La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin II, tend à poursuivre la démarche entreprise par la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (loi Sapin I). Elle s’appuie aussi sur les conclusions du rapport de Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Pour lutter contre la corruption, la loi crée une Agence française anticorruption qui se substitue au Service central de prévention de la corruption (SCPC). Le volet anticorruption de la loi Sapin II (en particulier la création de l’Agence) est la réponse, non à une demande de l’opinion publique française, mais à la pression des Etats-Unis, le gouvernement français ayant tiré les conséquences des amendes colossales infligées ces dernières années par les autorités américaines à certains de nos fleurons industriels (TECHNIP, ALCATEL-LUCENT, TOTAL et ALSTOM GRID et ALSTOM POWER), qui s’étaient rendus coupables de corruption d’agents publics étrangers (et dont trois, TECHNIP, ALSTOM GRID et ALSTOM POWER sont peu après ou concomitamment passés sous contrôle étranger). Il y a tout lieu de penser que les Etats-Unis, dont c’est l’intérêt géo-stratégique, s’attacheront à vérifier, à travers le mécanisme d’examen par les pairs prévu par la Convention anticorruption de l’OCDE du 17 décembre 1997, si le volet anti-corruption transnational de la loi Sapin II est effectivement mis en œuvre.
En plus de missions de conseil, l’agence contrôlera donc la mise en oeuvre par une société de ses obligations de vigilance en matière de prévention de la corruption. En cas de manquement, elle pourra la sanctionner. Une obligation de vigilance sera instaurée pour les entreprises de plus de 500 salariés ayant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros. L’Agence contrôlera aussi la qualité et l’efficacité des procédures mises en oeuvre dans les administrations publiques.
Les décrets d’application de la loi Sapin II relatifs à l’agence sont en cours de rédaction. Le SCPC aura cessé d’exister dès la nomination officielle du directeur général de l’Agence, qui sera en principe le juge Charles Duchaîne. Pour l’instant, celui-ci attend toujours sa nomination officielle comme préfigurateur. Elle ne saurait tarder, le dossier devant être prochainement soumis au Conseil supérieur de la magistrature. L’Agence devrait disposer des moyens annoncés publiquement par les ministres (70 agents) et qui seront des agents recrutés en sus de ceux transférés, pour certains d’entre eux, du SCPC.
La loi Sapin II introduit également un nouveau dispositif transactionnel, la convention judiciaire d’intérêt public, qui permettra à l’autorité judiciaire de sanctionner pénalement les personnes morales mises en cause pour une atteinte à la probité.
Par ailleurs, la loi crée l’infraction de trafic d’influence d’agent public étranger qui sanctionnera le fait de payer un agent public étranger afin qu’il use de son influence pour obtenir une décision. La loi facilite également la poursuite de faits de corruption d’un agent étranger (des poursuites pourront être engagées à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile par des associations comme Anticor ou Transparency International alors qu’aujourd’hui le parquet a le monopole des poursuites).
La loi vise à instaurer plus de transparence dans le processus d’élaboration des décisions publiques et dans la vie économique. Pour cela, elle prévoit la création d’un répertoire numérique sur les relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics. Ce répertoire sera tenu par la HATVP et sera accessible à tous sur internet. Sont considérés comme des représentants d’intérêts (lobbies) les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les entreprises, dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire en entrant en communication avec les pouvoirs publics (membres du gouvernement ou des cabinets ministériels, parlementaires, collaborateurs du président de la République, etc.). Sont également des représentants d’intérêts les personnes physiques qui exercent à titre individuel une activité professionnelle répondant à ces conditions.
Les élus dans l’exercice de leur mandat, les partis politiques, les syndicats de salariés, les organisations patronales et les associations cultuelles ne sont pas considérés comme des lobbies.
L’inscription sur ce répertoire entraînera l’adhésion au respect de règles déontologiques dans les relations des lobbies avec les pouvoirs publics. Le manquement à ces règles pourra entraîner une mise en demeure et une amende pouvant aller jusqu’à 30 000 euros en cas de réitération.
La loi tend à mieux protéger les lanceurs d’alerte dans le domaine des atteintes à la probité. Un lanceur d’alerte est « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».
N’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte.
Les personnes physiques qui auront signalé, à l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou à l’Autorité de contrôle prudentiel, des manquements aux obligations définies par le code monétaire et financier ne pourront faire l’objet, pour ce motif, d’un licenciement ou d’une sanction.
Troisième volet du texte, la modernisation de la vie économique passe par un renforcement de la régulation financière (redéfinition des abus de marché, pouvoirs répressifs de l’AMF accrus, encadrement du financement participatif ou crowdfunding, déclaration des produits dérivés). La loi prévoit également la création d’un régime français de résolution en assurance ainsi qu’une amélioration de la procédure de résolution des banques.
