Au terme de 14 mois d’un long processus de consultation, de rédaction et de relecture, auquel notre organisation syndicale a été étroitement associée,  le « nouveau » code des juridictions financières est entré en vigueur début mai, à quelques jours de la fin du quinquennat présidentiel, ce qui évite aux juridictions financières d’éventuelles mésaventures propres à certains débuts de mandature. Tant la partie réglementaire que la partie législative sont profondément remaniées de façon à renforcer la clarté et la concision de ce qui constitue, après tout, notre principal outil de travail. Quelles sont les principales modifications apportées à ce code?

La partie législative du code des juridictions financières

En premier lieu, ce texte intègre, outre les dispositions introduites par  la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, celles prises par ordonnance du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code : Elles modernisent les missions et l’organisation des juridictions financières, ainsi que les procédures applicables ; elles simplifient le code en proposant une architecture plus claire, en y repositionnant les dispositions pertinentes et en abrogeant celles devenues inutiles.

En deuxième lieu, le statut des membres des juridictions financières est modifié. Le champ d’application des normes professionnelles, fixées par le Premier président, auxquelles sont tenus de se conformer les magistrats, les conseillers maîtres et référendaires en service extraordinaire, les conseillers experts, ainsi que les rapporteurs extérieurs de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes, est précisé.

Enfin, des clarifications relatives aux règles d’organisation et de procédure applicables à la Cour de discipline budgétaire et financière, qui dataient pour la plupart de 1948, sont apportées afin de tenir compte des règles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, de l’adaptation des pratiques et d’évolutions jurisprudentielles établies.

 

La partie réglementaire du code des juridictions financières

En premier lieu, le plan de la partie réglementaire du code des juridictions financières est rationalisé sur le modèle de ce qui a été fait dans la partie législative, au vu des évolutions des missions et procédures de la Cour des comptes depuis la codification en 2000. Les dispositions introduites dans la partie législative par l’ordonnance  du 13 octobre 2016 dans certains domaines particuliers, en particulier les conditions dans lesquelles se déroulent les instructions et délibérés, sont mises en oeuvre. La partie réglementaire du code des juridictions financières comprend aussi des dispositions d’application d’autres textes législatifs comme notamment la loi précitée du 20  avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

En deuxième lieu, un travail de modernisation, de clarification et de suppression des dispositions obsolètes du code des juridictions financières entamé par l’ordonnance du 13 octobre 2016 est réalisé. La procédure spécifique aux entreprises publiques et à leurs filiales est simplifiée. Le rôle et la place de certaines formations internes à la Cour des Comptes et aux chambres régionales des comptes sont clarifiées. Les règles relatives à la mobilité interne à la Cour des comptes sont modernisées. Sur le plan statutaire, le texte rationalise les dispositions relatives aux rapporteurs extérieurs de la Cour et améliore la gestion des magistrats des chambres régionales des comptes. Il clarifie les règles relatives aux activités juridictionnelles (forme et contenu des arrêts, simplification de la procédure d’apurement administratif des comptes des collectivités territoriales). Il clarifie les procédures non juridictionnelles notamment en simplifiant celles relatives à la notification des contrôles de la Cour et en améliorant la lisibilité de la procédure de contrôle des comptes et de la gestion applicable aux chambres régionales.

En troisième lieu, la partie réglementaire du code des juridictions financières apporte des clarifications relatives aux règles d’organisation et de procédure applicables à la Cour de discipline budgétaire et financière.

Les observations de notre organisation syndicale

Notre organisation syndicale se félicite notamment de l’attribution d’une force légale à la pratique des chambres régionales et territoriales des comptes consistant à formuler des recommandations aux entités qu’elles contrôlent et des précisions apportées sur les modalités de fonctionnement des formations inter-juridictions de type 1 et de type 2. En revanche, elle regrette que l’opportunité de mettre en cohérence les compétences des juridictions financières avec les définitions adoptées par le système européen des comptes nationaux  (SEC 2010) n’ait pas été saisie. Les esprits n’étaient sans doute pas assez mûrs pour procéder à une telle mise en cohérence.

