Quelles mesures adopter pour mettre fin à la situation de déficit excessif?

La France connaît des déséquilibres macroéconomiques excessifs. Son économie se caractérise par un faible niveau de compétitivité et une dette publique élevée, voire en augmentation, dans un contexte de faible croissance de la productivité. Le risque de retombées négatives sur l’économie française est particulièrement important.

Les administrations publiques (administrations centrales, de sécurité sociale et locales) sont donc directement concernées par le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance. Dans son programme de stabilité de 2017, le précédent Gouvernement prévoyait de corriger le déficit excessif en 2017, conformément à la recommandation du Conseil de l’Union européenne [le Conseil] du 10 mars 2015, avec un déficit nominal de 2,8 % du PIB. Le déficit nominal devrait ensuite continuer de diminuer pour atteindre 1,3 % du PIB en 2020. L’objectif budgétaire à moyen terme – un déficit structurel de 0,4 % du PIB – devrait être atteint d’ici à 2019.

Cependant, le solde structurel, tel que recalculé par la Commission européenne [la Commission], devrait atteindre -1,2 % du PIB en 2020, et l’objectif à moyen terme ne devrait pas être atteint d’ici là. Selon le programme de stabilité, le ratio de la dette publique au PIB devrait passer de 95,9 % du PIB en 2018 à 93,1 % du PIB en 2020. Le scénario macroéconomique sur lequel reposent ces projections budgétaires est plausible. Cependant, les mesures présentées par la France à la Commission pour garantir le respect des objectifs fixés en matière de déficit à partir de 2018 ne sont pas, selon cette dernière, suffisamment détaillées.

Le 10 mars 2015, le Conseil avait recommandé à la France de mettre fin à la situation de déficit excessif en 2017 au plus tard et d’atteindre un déficit public de 2,8 % du PIB, correspondant à une amélioration du solde structurel de 0,9 % du PIB, en 2017. Selon les prévisions du printemps 2017 de la Commission, le déficit nominal devrait atteindre 3,0 % du PIB en 2017, ce qui dépasse l’objectif recommandé par le Conseil. Pour 2018, dans l’hypothèse de politiques inchangées, le déficit nominal devrait atteindre 3,2 % du PIB et donc dépasser la valeur de référence du traité, ce qui suggère des risques entourant la correction durable du déficit excessif. En outre, l’effort budgétaire recommandé ne devrait pas être fourni sur la période couverte par la procédure de déficit excessif, la stratégie d’assainissement budgétaire de la France reposant principalement sur l’amélioration de la conjoncture et la persistance de taux d’intérêt bas, lesquelles sont hors du contrôle du Gouvernement.

Pour 2018, si la France devait finalement parvenir à une correction durable et en temps voulu de son déficit, elle serait alors soumise au volet préventif du pacte de stabilité et de croissance et aux dispositions transitoires en matière de dette. Étant donné sa situation budgétaire et notamment le niveau de sa dette, la France devrait poursuivre l’ajustement en direction de son objectif budgétaire à moyen terme, soit un déficit structurel de 0,4 % du PIB. Selon la matrice d’ajustement prévue dans le pacte de stabilité et de croissance, cet ajustement correspond à l’exigence d’un taux de croissance nominale des dépenses publiques primaires nettes[1] ne dépassant pas 1,2 % en 2018. Cela correspondrait à un ajustement structurel annuel de 0,6 % du PIB. Dans l’hypothèse de politiques inchangées, il existe un risque d’écart significatif par rapport à cette exigence en 2018. Il existe également un risque que la France ne respecte pas les dispositions transitoires en matière de dette en 2018, une détérioration du solde structurel de 0,5 % du PIB étant prévue, au lieu de l’ajustement structurel linéaire minimal de 0,4 % du PIB.

Dès lors, la France doit dès 2018, à la lumière des conditions conjoncturelles, adopter des mesures supplémentaires pour assurer le respect des dispositions du pacte de stabilité.  Le projet de plan budgétaire de la France pour 2018, c’est à dire, concrètement, le projet de loi de finance, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) et l’objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODELEL)[3] devront dûment tenir compte de l’objectif consistant à parvenir à une orientation budgétaire qui contribue aussi bien à conforter la reprise actuelle qu’à garantir la viabilité des finances publiques du pays.

Dans cette perspective, le Conseil a récemment invité le nouveau Gouvernement à infléchir la politique de la France dans les directions suivantes:

