La France connaît des déséquilibres macroéconomiques excessifs. Son économie se caractérise par un faible niveau de compétitivité et une dette publique élevée, voire en augmentation, dans un contexte de faible croissance de la productivité. Le risque de retombées négatives sur l’économie française est particulièrement important.

Les administrations publiques (administrations centrales, de sécurité sociale et locales) sont donc directement concernées par le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance. Dans son programme de stabilité de 2017, le précédent Gouvernement prévoyait de corriger le déficit excessif en 2017, conformément à la recommandation du Conseil de l’Union européenne [le Conseil] du 10 mars 2015, avec un déficit nominal de 2,8 % du PIB. Le déficit nominal devrait ensuite continuer de diminuer pour atteindre 1,3 % du PIB en 2020. L’objectif budgétaire à moyen terme – un déficit structurel de 0,4 % du PIB – devrait être atteint d’ici à 2019.

Cependant, le solde structurel, tel que recalculé par la Commission européenne [la Commission], devrait atteindre -1,2 % du PIB en 2020, et l’objectif à moyen terme ne devrait pas être atteint d’ici là. Selon le programme de stabilité, le ratio de la dette publique au PIB devrait passer de 95,9 % du PIB en 2018 à 93,1 % du PIB en 2020. Le scénario macroéconomique sur lequel reposent ces projections budgétaires est plausible. Cependant, les mesures présentées par la France à la Commission pour garantir le respect des objectifs fixés en matière de déficit à partir de 2018 ne sont pas, selon cette dernière, suffisamment détaillées.

Le 10 mars 2015, le Conseil avait recommandé à la France de mettre fin à la situation de déficit excessif en 2017 au plus tard et d’atteindre un déficit public de 2,8 % du PIB, correspondant à une amélioration du solde structurel de 0,9 % du PIB, en 2017. Selon les prévisions du printemps 2017 de la Commission, le déficit nominal devrait atteindre 3,0 % du PIB en 2017, ce qui dépasse l’objectif recommandé par le Conseil. Pour 2018, dans l’hypothèse de politiques inchangées, le déficit nominal devrait atteindre 3,2 % du PIB et donc dépasser la valeur de référence du traité, ce qui suggère des risques entourant la correction durable du déficit excessif. En outre, l’effort budgétaire recommandé ne devrait pas être fourni sur la période couverte par la procédure de déficit excessif, la stratégie d’assainissement budgétaire de la France reposant principalement sur l’amélioration de la conjoncture et la persistance de taux d’intérêt bas, lesquelles sont hors du contrôle du Gouvernement.

Pour 2018, si la France devait finalement parvenir à une correction durable et en temps voulu de son déficit, elle serait alors soumise au volet préventif du pacte de stabilité et de croissance et aux dispositions transitoires en matière de dette. Étant donné sa situation budgétaire et notamment le niveau de sa dette, la France devrait poursuivre l’ajustement en direction de son objectif budgétaire à moyen terme, soit un déficit structurel de 0,4 % du PIB. Selon la matrice d’ajustement prévue dans le pacte de stabilité et de croissance, cet ajustement correspond à l’exigence d’un taux de croissance nominale des dépenses publiques primaires nettes[1] ne dépassant pas 1,2 % en 2018. Cela correspondrait à un ajustement structurel annuel de 0,6 % du PIB. Dans l’hypothèse de politiques inchangées, il existe un risque d’écart significatif par rapport à cette exigence en 2018. Il existe également un risque que la France ne respecte pas les dispositions transitoires en matière de dette en 2018, une détérioration du solde structurel de 0,5 % du PIB étant prévue, au lieu de l’ajustement structurel linéaire minimal de 0,4 % du PIB.

Dès lors, la France doit dès 2018, à la lumière des conditions conjoncturelles, adopter des mesures supplémentaires pour assurer le respect des dispositions du pacte de stabilité.  Le projet de plan budgétaire de la France pour 2018, c’est à dire, concrètement, le projet de loi de finance, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) et l’objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODELEL)[3] devront dûment tenir compte de l’objectif consistant à parvenir à une orientation budgétaire qui contribue aussi bien à conforter la reprise actuelle qu’à garantir la viabilité des finances publiques du pays.