Actuellement les chambres régionales et territoriales des comptes sont compétentes pour le contrôle des collectivités territoriales et leur établissements publics locaux. La Cour des comptes est compétente pour l’Etat, ses établissements publics, la sécurité sociale, les entreprises publiques, les organismes faisant appel à la générosité du public, plus une énumération d’organismes divers. La Cour peut déléguer certaines de ses attributions aux CRTC.  Le projet Seguin visait, dans la perspective de l’unité organique, de réattribuer toutes ces compétences à la Cour, unifiée, de façon à avoir les moyens juridiques d’évaluer les politiques publiques articulant des compétences Etat, des compétences sécurité sociale et des compétences locales (décentralisées).

La refonte actuelle du code des juridictions financières, dans ses parties législative et réglementaire n’est pas revenue, fondamentalement, sur ces dispositions.

Lors de la discussion sur la partie législative du code, notre organisation syndicale avait proposé d’articuler les compétences des juridictions financières avec celles qui résultent des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux  (SEC 2010) de l’Union européenne, lequel définit l’administration centrale (à l’exclusion des administrations de sécurité sociale), les administrations locales et les administrations de sécurité sociale de la façon suivante:

  • Administration centrale (S.1311) :

Ce sous-secteur comprend tous les organismes administratifs de l’État et autres organismes centraux dont la compétence s’étend normalement sur la totalité du territoire économique, à l’exception des administrations de sécurité sociale de l’administration centrale. Font partie du sous-secteur S.1311 les institutions sans but lucratif qui sont contrôlées par l’administration centrale et dont la compétence s’étend à l’ensemble du territoire économique. Les organismes régulateurs du marché qui, à titre principal ou exclusif, distribuent des subventions sont classés dans le sous-secteur S.1311. Ceux qui ont pour activité principale ou exclusive d’acheter, de stocker et de vendre des produits agricoles ou alimentaires relèvent du secteur S.11.

Ce sous-secteur revêt, pour l’essentiel, des lois de finances, lesquelles  « déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte » (art. 1 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001). Ce sont des lois ordinaires, mais qui sont adoptées selon une procédure de vote spéciale.

 

  • Administrations locales (S.1313) :

Ce sous-secteur rassemble toutes les administrations publiques dont la compétence s’étend seulement sur une subdivision locale du territoire économique, à l’exception des administrations de sécurité sociale des administrations locales. Font partie du sous-secteur S.1313 les institutions sans but lucratif qui sont contrôlées par les administrations locales et dont la compétence est limitée au territoire économique du ressort de celles-ci.

Selon l’inventaire PDE consolidé des sources et méthodes de la France, les administrations publiques locales (APUL) comprennent les collectivités locales et les organismes divers d’administration locale (ODAL).

Les collectivités locales regroupent des collectivités territoriales à compétence générale : communes, départements et régions (budgets principaux et budgets annexes) ; des syndicats intercommunaux, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes. L’existence de ces organismes traduit soit l’élargissement à plusieurs communes de l’assiette financière nécessaire aux travaux d’équipement (syndicats intercommunaux d’aménagement de zones industrielles), soit l’exploitation sous tutelle de certains services publics (régies de transport). Les opérations de ces organismes sont en général en étroite relation avec celles des communes et des départements.

Les organismes divers d’administration locale (ODAL) regroupent des unités institutionnelles dont le degré d’indépendance par rapport aux collectivités locales est variable : unités non marchandes émanant directement des communes et départements : centres communaux d’action sociale, caisses des écoles, services départementaux d’incendie et de secours, etc. ; unités chargées de l’aménagement du territoire, émanant souvent de l’Etat mais dont le financement est local : sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, établissements publics d’aménagement des villes nouvelles, etc. ; organismes consulaires : chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers, chambres d’agriculture ; associations culturelles financées par les collectivités locales (théâtres communaux, maisons de la culture etc.) ; lycées et collèges (établissements publics) sont depuis 1986 des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE), financés par les régions et les départements (hors rémunération des fonctionnaires).