Renforcer l’impact des revues de dépenses

Le niveau des dépenses publiques en France est l’un des plus élevés de l’Union européenne [UE]. Le ratio des dépenses au PIB devrait atteindre 56,2 % en 2017, soit 9,7 points de pourcentage de plus que pour l’UE. La France a suivi une stratégie d’assainissement axée sur les dépenses qui a principalement reposé sur la baisse des taux d’intérêt et sur des coupes dans les investissements publics. Il est, selon la Commission, peu probable que l’environnement de taux bas perdure à moyen terme, tandis que les coupes dans les investissements productifs pourraient nuire au potentiel économique futur. En revanche, les revues de dépenses ont mis en évidence un certain nombre de gains d’efficience possibles qui n’ont pas été mis en œuvre. Les revues de dépenses ont permis de trouver une faible partie (moins de 2 %) des réductions de dépenses d’un montant total de 50 milliards d’EUR prévues sur la période 2015-2017. Cependant, une partie seulement de ces économies possibles se sont traduites par des mesures concrètes dans le budget 2016, tandis que les mesures de la loi de finances de 2017 ont reposé sur les possibilités d’économies déjà repérées lors de l’exercice de revue de dépenses de 2015. Les économies découlant des revues de dépenses pourraient être nettement augmentées si les domaines de dépenses examinés étaient élargis et si une stratégie pluriannuelle était mise en œuvre afin que les possibilités d’économies identifiées se traduisent par des mesures budgétaires concrètes.

Simplifier les dispositifs  de réduction du coût de la main-d’œuvre en les transformant en réductions permanentes des cotisations sociales

Un niveau élevé de charges sociales et de taxes pesant sur les sociétés peut décourager l’investissement privé et brider la croissance des entreprises et l’embauche de nouveaux salariés. Des mesures destinées à réduire le coût de la main d’œuvre ont continué à être mises en œuvre, avec le lancement, en avril 2016, de la deuxième phase de baisse des cotisations patronales prévue dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. En outre, l’ancien gouvernement avait augmenté le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui passe de 6 % à 7 % en 2017. Ces mesures de réduction de la pression fiscale sur le travail ont amélioré la compétitivité de la France depuis 2013, mais les pertes précédemment accumulées n’ont pas encore été récupérées. Pour le salaire moyen, la France affichait en 2015 les cotisations sociales patronales les plus élevées de l’UE en pourcentage du coût total de la main-d’œuvre payé par l’entreprise, bien que leur niveau soit en baisse. Les évaluations récentes de ces mesures ont montré leur effet positif sur l’emploi et sur les marges bénéficiaires des entreprises, mais de nouvelles évaluations sont nécessaires afin d’estimer pleinement leur impact sur les salaires, l’investissement, l’emploi et les marges des entreprises. De récentes évaluations suggèrent également que le regroupement de tous les dispositifs de réduction du coût de la main-d’œuvre et leur transformation en réductions permanentes des cotisations sociales permettraient d’optimiser leurs effets sur l’emploi et l’investissement.

Augmenter l’impôt sur la consommation, simplifier les impôts sur les revenus

À 38,4 % en 2016, le taux moyen d’impôt effectif sur les sociétés était le plus élevé de l’UE, d’autres taxes sur la production étant également particulièrement élevées. Pour infléchir cette tendance, le précédent Gouvernement avait annoncé des mesures visant à ramener le taux normal de l’impôt sur les sociétés à 28 % en 2020. Parallèlement, la charge fiscale continue de moins peser sur la consommation que dans les autres États membres de l’UE. En 2014, la France occupait le 27e rang de l’UE pour les recettes provenant des impôts sur la consommation en pourcentage des recettes fiscales totales. Le système de TVA se caractérise par un taux normal de niveau moyen et des taux réduits faibles appliqués à une large assiette. La complexité du système fiscal fait entrave au bon fonctionnement de l’environnement des entreprises. La France a une pression fiscale élevée qui coexiste avec de nombreux allégements fiscaux, des taux réduits et un grand nombre de régimes fiscaux, ce qui entraîne des incertitudes et des coûts de mise en conformité accrus. Les dépenses fiscales totales sont importantes en France, à plus de 3 % du PIB. Le coût administratif, pour le fisc, de la collecte des impôts est également élevé et se situe au-dessus de la moyenne de l’UE.

Faire coïncider les possibilités de formation avec les besoins économiques et les perspectives d’emploi

En 2016, le taux de chômage a reculé à 10,1 %. Il est plus élevé chez les jeunes, les travailleurs peu qualifiés et les personnes qui ne sont pas nées dans l’UE. Les réformes de la gouvernance qui sont en cours sont essentielles pour faire coïncider les possibilités de formation avec les besoins économiques et les perspectives d’emploi. Parallèlement, les demandeurs d’emploi, les travailleurs peu qualifiés et les salariés de PME rencontrent des difficultés persistantes à accéder à des formations.

Réduire les inégalités d’accès à la formation initiale et continue

Pour faire en sorte qu’ils puissent participer à des formations et que les formations proposées soient pertinentes, un renforcement des mesures existantes et un rééquilibrage des ressources pourraient être nécessaires. Entrer sur le marché du travail reste difficile pour les jeunes, en particulier pour les moins qualifiés. Dans ce contexte, les mesures prises en faveur de l’apprentissage ont jusqu’à présent donné des résultats positifs. Mais l’offre d’enseignement et de formation professionnels initiaux qui est proposée, en particulier dans certains secteurs tertiaires et lorsque cet enseignement se déroule en milieu scolaire, n’est pas suffisamment liée aux possibilités d’emploi. En outre, les élèves issus de milieux défavorisés sont plus souvent dirigés vers l’enseignement professionnel initial, où se concentre la grande majorité des décrochages scolaires, ce qui contribue aux fortes inégalités dans le domaine de l’éducation. L’impact du statut socio-économique sur les performances des étudiants est le plus élevé des pays de l’OCDE.