Dans cette perspective, le Conseil a récemment invité le nouveau Gouvernement à infléchir la politique de la France dans les directions suivantes:

Renforcer l’impact des revues de dépenses

Le niveau des dépenses publiques en France est l’un des plus élevés de l’Union européenne [UE]. Le ratio des dépenses au PIB devrait atteindre 56,2 % en 2017, soit 9,7 points de pourcentage de plus que pour l’UE. La France a suivi une stratégie d’assainissement axée sur les dépenses qui a principalement reposé sur la baisse des taux d’intérêt et sur des coupes dans les investissements publics. Il est, selon la Commission, peu probable que l’environnement de taux bas perdure à moyen terme, tandis que les coupes dans les investissements productifs pourraient nuire au potentiel économique futur. En revanche, les revues de dépenses ont mis en évidence un certain nombre de gains d’efficience possibles qui n’ont pas été mis en œuvre. Les revues de dépenses ont permis de trouver une faible partie (moins de 2 %) des réductions de dépenses d’un montant total de 50 milliards d’EUR prévues sur la période 2015-2017. Cependant, une partie seulement de ces économies possibles se sont traduites par des mesures concrètes dans le budget 2016, tandis que les mesures de la loi de finances de 2017 ont reposé sur les possibilités d’économies déjà repérées lors de l’exercice de revue de dépenses de 2015. Les économies découlant des revues de dépenses pourraient être nettement augmentées si les domaines de dépenses examinés étaient élargis et si une stratégie pluriannuelle était mise en œuvre afin que les possibilités d’économies identifiées se traduisent par des mesures budgétaires concrètes.

Simplifier les dispositifs  de réduction du coût de la main-d’œuvre en les transformant en réductions permanentes des cotisations sociales

Un niveau élevé de charges sociales et de taxes pesant sur les sociétés peut décourager l’investissement privé et brider la croissance des entreprises et l’embauche de nouveaux salariés. Des mesures destinées à réduire le coût de la main d’œuvre ont continué à être mises en œuvre, avec le lancement, en avril 2016, de la deuxième phase de baisse des cotisations patronales prévue dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. En outre, l’ancien gouvernement avait augmenté le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui passe de 6 % à 7 % en 2017. Ces mesures de réduction de la pression fiscale sur le travail ont amélioré la compétitivité de la France depuis 2013, mais les pertes précédemment accumulées n’ont pas encore été récupérées. Pour le salaire moyen, la France affichait en 2015 les cotisations sociales patronales les plus élevées de l’UE en pourcentage du coût total de la main-d’œuvre payé par l’entreprise, bien que leur niveau soit en baisse. Les évaluations récentes de ces mesures ont montré leur effet positif sur l’emploi et sur les marges bénéficiaires des entreprises, mais de nouvelles évaluations sont nécessaires afin d’estimer pleinement leur impact sur les salaires, l’investissement, l’emploi et les marges des entreprises. De récentes évaluations suggèrent également que le regroupement de tous les dispositifs de réduction du coût de la main-d’œuvre et leur transformation en réductions permanentes des cotisations sociales permettraient d’optimiser leurs effets sur l’emploi et l’investissement.

Augmenter l’impôt sur la consommation, simplifier les impôts sur les revenus

À 38,4 % en 2016, le taux moyen d’impôt effectif sur les sociétés était le plus élevé de l’UE, d’autres taxes sur la production étant également particulièrement élevées. Pour infléchir cette tendance, le précédent Gouvernement avait annoncé des mesures visant à ramener le taux normal de l’impôt sur les sociétés à 28 % en 2020. Parallèlement, la charge fiscale continue de moins peser sur la consommation que dans les autres États membres de l’UE. En 2014, la France occupait le 27e rang de l’UE pour les recettes provenant des impôts sur la consommation en pourcentage des recettes fiscales totales. Le système de TVA se caractérise par un taux normal de niveau moyen et des taux réduits faibles appliqués à une large assiette. La complexité du système fiscal fait entrave au bon fonctionnement de l’environnement des entreprises. La France a une pression fiscale élevée qui coexiste avec de nombreux allégements fiscaux, des taux réduits et un grand nombre de régimes fiscaux, ce qui entraîne des incertitudes et des coûts de mise en conformité accrus. Les dépenses fiscales totales sont importantes en France, à plus de 3 % du PIB. Le coût administratif, pour le fisc, de la collecte des impôts est également élevé et se situe au-dessus de la moyenne de l’UE.