Pour soutenir l’activité économique, les sanctions contre les retards de paiement seront renforcées (plafond par amende porté à 2 millions d’euros, amendes cumulables). La loi prévoit la révision des niveaux de qualification exigés pour accéder à certaines professions indépendantes en fonction des risques que représentent ces activités pour la santé et la sécurité des consommateurs. Les effets de seuil seront lissés pour les micro-entreprises (pendant deux années après le franchissement d’un seuil, les micro-entrepreneurs pourront continuer à bénéficier du régime fiscal et social simplifié de la micro-entreprise). Le régime de la micro-entreprise sera ouvert aux EIRL qui respectent les limites de chiffre d’affaires des micro-entreprises. Enfin, la loi prévoit des simplifications dans la gestion d’entreprise.
Pour protéger les consommateurs, la loi interdit la publicité pour les sites de trading très spéculatifs.
Le projet de loi initial prévoyait de ramener la durée de validité du chèque d’un an à six mois. Cette mesure a été finalement supprimée. Un rapport du gouvernement doit d’abord étudier les enjeux liés à la monnaie fiduciaire à l’heure de la dématérialisation des moyens de paiement.
Par ailleurs, les épargnants modestes pourront être autorisés à débloquer leur plan d’épargne retraite complémentaire (PERP). Le livret de développement durable(LDD) comportera un volet dédié à l’économie sociale et solidaire.
Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions du texte qui instauraient un « reporting fiscal » pays par pays. Le Conseil a estimé que l’obligation faite à certaines sociétés de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux pays par pays est de nature à permettre d’identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale. Le Conseil a donc jugé que ces dispositions portaient une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.
Pour en savoir davantage:
LOI n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
Dossiers législatifs
Décision du Conseil constitutionnel du n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016
Source : vie-publique.fr.
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Le Service central de prévention de la corruption publie son dernier rapport – SJFu
[…] Chargé de centraliser et d’exploiter des informations relatives au phénomène de corruption en France, le Service central de prévention de la corruption (SCPC) a publié, le 28 novembre 2016, son rapport pour l’année 2015. Dans sa première partie, ce rapport présente les avancées réalisées en matière de centralisation des informations relatives à la lutte contre la corruption et aux atteintes à la probité. Le SCPC examine les données issues de diverses institutions, telles que la banque de données CASSIOPÉE, TRACFIN ou les juridictions financières, ces données permettant d’établir un panorama des manquements à la probité commis dans les secteurs publics et privés. Depuis 2012, le SCPC adresse également aux principaux acteurs étatiques un questionnaire sur les manquements constatés dans les entités publiques et privées ainsi que sur les mesures de prévention mises en œuvre. S’agissant du ministère de l’économie et des finances, il relève qu’en 2015, plusieurs directions ont renforcé ces mesures de prévention : la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui a organisé un groupe de travail sur la déontologie ; la direction générale des douanes et des droits indirects, qui a créé un code de bonne conduite ; la direction générale des finances publiques, qui a mis en place une formation spécifique à la prévention de la fraude pour ses chefs de service. Comme en 2014, le SCPC préconise une meilleure prise en compte du contrôle interne dans le secteur public afin de prévenir tout acte de corruption. Dans sa deuxième partie, le rapport définit les notions de corruption, de trafic d’influence, de prise illégale d’intérêts, d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, telles que celles-ci ressortent de la jurisprudence judiciaire et administrative. Dans sa troisième partie, le rapport présente les principales activités du SCPC. Il peut notamment recevoir des demandes de concours émanant de l’autorité judiciaire (huit demandes transmises en 2015) consistant en un avis donné sur une procédure en cours, pouvant porter sur un point de droit, des spécificités de procédure, des éléments de contexte relatifs au dossier. Le service peut émettre, de manière préventive, des avis aux autorités administratives en vue de déterminer une politique ou d’arrêter une décision (huit demandes d’avis en 2015). Énumérant les différentes formations réalisées par le SCPC au cours de l’année, sa participation au groupe d’étude du Conseil d’État sur l’alerte éthique et ses actions à l’international, le rapport formule enfin une série de propositions visant à améliorer la prévention de la corruption dans le monde sportif et présente, dans une étude comparée, l’autorité nationale anticorruption italienne. Ce rapport est le dernier rapport du SCPC dans sa forme actuelle, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ayant créé une nouvelle Agence française anticorruption (AFA), qui reprendra l’ensemble de ses prérogatives (Voir notre article consacré à l’AFA). […]
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