Augmenter le taux d’emploi en réduisant les discriminations à l’embauche

En 2016, seules 54,5 % des personnes nées en dehors de l’UE et en âge de travailler avaient un emploi. Le taux d’emploi des femmes (45,4 %) était l’un des plus faibles de l’UE. L’écart entre le taux d’emploi des personnes nées en dehors de l’UE et celui des personnes nées en France s’est creusé à 17,5 points de pourcentage en 2016 (23,7 points de pourcentage pour les femmes). La mauvaise performance des personnes nées en dehors de l’UE tire le taux d’emploi global vers le bas et représente une sous-utilisation chronique de la main-d’œuvre. Les immigrés de deuxième génération sont également confrontés à des perspectives d’emploi défavorables, qui ne s’expliquent pas par des différences d’âge, de formation ou de compétences. En outre, les écarts en matière de réussite scolaire sont persistants, les immigrés de deuxième génération ne les comblant que partiellement. Pour remédier à ce problème, une stratégie globale est nécessaire, qui comprenne notamment des mesures ciblées en matière de compétences linguistiques, de mise à niveau, de formation et d’orientation professionnelle, ainsi que d’autres politiques actives ciblées du marché du travail. Pour favoriser la participation au marché du travail, il est essentiel de garantir l’accès effectif aux services et d’agir contre les pratiques discriminatoires limitant l’embauche de personnes nées en dehors de l’UE et d’immigrés de deuxième génération.

Faciliter l’accès à l’emploi des travailleurs peu qualifiés

Depuis 2013, le salaire minimum en France a suivi les règles d’indexation qui lui sont applicables. Dans un contexte de faible inflation et de ralentissement de la croissance des salaires, son augmentation a été plus faible que celle des salaires de référence. Le salaire minimum est élevé par rapport au salaire médian, mais le coût du travail au salaire minimum a été réduit par des exonérations de cotisations sociales. Une augmentation du salaire minimum entraîne des augmentations salariales pour la plupart des catégories de travailleurs et comporte le risque de compresser les salaires vers le haut. Si l’indexation du salaire minimum est importante pour préserver le pouvoir d’achat des travailleurs, le mécanisme d’indexation actuel pourrait contribuer à retarder le nécessaire ajustement global des salaires. En outre, dans le contexte actuel de chômage élevé, le coût du travail au salaire minimum risque de restreindre les perspectives d’emploi des personnes peu qualifiées.

Améliorer la capacité d’adaptation des entreprises aux cycles économiques et à réduire la segmentation du marché du travail

Avec la loi de juillet 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, la France a instauré des mesures visant à améliorer la capacité d’adaptation des entreprises aux cycles économiques et à réduire la segmentation du marché du travail. Cette loi clarifie les règles applicables au licenciement individuel pour motif économique, accorde une place plus importante aux accords majoritaires d’entreprise et augmente l’efficacité de la négociation collective. La persistance de taux de chômage élevés a mis à mal la soutenabilité du système d’assurance-chômage. À cet égard, les partenaires sociaux ont conclu en mars 2017 un accord sur une nouvelle convention d’assurance chômage, devant être agréée par le gouvernement français, qui vise à réduire le déficit annuel de 1,2 milliard d’EUR.

Simplifier l’environnement juridique des entreprises

Bien que la France ait amélioré ses performances globales en matière de réglementation, l’environnement des entreprises continue de se classer à un niveau moyen par rapport à ses principaux concurrents. En particulier, malgré de constants efforts de simplification, les entreprises restent confrontées à de lourdes contraintes réglementaires et à une législation qui change rapidement. C’est l’un des principaux obstacles à l’investissement privé. Dans le cadre de son programme de simplification, la France a pris des mesures afin de réduire les lourdeurs administratives auxquelles sont confrontées les entreprises, mais un grand nombre de mesures adoptées avant 2016 n’ont pas encore été mises en œuvre. Dans le même temps, des effets de seuil continuent de limiter le développement des entreprises, ce qui a des implications pour leurs performances économiques et de marché. Les obligations sociales et fiscales accrues qui leur incomberaient au-delà d’un certain nombre de salariés peuvent dissuader les entreprises d’atteindre une taille qui leur permettrait d’exporter et d’innover. Ces effets de seuil peuvent alors avoir un effet négatif sur la productivité, la compétitivité et l’internationalisation des entreprises. En effet, d’après des données empiriques, les seuils de 10 et de 50 salariés sont particulièrement coûteux pour les employeurs, tandis que l’économie française se caractérise par une proportion particulièrement faible d’entreprises au-dessus de ces seuils, ce qui suggère un lien entre ces deux phénomènes.

