La direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers vient de publier le projet de décret de l’ordonnance Marchés publics du 23 juillet 2015. Très attendue, cette première version du décret apporte de nombreuses réponses aux questions que l’ordonnance avait laissées en suspens. Ce projet est soumis à consultation jusqu’au 4 décembre 2015. La DAJ encourage vivement les acteurs à faire part de leurs remarques.

Le projet de décret introduit davantage de souplesse dans le domaine de la commande publique, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle philosophie de l’achat public. En effet, à l’instar de l’ordonnance, le décret assoit la consécration textuelle du sourcing (article 3). L’acheteur pourra donc consulter des entreprises dans le but de l’éclairer dans l’élaboration de sa consultation. Cette pratique est toutefois encadrée, notamment au regard des principes de la commandes publique et afin de limiter les risques de conflits d’intérêt. De plus, concernant le choix de la procédure, une distinction demeure entre les pouvoirs adjudicateurs (article 25) et les entités adjudicatrices (article 26). Lorsqu’ils décident de lancer une procédure, l’un comme l’autre peuvent choisir l’appel d’offres ou le dialogue compétitif, mais aussi une procédure négociée. Pour les pouvoirs adjudicateurs, il s’agit de la « procédure concurrentielle avec négociation » (article 68 à70), plus encadrée que celle des entités. En effet, les pouvoirs adjudicateurs devront fixer des exigences minimales à respecter. En outre, s’il s’est réservé la possibilité, finalement, de ne pas négocier, il pourra attribuer le marché sur la base de l’offre initiale. Plus souple, la « procédure négociée avec mise en concurrence préalable » permet aux entités adjudicatrices de négocier plus librement avec les candidats (article 71). La distinction pouvoir adjudicateur/entité adjudicatrice persiste donc dans certains cas.

L’article 100 prévoit maintenant que les acheteurs publics devront publier un avis d’attribution dans le même support que leur avis d’appel public à la concurrence (AAPC) pour les marchés de plus de 25.000 euros HT. Au-dessus des seuils, la publication est toujours obligatoire et devra se faire au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE).

Six cas de modifications des marchés publics en cours d’exécution sont prévus par l’article 134, qui vient éclaircir une incertitude juridique à ce sujet. Il sera notamment possible de conclure un avenant si le montant de la modification est inférieur aux seuils européens et à 10% du montant du marché initial de services ou de fournitures et 15% pour les marchés de travaux. C’est d’ailleurs la première fois que des seuils chiffrés sont introduits dans des textes de la commande publique. Contrairement à ce qui avait été annoncé, ce type d’avenants n’aura pas à être publié au Joue. En revanche, les avenants conclus suite à un changement de cocontractant ou à des circonstances imprévisibles devront faire l’objet d’une publication. Ces types d’avenants ne doivent pas dépasser 50% de la valeur initiale du marché public.

Froissées par la transposition des textes européens, ces deux professions ont manifesté leur mécontentement. Elles ont été plus ou moins entendues. Les avocats n’ont ainsi eu que partiellement gain de cause. Les articles 29 et 36 du projet de décret organisent en effet une procédure très allégée pour les services liés à la représentation devant les juridictions alors que les avocats souhaitaient une exclusion pure et simple de ceux-ci, comme en témoigne leur recours contre l’ordonnance devant le Conseil d’Etat. Ils restent toutefois pleinement soumis aux règles concernant les avis d’attribution (article 100) et les modifications en cours d’exécution (article 134). Pour les architectes, la spécificité des marchés de maîtrise d’œuvre est conservée (article 87). La procédure du concours reste obligatoire, mais seulement pour les marchés passés par l’Etat, ses établissement publics à caractère autres qu’industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics. En outre, le concours devient facultatif pour les marchés publics de maîtrise d’œuvre relatifs « à la réalisation d’un projet urbain ou paysager », notion a priori plutôt large. Cette procédure est également facultative pour tous les marchés de maitrise d’œuvre des autres acheteurs.

Jusqu’à ce jour, en présence d’offres irrégulières ou inappropriées, l’article 35 du Code des marchés publics permettait seulement de passer en procédure négociée. Désormais, l’article 56 permet à l’acheteur, tout en restant dans le cadre de la procédure d’appel d’offres ou de procédures adaptées sans négociation, d’autoriser les soumissionnaires concernés à régulariser leurs offres irrégulières, sauf si elles sont anormalement basses. Les offres inappropriées et inacceptables devront quant à elles être éliminées. Pour les autres procédures (dialogue compétitif et négociation), les offres irrégulières et inacceptables pourront être régularisées. Afin de faciliter le travail des acheteurs, cet article livre une définition pour chacune de ces trois types d’offres. Par ailleurs, l’article 57 impose désormais à l’acheteur de demander des explications au soumissionnaire en cas d’offre anormalement basse.

Dans un souci de mieux encadrer le recours aux marchés de partenariats, l’article 144 met en place trois seuils : 5 millions d’euros HT lorsque l’objet principal du marché de partenariat porte sur des biens immatériels, des systèmes d’information ou des équipements autres que des ouvrages ; 10 millions d’euros HT lorsque l’objet principal du marché porte sur des ouvrages d’infrastructures de réseaux ou certains ouvrages de bâtiments et 20 millions d’euros HT pour tous les autres marchés. L’articler 155 prévoit quant à lui une part minimale à confier à des TPE/PME ou à des artisans, à hauteur de 10% du montant prévisionnel du contrat hors coût de financement.