La création par l’article 11 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour la période 2014-2019 d’un objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODEDEL), fixant de manière indicative un taux d’évolution de la dépense locale en valeur, permet de renforcer la transparence et la confiance entre les collectivités territoriales et l’État en formalisant un engagement partagé sur le rythme d’évolution des dépenses des collectivités.  Sa déclinaison par niveau de collectivités, effectuée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2016, permet de renforcer son caractère incitatif en fournissant à chaque niveau de collectivités un objectif pertinent, prenant en compte sa situation particulière. L’ODEDEL est déterminé après consultation du comité des finances locales et fait ensuite l’objet d’un suivi, au cours de l’exercice, en lien avec ce comité.

Une loi organique pourrait organiser la maîtrise des dépenses publiques locales aux termes de de la loi de programmation, fin 2019. Les chambres régionales et territoriales des comptes pourraient alors se voir confier la responsabilité de réaliser un rapport annuel sur l’atteinte de l’objectif pertinent de l’ODEDEL – ou de son équivalent organique – dans le ressort de la chambre (analyse statistique illustrée de monographies tirées de contrôles organiques de la gestion d’administrations publiques locales).

 

  • Administrations de sécurité sociale (S.1314) :

Le sous-secteur des administrations de sécurité sociale (S.1314) réunit les unités institutionnelles centrales, fédérées et locales dont l’activité principale consiste à fournir des prestations sociales et qui répondent aux deux critères suivants: a) certains groupes de la population sont tenus de participer au régime ou de verser des cotisations en vertu des dispositions légales ou réglementaires; b) indépendamment du rôle qu’elles remplissent en tant qu’organismes de tutelle ou en tant qu’employeurs, les administrations publiques sont responsables de la gestion de ces unités pour ce qui concerne la fixation ou l’approbation des cotisations et des prestations. Il convient de noter qu’il n’existe habituellement aucun lien direct entre le montant des cotisations versées par un individu et les risques auxquels il est exposé.

La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), catégorie de loi créée par la révision de la Constitution du 22 février 1996, vise à maîtriser les dépenses sociales et de santé. Elle détermine les conditions nécessaires à l’équilibre financier de la Sécurité sociale et fixe les objectifs de dépenses en fonction des prévisions de recettes.

La plupart des agrégats statistiques utilisés dans le cadre de la gouvernance économique de l’Union, en particulier la procédure concernant les déficits excessifs et la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, sont définis en référence au SEC 2010.  Le SEC 2010 est appelé à se substituer graduellement à tout autre système en tant que cadre de référence des normes, définitions, nomenclatures et règles comptables communes destiné à l’élaboration des comptes des États membres pour les besoins de l’Union, permettant ainsi d’obtenir des résultats comparables entre les États membres.

Les juridictions financières pourraient se réapproprier ces définitions, à l’occasion d’une nouvelle refonte du code des juridictions financières, à venir.

En l’absence d’unité organique des juridictions financières, les compétences respectives de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes en seraient ainsi clarifiées: la première serait compétente pour assurer le contrôle des administrations centrale et de sécurité sociale, les secondes pour assurer le contrôle des administrations locales. Les juridictions financières, qui sont chacune indépendantes les unes des autres, seraient ainsi, dans leur ensemble,  compétentes pour contrôler l’ensemble des administrations publiques en France.

En cas de la réalisation de l’unité organique des juridictions financières, les chambres régionales et territoriales des comptes seraient compétentes pour contrôler les administrations publiques qui ont leur siège social situé dans leur ressort ainsi que les administrations déconcentrées de l’Etat et de sécurité sociale du ressort. Les compétences des CRTC seraient plus étendues et les délégations de compétences de la Cour aux CRTC ne seraient plus nécessaires. La Cour des comptes serait compétente pour évaluer les politiques publiques au niveau national, les chambres régionales et territoriales pour les évaluer au niveau de leur ressort.

Pour en savoir davantage:

Code des juridictions financières 2017

La partie réglementaire du code des juridictions financières présentée au Conseil des ministres

Le code des juridictions financières doit être rénové sans être bouleversé

La stratégie d’assainissement budgétaire de la France passe par le secteur public local