Lever les barrières qui limitent l’accès à certaines professions

La concurrence dans les services s’est améliorée dans un certain nombre de secteurs, mais certains secteurs importants sur le plan économique, tels que la comptabilité, l’architecture, les services à domicile, les services d’hébergement et de restauration, les services de taxi et de location de véhicules avec chauffeur, restent caractérisés par une faible concurrence et/ou des obstacles réglementaires. Des obstacles demeurent pour ces services, notamment des exigences réglementaires excessives, qui découragent l’entrée sur le marché ou limitent l’essor d’une concurrence effective. La réduction de ces obstacles pourrait permettre aux entreprises existantes, ou à de nouvelles venues, de profiter des nouvelles évolutions technologiques et numériques pour renforcer leur compétitivité et/ou pénétrer sur des marchés, ce qui, en faisant baisser les prix et en améliorant la qualité des services, serait bénéfique aux consommateurs.

Simplifier l’accès aux aides publiques à l’innovation

Les résultats de la France dans le domaine de l’innovation ne sont pas à la hauteur de ceux des champions européens en la matière. Un degré élevé de complexité demeure et la coordination générale pose problème. Le décalage, en France, entre les aides publiques à l’innovation et les résultats moyens obtenus en la matière soulève des questions quant à l’efficience des mécanismes de soutien public. En particulier, la coopération entre la recherche publique et les entreprises n’est pas optimale, ce qui pèse sur le résultat économique du système d’innovation.

 

[1] Les dépenses publiques nettes sont constituées des dépenses publiques totales diminuées des dépenses d’intérêt, des dépenses liées aux programmes de l’Union qui sont intégralement couvertes par des recettes provenant de fonds de l’Union et des modifications non discrétionnaires intervenant dans les dépenses liées aux indemnités de chômage. La formation brute de capital fixe financée au niveau national est lissée sur une période de 4 ans. Les mesures discrétionnaires en matière de recettes ou les augmentations de recettes découlant de mesures législatives sont prises en compte. Les mesures exceptionnelles, tant sur le front des recettes que des dépenses, sont déduites.

[3]  La loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques a fixé des objectifs d’évolution de la dépense publique locale pour les années 2014 et 2019 : l’article 11 dispose que « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de redressement des finances publiques, selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées ». L’objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODELEL), exprimé en pourcentage d’évolution annuelle et à périmètre constant, est déterminé après consultation du comité des finances locales et fait l’objet d’un suivi national, en lien avec ce comité.

 

Pour en savoir davantage:

Recommandation du Conseil de l’Union européenne concernant le programme national de réforme de la France pour 2017 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2017, 22 mai 2017.

Les réformes engagées sont elles suffisantes pour sortir la France de la procédure pour déficit excessif?

Vademecum du semestre européen

Tristes stratèges européens

 


La France toujours en déséquilibres excessifs

Selon la commission européenne, la France présente toujours des déséquilibres excessifs mais un certain nombre de développements économiques et de réformes mises en œuvre laissent entrevoir qu’ils sont en cours de correction progressive.

Dans une communication du 22 février 2017, la commission estime que l’importance de la dette publique et la faiblesse de la compétitivité peuvent entraîner des risques pour l’avenir la France, dans un contexte de faible croissance de la productivité. Certes, la compétitivité a commencé à s’améliorer, et les parts de marché à l’exportation se sont stabilisées ces dernières années. La faible croissance de la productivité empêche cependant un rétablissement plus rapide de la compétitivité-coûts en dépit des mesures prises pour réduire le coût de la main-d’œuvre et d’une évolution modérée des salaires. Les marges bénéficiaires des sociétés non financières se sont quelque peu redressées depuis 2013, mais continuent à peser sur l’investissement. La dette publique continue de croître, quoiqu’à un rythme plus faible, et les risques en termes de soutenabilité à moyen terme sont élevés. Les actions visant à améliorer le fonctionnement des marchés des produits et du travail ainsi que la compétitivité des PME n’ont pas encore produit les effet attendus.

La commission reconnaît que les réformes entreprises récemment constituent un progrès notable.  Pour autant, elle considère que les pouvoirs publics doivent encore remédier à certains problèmes et prendre de nouvelles mesures, notamment pour accroître l’efficience des dépenses publiques et de la fiscalité, pour réformer le salaire minimum et le système d’allocations de chômage, et pour améliorer le système d’éducation et l’environnement des entreprises.

Des efforts supplémentaires restent donc nécessaires pour arriver à une correction durable des déséquilibres. Un nouveau programme national de réforme sera vraisemblablement rédigé par le futur gouvernement. S’il répond aux observations de la commission, il devrait permettre de réviser  le classement de la France, de «déséquilibres excessifs» à «déséquilibres».

Pour en savoir davantage:

Déficits excessifs : La France bénéficie d’un traitement privilégié

La procédure visant à corriger les déséquilibres macroéconomiques excessifs est-elle efficace?

L’assouplissement des règles de réduction des déficits publics est contesté par la BCE

 


La France demeure sous la surveillance de la Commission européenne

La procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) de l’Union européenne vise à déceler les déséquilibres qui entravent le bon fonctionnement des économies des États membres et à formuler des recommandations. La Commission désigne les États membres qui devraient faire l’objet de bilans approfondis afin de déterminer s’ils sont touchés par des déséquilibres nécessitant l’adoption de telles mesures après avoir pris connaissance d’un tableau de bord d’indicateurs assorti de seuils indicatifs et d’indicateurs auxiliaires.