Faire coïncider les possibilités de formation avec les besoins économiques et les perspectives d’emploi

En 2016, le taux de chômage a reculé à 10,1 %. Il est plus élevé chez les jeunes, les travailleurs peu qualifiés et les personnes qui ne sont pas nées dans l’UE. Les réformes de la gouvernance qui sont en cours sont essentielles pour faire coïncider les possibilités de formation avec les besoins économiques et les perspectives d’emploi. Parallèlement, les demandeurs d’emploi, les travailleurs peu qualifiés et les salariés de PME rencontrent des difficultés persistantes à accéder à des formations.

Réduire les inégalités d’accès à la formation initiale et continue

Pour faire en sorte qu’ils puissent participer à des formations et que les formations proposées soient pertinentes, un renforcement des mesures existantes et un rééquilibrage des ressources pourraient être nécessaires. Entrer sur le marché du travail reste difficile pour les jeunes, en particulier pour les moins qualifiés. Dans ce contexte, les mesures prises en faveur de l’apprentissage ont jusqu’à présent donné des résultats positifs. Mais l’offre d’enseignement et de formation professionnels initiaux qui est proposée, en particulier dans certains secteurs tertiaires et lorsque cet enseignement se déroule en milieu scolaire, n’est pas suffisamment liée aux possibilités d’emploi. En outre, les élèves issus de milieux défavorisés sont plus souvent dirigés vers l’enseignement professionnel initial, où se concentre la grande majorité des décrochages scolaires, ce qui contribue aux fortes inégalités dans le domaine de l’éducation. L’impact du statut socio-économique sur les performances des étudiants est le plus élevé des pays de l’OCDE.

Augmenter le taux d’emploi en réduisant les discriminations à l’embauche

En 2016, seules 54,5 % des personnes nées en dehors de l’UE et en âge de travailler avaient un emploi. Le taux d’emploi des femmes (45,4 %) était l’un des plus faibles de l’UE. L’écart entre le taux d’emploi des personnes nées en dehors de l’UE et celui des personnes nées en France s’est creusé à 17,5 points de pourcentage en 2016 (23,7 points de pourcentage pour les femmes). La mauvaise performance des personnes nées en dehors de l’UE tire le taux d’emploi global vers le bas et représente une sous-utilisation chronique de la main-d’œuvre. Les immigrés de deuxième génération sont également confrontés à des perspectives d’emploi défavorables, qui ne s’expliquent pas par des différences d’âge, de formation ou de compétences. En outre, les écarts en matière de réussite scolaire sont persistants, les immigrés de deuxième génération ne les comblant que partiellement. Pour remédier à ce problème, une stratégie globale est nécessaire, qui comprenne notamment des mesures ciblées en matière de compétences linguistiques, de mise à niveau, de formation et d’orientation professionnelle, ainsi que d’autres politiques actives ciblées du marché du travail. Pour favoriser la participation au marché du travail, il est essentiel de garantir l’accès effectif aux services et d’agir contre les pratiques discriminatoires limitant l’embauche de personnes nées en dehors de l’UE et d’immigrés de deuxième génération.

Faciliter l’accès à l’emploi des travailleurs peu qualifiés

Depuis 2013, le salaire minimum en France a suivi les règles d’indexation qui lui sont applicables. Dans un contexte de faible inflation et de ralentissement de la croissance des salaires, son augmentation a été plus faible que celle des salaires de référence. Le salaire minimum est élevé par rapport au salaire médian, mais le coût du travail au salaire minimum a été réduit par des exonérations de cotisations sociales. Une augmentation du salaire minimum entraîne des augmentations salariales pour la plupart des catégories de travailleurs et comporte le risque de compresser les salaires vers le haut. Si l’indexation du salaire minimum est importante pour préserver le pouvoir d’achat des travailleurs, le mécanisme d’indexation actuel pourrait contribuer à retarder le nécessaire ajustement global des salaires. En outre, dans le contexte actuel de chômage élevé, le coût du travail au salaire minimum risque de restreindre les perspectives d’emploi des personnes peu qualifiées.

Améliorer la capacité d’adaptation des entreprises aux cycles économiques et à réduire la segmentation du marché du travail

Avec la loi de juillet 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, la France a instauré des mesures visant à améliorer la capacité d’adaptation des entreprises aux cycles économiques et à réduire la segmentation du marché du travail. Cette loi clarifie les règles applicables au licenciement individuel pour motif économique, accorde une place plus importante aux accords majoritaires d’entreprise et augmente l’efficacité de la négociation collective. La persistance de taux de chômage élevés a mis à mal la soutenabilité du système d’assurance-chômage. À cet égard, les partenaires sociaux ont conclu en mars 2017 un accord sur une nouvelle convention d’assurance chômage, devant être agréée par le gouvernement français, qui vise à réduire le déficit annuel de 1,2 milliard d’EUR.

