De nombreux pays économiquement avancés n’appliquent pas pleinement la réglementation relative au financement des partis politiques et aux dépenses de campagne ou laissent subsister des failles dans lesquelles s’engouffrent de puissants groupes d’intérêts privés, affirme un nouveau rapport de l’OCDE.

Le rapport intitulé Le financement de la démocratie : financement des partis politiques et des campagnes électorales et risque de capture de l’action publique explique que les donateurs privés ont fréquemment recours à des prêts, cotisations d’adhésion et financements par des tiers pour contourner les plafonds de dépenses ou dissimuler des dons. Durcir la réglementation et appliquer les sanctions plus rigoureusement contribuerait à rétablir la confiance du public, à l’heure où les électeurs dans les économies avancées sont échaudés par les partis politiques et craignent que des groupes d’intérêts privés s’accaparent les processus démocratiques

« L’élaboration des politiques ne doit pas être vendue au plus offrant », a déclaré le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, à l’occasion du lancement du premier rapport de l’Organisation sur le financement de la vie politique lors d’une réunion du Réseau parlementaire global de l’OCDE, un forum où les législateurs des pays membres et des pays partenaires comparent leurs politiques et débattent des meilleures pratiques. « Lorsque la politique est influencée par des donateurs fortunés, les règles sont faussées en faveur de quelques‑uns et au détriment des intérêts du plus grand nombre. Défendre des normes rigoureuses pour le financement de la vie politique fait partie intégrante de nos efforts pour résorber les inégalités et restaurer la confiance dans la démocratie », a-t-il ajouté.

De nombreux pays rencontrent des difficultés pour définir et encadrer les campagnes de « tierces parties » menées par des organisations ou des individus qui ne sont pas des partis politiques ou des candidats, qui permettent le recyclage des dépenses de campagne dans des comités prétendument indépendants et des groupes d’intérêts. Seuls quelques pays sont dotés d’une réglementation relative aux campagnes de tierces parties dont le degré de rigueur varie d’un pays à l’autre

La mondialisation complique la réglementation du financement des partis politiques, car des entreprises multinationales et des particuliers fortunés étrangers ont fortement partie liée avec des intérêts commerciaux nationaux. Lorsqu’il existe un plafonnement des financements par des entreprises ou des intérêts étrangers, la divulgation de l’identité des donateurs a un effet dissuasif considérable sur l’exercice d’influences indues. 17 des 34 pays de l’OCDE proscrivent les dons anonymes aux partis politiques, mais 13 les interdisent seulement à partir de certains seuils et quatre les autorisent.

Même si les dons ne sont pas anonymes, tous les pays n’appliquent pas les mêmes règles concernant la divulgation de l’identité des donateurs. Dans 9 pays de l’OCDE, les partis politiques ont l’obligation de faire publiquement état de l’identité des donateurs, tandis que dans les 25 autres pays, ils le font le cas échéant.

Seuls 16 pays de l’OCDE plafonnent les dépenses de campagne des partis comme des candidats. Ces limites peuvent empêcher une course aux financements, mais les opposants qui ont généralement besoin de fonds supplémentaires pour battre les candidats sortants peuvent se trouver pénalisés dans les 18 autres pays.

Enfin, le manque d’indépendance ou d’autorité légale dont souffrent certaines institutions de contrôle permet aux donateurs les plus généreux de recevoir des faveurs telles que l’octroi d’allègements fiscaux ou de subventions publiques, l’accès privilégié à des prêts publics et l’attribution de marchés publics.

Ce rapport relatif au financement des partis politiques et des campagnes électorales  présente, notamment, pages 147 à 154, le système français ainsi que son dispositif de suivi et de supervision. Il relève que la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP) créée par la loi no 90-55 du 15 janvier 1990 « relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques » a relativement peu de prérogatives au regard de celles dévolues aux instantes de supervision du financement des partis politiques et des campagnes électorales d’autres démocraties.

Le rapport formule les recommandations suivantes :
•Les pays devraient concevoir des sanctions à la fois proportionnées et dissuasives en cas d’infractions à la réglementation sur le financement de la vie politique.
•Les pays devraient trouver un juste équilibre entre financements publics et privés, sachant que ni un financement totalement privé, ni totalement public n’est souhaitable.
•Les pays devraient améliorer la transparence en abaissant les seuils, tout en tenant compte des préoccupations de confidentialité des donateurs.
•Les pays devraient axer leurs efforts sur l’application des réglementations existantes, plutôt qu’en créer de nouvelles.
•Les institutions chargées de faire appliquer la réglementation sur le financement de la vie politique devraient être investies d’un mandat clair, d’un pouvoir conféré par la loi et de la capacité à imposer des sanctions.
•La réglementation des financements politiques doit porter sur le cycle politique dans son ensemble, y compris la phase de pré-campagne, la phase de campagne en tant que telle et la période suivant l’entrée en fonction des élus.