L’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques sont aujourd’hui largement décentralisées. Lorsqu’elles ne le sont pas, elles relèvent d’une compétence partagée entre l’Etat et les collectivités territoriales. Aussi, les chambres régionales et territoriales des comptes sont-elles de plus en plus associées aux travaux de la Cour lorsque cette dernière intervient au titre de la mission d’assistance au Parlement et au Gouvernement dans l’évaluation des politiques publiques  (art. 47-2 de la Constitution). Au sein de formations inter-juridictions (ou formations communes), les magistrats de la Cour et des CRTC délibèrent ensemble sur ces travaux communs, souvent publiés sous forme de rapports publics particuliers.

Parmi ces travaux inter-juridictions, un rapport sur les finances publiques locales, fruit d’un travail commun avec les chambres régionales des comptes, sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics est publié chaque année en octobre.

L’article L. 141-13 du code des juridictions financières dispose que « lorsqu’une enquête ou un contrôle relève à la fois des compétences de la Cour des comptes et de celles d’une ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes ou de celles de deux ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes, ces juridictions peuvent, dans l’exercice de leurs missions non juridictionnelles, mener leurs travaux dans le cadre d’une formation commune. Celle-ci est constituée par arrêté du premier président. Elle statue sur les orientations de ces travaux, les conduit ou les coordonne et délibère sur leurs résultats. Elle en adopte la synthèse ainsi que les suites à lui donner. »

Avant 2011, les formations inter-juridictions (« FIJ ») avaient pour seule fonction de conduire les travaux et d’adopter la synthèse de ces travaux et les suites à donner à cette synthèse. Chaque juridiction conduisait les travaux qui lui incombaient et délibérait sur leurs résultats, la formation commune ayant essentiellement une fonction « d’ensemblier ». Depuis 2011 (loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles), il revient aux formations elles-mêmes de statuer sur les orientations des travaux, de les conduire et de délibérer sur leurs résultats. Elles en adoptent ensuite la synthèse ainsi que les suites à lui donner. L’un des principaux changements apportés par la loi de 2011 au dispositif des formations communes aux juridictions  est donc la « conduite des travaux » par ladite formation.  Du texte de la loi de 2011, il résulte que, dans tous les cas de figure, les modalités de détermination de la conduite des travaux dépendent de la FIJ au regard des contraintes de délais de l’enquête ou du contrôle.

Dans le cas d’une contrainte de délai avérée, la FIJ mène l’ensemble des travaux concernant l’enquête ou le contrôle à l’origine de sa constitution. Son intervention est alors exclusive de toute autre. La réalisation des travaux (au sens de contrôle ou d’enquête) est directement effectuée par l’équipe des rapporteurs de la FIJ. Dans les autres cas, la FIJ organise l’exécution des travaux de contrôle ou d’enquête, dans un calendrier préétabli avec les chambres de la Cour et des CRTC concernées. Ces dernières assurent les instructions nécessaires dans leurs domaines de compétences respectifs et elles procèdent aux renvois convenus à la FIJ sans préjudice des suites qu’elles entendent donner aux contrôles et enquêtes. L’habitude a depuis été prise de désigner « FIJ 1 » dans le premier cas et « FIJ 2 » dans les autres cas.

Les deux types de formations inter-juridictions

En l’absence d’urgence, ou lorsque l’opération à mener nécessite le contrôle organique de collectivités territoriales, la procédure suivie comporte deux étapes. Dans un premier temps, la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) conduisent leurs travaux d’examen selon leurs propres procédures, chacune de leur côté. Elles adressent leurs observations définitives à la formation commune. Dans un second temps, la formation commune rédige un rapport synthétisant ces observations. Ces formations fonctionnent avec un nombre réduit de rapporteurs puisque les travaux d’instruction ont été menés par la Cour et les CRTC.

En cas d’urgence, tous les travaux, y compris ceux d’instruction, sont conduits directement par la formation commune. Dans ce cas, la formation doit être dotée d’un nombre plus important de rapporteurs.

 

Grâce à cette procédure, les juridictions financières sont en mesure de répondre dans un délai beaucoup plus court aux demandes d’enquête, émanant du Parlement et du Gouvernement, qui concernent à la fois le champ de compétence de la Cour et celui des CRC.

Jusqu’à la loi du 13 décembre 2011, dans ce cas de figure, s’additionnaient les délais propres à chaque CRC, ceux propres à la Cour, puis ceux de la FIJ, ce qui ne permettait pas la réalisation de ces travaux dans des délais raisonnables.

Depuis leur introduction, plus d’une cinquantaine de formations ont été créées. Leur durée de vie est limitée au temps nécessaire à la réalisation des travaux pour lesquels elles ont été constituées. Certaines FIJ sont néanmoins permanentes telles que la formation commune « finances publiques locales ».

Les thèmes des enquêtes diligentées par ces formations sont divers : les maternités, les stations de ski dans les Pyrénées, l’accès des jeunes à l’emploi, le haut débit, la départementalisation de Mayotte, la gestion du stationnement urbain…

Les magistrats qui participent à ces formations sont nommés par arrêté du premier président sur proposition des présidents des chambres auxquelles ils appartiennent. Ils continuent à exercer, en parallèle, les missions de contrôle engagées pour le compte de leur juridiction d’appartenance.

Le syndicat des juridictions financières estime qu’il ne faudrait pas que les travaux inter-juridictions, en particulier des formations constituées en cas d’urgence (cf. encadré supra), se développent au détriment des missions de contrôle organique des CRC. Le principe doit demeurer celui de chambres régionales et territoriales des comptes, juridictions autonomes, qui assurent librement la programmation et la conduite de leurs travaux.