègent actuellement de façon paritaire à la CDBF, même si celle-ci est présidée par le Premier président de la Cour des comptes.  Nous avons souligné que le Conseil d’État devait demeurer l’instance de cassation du dispositif, l’introduction d’un tribunal de cassation suggéré par Philippe Seguin en 2009, apparaissant inutilement provocatrice. M. Fabrice Aubert a aussi estimé que notre proposition de simplifier le régime de responsabilité pécuniaire des comptables publics s’inscrivait en cohérence dans les projets portés par M. Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des comptes publics.

Dans un deuxième temps, notre délégation a exprimé le souhait d’accentuer les pouvoirs des juridictions financières de contrôle de toutes les activités ayant recours à des fonds publics ou sociaux. Afin de faire évoluer les modalités de ce contrôle, le livre blanc propose d’instituer la publication régulière de rapports annuels et thématiques par les CRC, d’instaurer une procédure permettant, dès le lancement de l’instruction, d’entendre l’ensemble des parties prenantes d’une politique publique contrôlée et de créer les conditions permettant un contrôle unique d’un organisme et des structures qui lui sont liées. Il est par ailleurs proposé d’inscrire explicitement dans un texte la mission d’évaluation des politiques publiques locales parmi les compétences des CRC.

M. Fabrice Aubert a souligné l’intérêt de ces propositions, et précisé que l’évaluation de politiques publiques régionales relevait du bon sens. La mise en oeuvre d’une procédure unique pour contrôler les établissements publics de coopération intercommunale et leurs communes membres ou les communes et leurs satellites ne devrait pas soulever de difficulté tant cette proposition apparaît réaliste et raisonnable. Il a toutefois estimé que l’introduction d’une saisine des chambres régionales par les citoyens risquait d’engorger leur fonctionnement, même si un dispositif de d’examen de recevabilité était mis en place.

En dernier lieu, le SJFU appelle à développer des garanties supplémentaires pour l’indépendance des magistrats financiers. Il propose que le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes soit organisé de manière paritaire et doté d’un pouvoir d’avis conforme. Il est également recommandé de créer une inspection générale pour l’ensemble des juridictions financières, indépendante du Premier président et n’intervenant pas dans la gestion des juridictions. Enfin, la composition du collège de déontologie pourrait être modifiée afin de renforcer les prérogatives de ce dernier.

Mme Sonya Djemni-Wagner a rappelé qu’au Conseil supérieur de la magistrature judiciaire les magistrats n’étaient plus majoritaires depuis 2008. En revanche, elle a reconnu que ce conseil de Justice se prononçait avec un avis conforme sur les décisions de nomination des magistrats du siège, ce qui n’est pas le cas des Conseils supérieurs des juridictions financières. Elle a précisé qu’il était envisagé d’étendre cette disposition aux magistrats du parquet. Notre délégation a rappelé qu’il était arrivé à plusieurs reprises que le Premier président nomme un magistrat à la tête d’une juridiction malgré un avis défavorable d’un des deux Conseils supérieurs des juridictions financières. Notre délégation a aussi regretté que la procédure de détachement entrant ne reconnaissait aucune prérogative aux Conseils supérieurs des juridictions financières, alors que le Conseil supérieur des magistrats de tribunaux administratifs se prononce systématiquement sur tout détachement entrant.

Pour en savoir davantage : 

Le SJFu reçu au cabinet du ministre de l’action et des comptes publics

Le SJFu présente son Livre blanc sur les juridictions financières