Thomas Andrieu, directeur de cabinet du ministre de la Justice et Anthony Duplan, conseiller libertés publiques, droit public et juridictions administratives au cabinet du ministre ont reçu Vincent Sivré, président du syndicat des juridictions financières unifié le 8 juillet 2016. L’ordre du jour de la rencontre portait essentiellement sur les modalités de la représentation de notre corps au sein du Conseil supérieur des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC).
En préambule, Thomas Andrieu a rappelé que le ministère de la Justice ne disposait d’aucune prérogative sur les modalités de gestion des magistrats financiers. Il a toutefois précisé que notre statut de « magistrat » ne laissait pas le ministère de la Justice indifférent.
Vincent Sivré a présenté le corps des magistrats de CRTC (effectifs, modalités de recrutement, mode de représentation au sein du Conseil supérieur) puis l’organisation syndicale (représentativité, nombre d’adhérents, principaux thèmes de revendication). Thomas Andrieu s’étant montré très intéressé sur l’unicité de la représentation syndicale, le processus de regroupement des deux organisations – SYMAC et SJF – en 2013 et son impact – celui du SJFu – lui a été exposé.
Vincent Sivré a également décrit les enjeux, les objectifs et les modalités de mise en œuvre de la réforme des juridictions financières en 2012-2013 et en 2015-2016, y compris en ce qui concerne le développement des formations inter-juridictions. A la demande de Thomas Andrieu, il a précisé que le siège des CRTC ne correspondait pas à celui des chefs lieux de région dans quatre cas : Noisiel (Paris), Arras (Lille), Metz (Strasbourg) et Montpellier (Toulouse) en en précisant les raisons.
De façon concomitante à cette réforme, à la demande des parlementaires, des initiatives nationales mais aussi locales ont contribué à renforcer homogénéité des travaux des chambres régionales et territoriales des comptes par l’adoption de normes professionnelles communes et, surtout, d’outils d’analyse partagés en matière d’analyse financière et d’analyse de la masse salariale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux. Les concepts (par exemple des soldes intermédiaires de gestion) et les méthodes utilisées sont désormais identiques d’une CRTC à l’autre.
Les revendications du syndicat visant à améliorer la représentation du corps au sein du Conseil supérieur ont ensuite été présentées. Vincent Sivré a indiqué que le corps des magistrats de CRTC ne supportait pas la subordination dans lequel il était placé vis-à-vis du corps des magistrats de la Cour des comptes alors que, fondamentalement, les uns et les autres effectuent les mêmes activités professionnelles, de plus en plus souvent de façon conjointe.
Thomas Andrieu a demandé de préciser si ce constat relevait d’une remise en cause du principe d’indépendance des magistrats ou d’une analyse sociologique.
Vincent Sivré a répondu que cette appréciation reposait à la fois sur un constat de nature sociologique et sur celui d’entorses au principe d’indépendance.
Les pesanteurs sociologiques liés aux modalités de gestion des sorties de l’ENA ont des effets pervers au sein des juridictions financières de même nature que ceux que l’on rencontre dans les autres administrations de l’Etat : Si l’on peut éventuellement comprendre que les classements annuels des élèves de cette école produisent encore des effets de carrière 15 ans après la fin de la scolarité, il est plus délicat de justifier qu’ils en produisent encore 30 ans après. Une même personne peut être brillante à 25 ans et ne plus l’être du tout à 45. Inversement, un élève moyen, au regard des critères de la scolarité – lesquels sont régulièrement contestés, y compris par les membres du jury -, peut révéler ses talents au contact renouvelé avec les réalités administratives.
Des entorses au principe d’indépendance sont trop souvent constatées lors de la nomination de collègues à des postes de responsabilité au sein des chambres régionales et territoriales des comptes. Le syndicat n’est pas toujours en mesure de s’assurer que les nomination sont décidées uniquement sur des critères de compétences professionnelles. D’autres éléments semblent être pris en considération sans que les membres élus du Conseil supérieur en soient informés. Thomas Andrieu s’est ainsi montré très surpris d’apprendre qu’une nomination d’un haut magistrat avait pu être prononcée au sein des juridictions financières en dépit d’un avis négatif du Conseil supérieur.
Thomas Andrieu a indiqué que la demande visant à porter de six à neuf le nombre de représentant du corps ne s’inscrit pas dans l’agenda du ministère de la justice d’ici les prochaines élections présidentielles. (Chacune des deux formations du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), du siège et du parquet, comptent actuellement six représentants et il n’est pas envisagé de modifier cette composition d’ici le printemps 2017).
En revanche, il a souligné que notre revendication visant à renforcer les prérogatives du Conseil supérieur des CRTC en matière de recrutement des magistrats entrait en résonance avec les préoccupations actuelles de ce ministère. Cela pourrait ainsi conduire à remplacer un avis simple par un avis conforme pour le nomination de magistrats y compris, bien sûr, de hauts magistrats, présidents et vice présidents de CRTC.
Thomas Andrieu a demandé où en étaient les juridictions financières dans le processus de préparation de l’ordonnance prévue par la loi Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires.
Vincent Sivré a indiqué que la consultation du Conseil supérieur avait eu lieu la veille. Elle avait été préparée en amont par un processus de concertation satisfaisant ayant offert la possibilité au syndicat de formuler ses propositions. Il a ensuite présenté succinctement les propositions du syndicat qui ont été retenues (recommandation, distinction FIJ 1 et FIJ 2, extension de l’entretien préalable aux organismes non publics) et celles qui n’avaient pas été retenues (administrations publiques, concession) ; le régime des incompatibilités des magistrats de CRTC étant rapproché de celui des magistrats administratifs.
Vincent Sivré a précisé à Thomas Andrieu que la loi d’habilitation était plus restrictive en ce qui concerne les juridictions financières que pour les juridictions administratives puisqu’elle prévoit que la composition et les attributions du Conseil supérieur des tribunaux administratifs peuvent être adaptées alors que ce n’est pas le cas en ce qui concerne les CRTC. Le projet d’ordonnance présenté au Conseil supérieur des tribunaux administratifs vise d’ailleurs à rapprocher les compositions et attributions de ce dernier de celles du Conseil supérieur des CRTC. Vincent Sivré a rappelé à cet égard que les compositions et attributions du Conseil supérieur des CRTC n’étaient pas satisfaisantes et qu’il fallait être plus ambitieux pour asseoir définitivement l’indépendance de ces deux Conseils supérieurs.
La rencontre s’est close sur le constat partagé que les deux institutions auraient tout intérêt à renforcer les mobilités croisées des magistrats judiciaires et financiers. Vincent Sivré a souligné que des magistrats de CRTC avaient réalisé des mobilités intéressantes à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, au service centrale de prévention de la corruption, à l’agence pour l’immobilier de la justice et sur des postes de vice-procureurs judiciaires. Il a estimé que les parcours croisés des procureurs financiers et des procureurs judiciaires permettraient de renforcer la coopération des deux institutions en matière pénale. Il a regretté qu’il y avait peu de mobilités de magistrats judiciaires vers les juridictions financières. Thomas Andrieu a estimé que de telles mobilités permettraient de renforcer les compétences administratives des magistrats judiciaires et seraient à ce titre bienvenues.
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