Au regard de ce tableau de bord, la France connait toujours des déséquilibres macroéconomiques excessifs, avec notamment une dette publique élevée et croissante, conjuguée à une faible croissance de la productivité et à une compétitivité dégradée. Un certain nombre d’indicateurs dépassent encore le seuil indicatif, à savoir la dette publique, la dette du secteur privé, le chômage et l’évolution du chômage à long terme. Les indicateurs de déséquilibres externes et de compétitivité se sont largement stabilisés, comme le reflètent une balance courante proche de l’équilibre, le ralentissement des pertes cumulées de parts de marché à l’exportation, qui sont désormais en deçà du seuil, ainsi que la croissance maîtrisée des coûts salariaux unitaires. Cependant, la faiblesse de la croissance de la productivité du travail est un facteur de risque pour l’évolution des coûts salariaux unitaires. La dette publique, dont le niveau élevé ne cesse d’augmenter et devrait encore croître dans les années à venir, selon les prévisions, reste une source majeure de vulnérabilité. Le faible potentiel de croissance et la faible inflation aggravent les risques liés à la dette publique élevée en rendant plus difficile le désendettement. La dette du secteur privé dépasse le seuil, mais les pressions de désendettement semblent contenues. Les prix réels des logements ont amorcé une lente correction, et les crédits du secteur privé se sont stabilisés à des niveaux légèrement positifs.

Au troisième trimestre 2016, le taux de chômage en France progresse de 0,1 point sur trois mois, à 9,7% en métropole, soit 2,8 millions de personnes au chômage (au sens du BIT) dans un contexte de faible croissance. Un chiffre toutefois en baisse sur un an, avec 0,4 point de moins qu’au troisième trimestre 2015. Le chômage touche particulièrement les jeunes, les ressortissants de pays tiers et les travailleurs peu qualifiés. La dualité du marché du travail ne cesse d’augmenter, avec d’un côté, les travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur embauchés en contrats à durée indéterminée et de l’autre, une proportion constante de travailleurs occupant des emplois peu qualifiés de plus en plus précaires. La hausse du chômage de longue durée s’est poursuivie.

Dans l’ensemble, la lecture économique du tableau de bord met en lumière des problèmes liés principalement à des déséquilibres intérieurs, notamment l’endettement public dans le contexte d’une faible croissance de la productivité et d’une faible compétitivité. La Commission juge donc utile, compte tenu également du déséquilibre excessif, d’examiner plus avant la persistance de risques macroéconomiques et de suivre les progrès réalisés dans la correction des déséquilibres excessifs. La France demeure donc sous la surveillance de la Commission européenne.

Pour en savoir davantage:

Rapport sur le mécanisme d’alerte 2017

Annexe statistique

 


La reprise économique de la zone euro demeure fragile

La reprise économique dans la zone euro se poursuit, mais demeure fragile. Des progrès significatifs ont été enregistrés ces dernières années: depuis 2015, le PIB de la zone euro a retrouvé son niveau d’avant la crise en termes réels et le chômage a reculé à son niveau le plus bas depuis 2010-11.

Selon les prévisions d’automne de la Commission, le PIB réel devrait croître de 1,7 % en 2016 et maintenir une dynamique largement similaire au cours de la période 2017-2018. Bien que ces perspectives soient conformes à la moyenne des économies industrialisées, les héritages persistants de la crise, conjugués à l’incertitude accrue à la suite du référendum britannique et des défis structurels, laissent la zone euro vulnérable aux chocs. La poursuite de l’expansion de la zone euro repose fortement sur la demande intérieure.

Une approche coordonnée des politiques macroéconomiques et des réformes structurelles doit prévaloir. La zone euro fait face au défi d’une reprise économique lente et fragile avec peu de marge d’action en termes de politique monétaire ou budgétaire. La croissance de la demande globale reste faible et l’inflation est bien en deçà de la cible, malgré des taux de politique monétaire peu élevés. Il y a un risque que les mesures standard du cycle sous-estiment le niveau de relâchement dans l’économie. Une action efficace pour briser ce cercle vicieux peut être offerte par une action coordonnée afin de mobiliser des ressources pour les investissements publics et privés et soutenir la reprise. Dans le cadre de l’accord global au sein du G20, les États membres de la zone euro sont invités à utiliser tous les instruments politiques – monétaires, budgétaires et structurels – individuellement et collectivement pour remédier aux séquelles de la crise financière et renforcer la croissance, l’investissement et la stabilité financière. La Banque centrale européenne (BCE) utilise largement ses outils de politique monétaire en recourant à une série de mesures non conventionnelles. Cependant, la politique monétaire ne peut pas supporter l’ensemble du fardeau de la reprise, et elle ne peut pas non plus traiter des questions propres à chaque pays.