Simplifier l’environnement juridique des entreprises

Bien que la France ait amélioré ses performances globales en matière de réglementation, l’environnement des entreprises continue de se classer à un niveau moyen par rapport à ses principaux concurrents. En particulier, malgré de constants efforts de simplification, les entreprises restent confrontées à de lourdes contraintes réglementaires et à une législation qui change rapidement. C’est l’un des principaux obstacles à l’investissement privé. Dans le cadre de son programme de simplification, la France a pris des mesures afin de réduire les lourdeurs administratives auxquelles sont confrontées les entreprises, mais un grand nombre de mesures adoptées avant 2016 n’ont pas encore été mises en œuvre. Dans le même temps, des effets de seuil continuent de limiter le développement des entreprises, ce qui a des implications pour leurs performances économiques et de marché. Les obligations sociales et fiscales accrues qui leur incomberaient au-delà d’un certain nombre de salariés peuvent dissuader les entreprises d’atteindre une taille qui leur permettrait d’exporter et d’innover. Ces effets de seuil peuvent alors avoir un effet négatif sur la productivité, la compétitivité et l’internationalisation des entreprises. En effet, d’après des données empiriques, les seuils de 10 et de 50 salariés sont particulièrement coûteux pour les employeurs, tandis que l’économie française se caractérise par une proportion particulièrement faible d’entreprises au-dessus de ces seuils, ce qui suggère un lien entre ces deux phénomènes.

Lever les barrières qui limitent l’accès à certaines professions

La concurrence dans les services s’est améliorée dans un certain nombre de secteurs, mais certains secteurs importants sur le plan économique, tels que la comptabilité, l’architecture, les services à domicile, les services d’hébergement et de restauration, les services de taxi et de location de véhicules avec chauffeur, restent caractérisés par une faible concurrence et/ou des obstacles réglementaires. Des obstacles demeurent pour ces services, notamment des exigences réglementaires excessives, qui découragent l’entrée sur le marché ou limitent l’essor d’une concurrence effective. La réduction de ces obstacles pourrait permettre aux entreprises existantes, ou à de nouvelles venues, de profiter des nouvelles évolutions technologiques et numériques pour renforcer leur compétitivité et/ou pénétrer sur des marchés, ce qui, en faisant baisser les prix et en améliorant la qualité des services, serait bénéfique aux consommateurs.

Simplifier l’accès aux aides publiques à l’innovation

Les résultats de la France dans le domaine de l’innovation ne sont pas à la hauteur de ceux des champions européens en la matière. Un degré élevé de complexité demeure et la coordination générale pose problème. Le décalage, en France, entre les aides publiques à l’innovation et les résultats moyens obtenus en la matière soulève des questions quant à l’efficience des mécanismes de soutien public. En particulier, la coopération entre la recherche publique et les entreprises n’est pas optimale, ce qui pèse sur le résultat économique du système d’innovation.

 

[1] Les dépenses publiques nettes sont constituées des dépenses publiques totales diminuées des dépenses d’intérêt, des dépenses liées aux programmes de l’Union qui sont intégralement couvertes par des recettes provenant de fonds de l’Union et des modifications non discrétionnaires intervenant dans les dépenses liées aux indemnités de chômage. La formation brute de capital fixe financée au niveau national est lissée sur une période de 4 ans. Les mesures discrétionnaires en matière de recettes ou les augmentations de recettes découlant de mesures législatives sont prises en compte. Les mesures exceptionnelles, tant sur le front des recettes que des dépenses, sont déduites.

[3]  La loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques a fixé des objectifs d’évolution de la dépense publique locale pour les années 2014 et 2019 : l’article 11 dispose que « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de redressement des finances publiques, selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées ». L’objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODELEL), exprimé en pourcentage d’évolution annuelle et à périmètre constant, est déterminé après consultation du comité des finances locales et fait l’objet d’un suivi national, en lien avec ce comité.

 

Pour en savoir davantage:

Recommandation du Conseil de l’Union européenne concernant le programme national de réforme de la France pour 2017 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2017, 22 mai 2017.

Les réformes engagées sont elles suffisantes pour sortir la France de la procédure pour déficit excessif?

Vademecum du semestre européen

Tristes stratèges européens