Une fois par an, l’équipe conjoncture du Centre d’observation économique et de Recherche pour l’Expansion de l’économie et le Développement des Entreprises (Coe-Rexecode) élargit ses prévisions pour l’économie mondiale à un horizon de 5 ans. Selon ces prévisions, disponibles sur le site Internet de ce centre d’études économiques de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, une croissance mondiale un peu plus vive se dessinerait à court terme. Associée à la relance américaine, elle fabriquerait toutefois les conditions de son retournement dès 2019. Selon les analystes du Coe-Rexecode trois éléments pèseront de façon significative sur la croissance à moyen terme : le fléchissement des croissances potentielles, la sortie des politiques monétaires exceptionnelles, dites de « Quantitative Easing » (QE), et le retour de mesures protectionnistes. D’ici 2021, les rythmes de croissance seront partout inférieurs à ceux d’avant crise.
Derrière la relative euphorie que dépeignent les indicateurs de climat des affaires à l’échelle mondiale, les risques macroéconomiques qui s’accumulent pourraient faire caler la petite reprise économique.
Dix ans après la grande récession (2007 – 2017), le paysage économique mondial s’est, selon les économistes du Coe-Rexecode, profondément modifié :
- Les rythmes de croissance potentielle ont fléchi partout avec la combinaison du vieillissement, des pertes durables de capital physique et humain durant la crise et la faible incidence du numérique sur la productivité.
- La sortie progressive des politiques monétaires exceptionnelles dictera en grande partie le tempo du cycle économique. Le levier budgétaire prendra sûrement le relais, mais pour plusieurs économies dont la France, la question clé sera celle de la soutenabilité de la dette publique. Le taux d’intérêt des obligations souveraines françaises à 10 ans s’est tendu, dans le sillage des taux américains. Plus inquiétant, l’écart entre le taux français et le taux allemand a atteint courant février un niveau inédit depuis la crise des dettes souveraines de 2011-12. La hausse des taux d’intérêt, telle qu’anticipée par les économistes du Coe-Rexecode, devrait compliquer sensiblement la situation des finances publiques françaises, davantage que celles des autres grands pays européens.
- Les échanges mondiaux ont ralenti, le monde « rétrécit ». Si les barrières commerciales n’ont joué qu’un rôle secondaire dans le fléchissement récent du commerce mondial relativement à la croissance, une nouvelle phase semble s’ouvrir avec des réflexes protectionnistes de plus en plus assumés. Une mauvaise nouvelle pour la croissance potentielle vu les gains d’efficacité-coût associés aux échanges. Certes, le ralentissement du commerce international est davantage lié à celui de la croissance mondiale et à des tendances plus profondes tels que le rééquilibrage chinois ou la dynamique affaiblie des chaînes de valeur mondiale, qu’au retour rampant du protectionnisme depuis la crise. Toutefois, la prolifération des mesures protectionnistes ou un scénario plus extrême d’escalade des tensions commerciales fait peser un risque élevé sur l’économie mondiale.
Les économistes du Coe-Rexecode estiment par ailleurs que si des risques s’atténuent depuis un an, d’autres apparaissent :
- Le risque lié à la déstabilisation des producteurs de matières premières énergétiques s’est atténué. Mais d’autres restent bien présents : le risque de formation d’une bulle d’actifs alimentée par les banques centrales, l’accumulation de dettes dans les économies émergentes, ou encore les divergences européennes, accentuées par le Brexit. Le scénario de référence du Coe-Rexecode pour la zone euro suppose la persistance de déséquilibres intra-européens et une divergence durable des niveaux de vie qui se poursuivrait sans heurts à horizon 2021. Mais les économistes du Coe-Rexecode estiment qu’un scénario de rupture au sein de la zone euro ne peut pas être écarté. Il pourrait se matérialiser en raison de facteurs politiques échappant à la seule analyse économique, mais aussi à la suite d’une normalisation monétaire trop brutale de la Banque centrale européenne (BCE).
- De nouveaux risques liés à la politique économique américaine et au protectionnisme. Une fois l’arme budgétaire déchargée, la croissance américaine pourrait buter sur la combinaison d’inflation, de hausses de taux et d’appréciation (modérée) du dollar qu’engendreraient les mesures protectionnistes et anti-migratoires. La croissance américaine pourrait ainsi s’essouffler en 2019.
En définitive, la croissance mondiale sera probablement plus vive en 2017 qu’en 2016, mais sans accélération en 2018. Elle risque surtout de fabriquer les ingrédients qui pourraient la ralentir dès 2019 :
- Si la normalisation des taux d’intérêt est acquise, l’inconnue reste sa vitesse et son point d’arrivée. Avec le surcroît de croissance attendu aux Etats-Unis, l’activité dépassera son niveau potentiel, ne laissant d’autre choix à sa banque centrale que de remonter ses taux pour tempérer le risque inflationniste. Le niveau des taux à long terme se rapprocherait alors de la croissance nominale américaine, mais pas d’ici la fin 2018.
- La remontée généralisée des taux est porteuse de risques de déstabilisation financière pour les économies émergentes. Leurs devises se sont déjà dépréciées, leur capacité d’endettement se réduira. Les pays exportateurs de pétrole bénéficieront d’un surcroît de recettes si l’accord de contingentement de la production est bien appliqué. Mais le potentiel de rebond des prix du pétrole demeure réduit.
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