En mars 2016, la BCE a abaissé son taux directeur à zéro. Cette mesure est tout à fait inhabituelle mais, depuis la crise de 2008, les difficultés sont telles dans de nombreux pays, notamment dans la zone euro, que de nouvelles mesures devaient être prises. Ainsi les banques centrales, notamment la Réserve fédérale américaine et la BCE, ont adopté des politiques monétaires non conventionnelles consistant à abreuver les systèmes financiers de liquidités.

Dans le même temps, les politiques budgétaires sont contraintes dans plusieurs États membres par un héritage de dettes élevées et de consolidation inachevée. La divergence entre les États membres reste prononcée. Afin d’assurer une contribution efficace de la politique budgétaire au policy-mix de la zone euro, il faut accorder plus d’attention à l’orientation globale de la politique budgétaire, à sa composition et à sa mise en œuvre dans différents États membres. Parallèlement, il est nécessaire de concevoir et de mettre en œuvre une stratégie d’ensemble, à l’échelle de la zone euro, pour faire face aux risques pour la viabilité du secteur bancaire. Il est également nécessaire de procéder à une nouvelle vague de réformes structurelles ambitieuses – favoriser la productivité et la croissance, assurer l’équité sociale et faciliter l’ajustement économique nécessaire au sein de la zone euro, réduisant ainsi le fardeau des politiques monétaire et budgétaire.

Les principaux défis à surmonter sont les suivants:

  • Libérer la croissance potentielle, lutter contre le chômage élevé et augmenter la résilience. Les réformes structurelles qui créent des institutions nationales et des structures économiques plus fortes et plus efficaces, à l’appui de la productivité, de l’emploi et de la convergence, jouent un rôle clé dans le bon fonctionnement de l’UEM. La mise en œuvre de réformes structurelles libérerait des opportunités, augmenterait le potentiel de croissance et soutiendrait la politique monétaire en facilitant sa transmission à l’économie. Les priorités de ces réformes consistent à assurer un environnement institutionnel et un climat des affaires plus propices, à achever le marché unique, à éliminer les obstacles et à créer des opportunités d’investissement. Des politiques du marché du travail bien conçues, bien intégrées à des systèmes de protection sociale adéquats pour faciliter les transitions harmonieuses des emplois, peuvent favoriser la réintégration du marché du travail et promouvoir l’équité sociale. La réduction des impôts sur le travail peut favoriser la création d’emplois. Les États membres qui ont mis en œuvre de telles réformes sont plus résistants avec une amélioration de l’emploi et des performances sociales.
  • Faire face aux surendettements publics et privés et aux faiblesses des investissements. Certains États membres, notamment ceux qui sont le plus durement touchés par la crise, trouvent leur capacité de soutenir une demande limitée par de grands désendettements publics et / ou privés et des niveaux élevés de créances douteuses, alors que les investissements restent affaiblis. Ces États membres doivent stimuler l’investissement par la poursuite de réformes plus favorables à la croissance, y compris la suppression des obstacles à la concurrence et à l’investissement et par la définition de politiques à moyen terme dans un certain nombre de secteurs pour assurer la sécurité des investisseurs. Dans le même temps, ils doivent assurer un désendettement ordonné dans le secteur privé grâce à l’élimination ou à l’annulation de dettes privées non viables, afin que les capitaux puissent réaffecter plus rapidement et efficacement.
  • Assurer le rééquilibrage externe et interne de la balance des paiements courants de la zone euro. L’excédent de la balance des paiements courants de la zone euro est alimenté par des effets positifs sur les échanges résultant de la chute des prix du pétrole et des baisses récentes de la valeur extérieure de l’euro, mais résulte largement de la faiblesse de la demande intérieure et d’un excès d’épargne par rapport aux investissements. Si, dans certains États membres, des déficits externes antérieurs ont été corrigés, de grands excédents continuent à s’accumuler dans les États membres sans des besoins significatifs de désendettement. Les États membres déficitaires ou dotés d’un important stock de dette extérieure auraient intérêt à accroître leur productivité et leur compétitivité pour soutenir le désendettement de la dette accumulée et pour assurer l’amélioration continue des positions courantes. Les États membres excédentaires, surtout lorsqu’ils jouissent déjà d’une forte position extérieure nette, doivent encore procéder à un ajustement supplémentaire pour renforcer la demande intérieure, notamment en encourageant davantage les investissements et en favorisant une utilisation plus efficace d’une épargne excessive.
  • Assurer une orientation budgétaire appropriée pour l’ensemble de la zone euro. En tenant compte de l’orientation de la politique monétaire actuelle, il est nécessaire que la politique budgétaire renforce la reprise économique et l’investissement pour assurer une combinaison cohérente des politiques économiques . Il est tout aussi essentiel que l’approche globale de la zone euro soit différenciée en fonction de la situation de chaque État membre en termes de durabilité et de stabilisation (au regard, notamment, du respect des exigences du pacte de stabilité et de croissance) tout en tenant compte des retombées au sein de tous les États membres de la zone euro.
  • Amélioration de la composition et de la gouvernance des finances publiques. Une utilisation plus active des revues des dépenses, des structures fiscales plus efficaces et plus efficientes et des administrations efficaces des dépenses et des recettes sont essentielles pour la zone euro où des politiques budgétaires saines, justes et favorables à la croissance sont d’intérêt commun. De même, des cadres fiscaux nationaux efficaces sont nécessaires pour renforcer la crédibilité des politiques des États membres. Des efforts restent nécessaires pour améliorer la composition des dépenses publiques et des recettes afin de maximiser leur impact sur la croissance, tout en réduisant la charge pesant sur le secteur privé.

Une utilisation plus active des revue des dépenses est particulièrement pertinente pour la zone euro où des politiques budgétaires saines sont une question d’intérêt commun. Les revue des dépenses sont largement reconnus comme un outil utile pour améliorer la qualité des finances publiques; Elles peuvent être utilisées pour réaliser des économies et favoriser la qualité des services publics. Un certain nombre de facteurs semblent particulièrement importants pour que les revue de dépenses puissent donner les meilleurs résultats: (i) un engagement politique soutenu à un niveau national élevé tout au long du projet ; (ii) une conception et une mise en œuvre fondées sur les meilleures pratiques, y compris un mandat stratégique clair ; (iii) des progrès et des résultats régulièrement suivis et communiqués au public ; Et (iv) la cohérence avec la planification budgétaire annuelle et pluriannuelle.

  • Briser la « corrélation entre risque bancaire et risque souverain » [1] et compléter l’Union des marchés financiers (CMU). Alors que la résilience globale du secteur bancaire de la zone euro a augmenté depuis la crise, la pression sur les banques a monté en raison d’un certain nombre de facteurs, tels que des niveaux élevés de prêts improductifs, des modèles commerciaux insuffisants et la surcapacité dans certains États membres, ceci engendrant une faible rentabilité et des risques de viabilité. Le recours relativement élevé aux banques pour financer l’économie de la zone euro la rend plus vulnérable en temps de crise et peut aggraver une crise économique. En outre, les procédures d’insolvabilité ne permettent pas de maximiser les perspectives de recouvrement d’avoirs, de retarder la restructuration de la dette et d’entraver la volonté des prêteurs de fournir des financements aux entreprises, de réduire le crédit à l’économie et aux investissements. Les initiatives les plus importantes de la CMU sont celles qui permettront d’élargir les sources de financement et de renforcer le rôle des marchés des capitaux (actions et obligations). En outre, la mise en œuvre rapide d’outils pour traiter la dette héritée et le niveau élevé de créances douteuses est nécessaire.
  • Achever l’union bancaire. Il reste à mettre en place un système de garantie des dépôts bancaires (SEGD) à l’échelle de la zone euro (EDIS selon l’acronyme anglais) et un dispositif de blocage commun pour le Fonds de résolution unique. Outre les
    Sources : BCE, Bulletin, août 2012 ; Blommestein (2012b).

    Principaux liens entre les conditions macroéconomiques, le secteur bancaire et le marché de la dette publique (les flèches indiquent les canaux par lesquels des modifications de conditions dans l’un des domaines affectent les deux autres).

    autres mesures de réduction des risques dans le secteur bancaire proposées par la Commission en novembre, le SEGD renforcerait la stabilité financière, affaiblirait le lien entre les banques et les finances publiques des États membres et renforcerait la confiance des déposants. L’assouplissement budgétaire commun pour le Fonds de résolution unique soutiendrait la crédibilité de la résolution face aux grands chocs en veillant à ce qu’un financement adéquat soit crédible pour résoudre les banques les plus affectées de la manière la plus efficace possible.

  • Compléter l’architecture de l’Union économique et monétaire européenne. Au cours de l’année écoulée, des progrès ont été accomplis vis à vis des initiatives présentées dans le rapport des cinq présidents [2] sur l’achèvement de l’UEM en Europe, comme le rôle accru de la dimension de la zone euro dans le semestre européen, la recommandation sur les conseils nationaux de productivité et l’établissement du Conseil Fiscal Européen au sein de la Commission. Des travaux sont également en cours pour améliorer la transparence et réduire la complexité des règles budgétaires. Néanmoins, l’accord sur d’autres initiatives d’une importance cruciale pour l’UEM, comme le système de garantie des dépôts bancaires proposé par la Commission en novembre 2015, fait toujours défaut. De plus, des défis plus vastes doivent être relevés à la lumière du rapport des cinq présidents. La Commission a annoncé son intention de présenter en mars 2017 un Livre blanc sur l’avenir de l’Europe, qui comprendra également l’avenir de l’UEM. S’accorder sur une voie opérationnelle exige un sens partagé d’appropriation et un sens commun entre tous les États membres et les institutions de l’UE de la zone euro, ainsi qu’entre les États membres non membres de la zone euro, car une UEM forte aidera à relever les défis de l’UE, et aura également un impact positif sur les États membres non membres de la zone euro.

 

[1] La crise de la zone euro illustre comment la « corrélation entre risque bancaire et risque souverain » se compose de deux boucles de rétroaction distinctes, mais qui se renforcent mutuellement: une «boucle de sauvetage» et une «boucle de l’économie réelle». Premièrement, la détérioration de la solvabilité souveraine a réduit la valeur marchande  des avoirs de dette souveraine nationale détenus par les banques. Cela a réduit leur solvabilité perçue, ce qui a augmenté les chances que les banques doivent être renflouées par leur gouvernement, et ainsi augmenter encore la détresse souveraine, engendrant une « boucle de sauvetage ». Deuxièmement, lorsque les banques en difficulté ont réduit leurs prêts, elles ont déclenché une baisse de l’activité économique et des recettes fiscales, ce qui a également contribué à affaiblir la solvabilité des gouvernements dans ces pays, déclenchant une « boucle de l’économie réelle ».

Il y a trois ingrédients à ces boucles de rétroaction. Tout d’abord, le biais résidentiel des portefeuilles de la dette souveraine des banques, qui fait dépendre leurs capitaux propres et leur solvabilité des fluctuations de la solvabilité et de la valeur de marché de la dette de leur propre gouvernement. Deuxièmement, l’incapacité des gouvernements à s’engager ex-ante à ne pas renflouer les banques nationales, puisque le sauvetage est optimal une fois que les banques sont en difficulté. Troisièmement, la libre mobilité des capitaux, qui garantit que les perceptions des investisseurs internationaux sur la solvabilité future de l’État – que les fondamentaux fiscaux justifient ou non – sont incorporées dans la valeur marchande de la dette publique intérieure. Pour briser ces boucles, la politique doit supprimer au moins un de ces trois ingrédients. Jusqu’à présent, le contrôle des capitaux est le seul remède politique adopté en réponse à ces boucles de rétroaction.

[2] Ce rapport a été préparé par le président de la Commission européenne, en étroite coopération avec le président du sommet de la zone euro, le président de l’Eurogroupe, le président de la Banque centrale européenne et le président du Parlement européen.

 

Pour en savoir davantage (en anglais) :

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La stratégie d’assainissement budgétaire de la France passe par le secteur public local

Selon la Commission européenne, la stratégie d’assainissement budgétaire de la France mise davantage sur une réduction générale des dépenses que sur une stratégie ciblée visant à permettre des gains d’efficacité, en particulier au sein du secteur public local. Elle invite en conséquence les pouvoirs publics à se montrer plus exigeants vis-à-vis des collectivités territoriales.

Un document de travail des services de la Commission publié le 26 février 2016 rappelle  le  rôle important des administrations publiques locales françaises dans les dépenses nationales consacrées aux affaires économiques et au logement, ainsi qu’aux loisirs et à la culture. Leurs dépenses ont représenté 11,9 % du PIB en 2013 en France. Sur la période 2003-2013, les dépenses au niveau local ont crû de 1,8 point de pourcentage (pp) du PIB, augmentation due pour la moitié à une hausse des dépenses de protection sociale.

Par rapport à la moyenne de la zone euro, les dépenses des administrations publiques locales françaises sont supérieures d’environ 1,5 pp du PIB, mais leur part dans les dépenses publiques totales est comparable (20 %). Néanmoins, les compétences des autorités locales peuvent fortement différer d’un pays à l’autre. En France, les principales catégories de dépenses sont les affaires économiques, la protection sociale et les services généraux des administrations publiques. Les administrations publiques locales françaises dépensent plus que la moyenne de la zone euro dans les domaines des affaires économiques, du logement et des équipements collectifs ainsi que des loisirs et de la culture, mais considérablement moins dans le domaine de la santé.

La hausse des dépenses des collectivités locales s’explique en partie par la décentralisation de 1980 et en partie par la structure des administrations locales en France. La hausse de 3,3 pp du PIB affichée par les dépenses des collectivités locales entre 1983 et 2013 peut s’expliquer[1], jusqu’à 60 %, par le transfert des compétences entre l’État et le niveau local, notamment en ce qui concerne la protection sociale. Les 40 % restants sont le fait des collectivités locales, dont le nombre de fonctionnaires a connu une augmentation sans mesure avec les compétences qui leur ont été transférées. Le nombre et la diversité des niveaux infranationaux de gouvernement (État, 22 régions jusqu’en 2015, 101 départements, plus de 36 000 municipalités) sont toutefois supérieurs à ceux des autres pays de l’UE, ce qui crée un risque d’inefficience dû à la duplication de certaines fonctions.

Selon les auteurs de cette étude, les dépenses des collectivités locales ne sont pas efficientes. Ils citent à cet égard une étude sur l’efficience des dépenses des départements français selon laquelle celles-ci seraient perfectibles[2]. Le Gouvernement a pris des mesures pour optimiser les activités des collectivités locales, au moyen de la réforme territoriale lancée en 2014 et menée en trois étapes[3] ; le nombre des collectivités locales a ainsi été rationalisé dans une certaine mesure, et le chevauchement de certaines fonctions, limité. À titre d’exemple, la clause de compétence générale a été abolie pour les départements et les régions (mais pas pour les autres collectivités territoriales). La mise en œuvre de cette réforme est maintenant déterminante pour recueillir les gains d’efficience envisagés. Par ailleurs, des mesures ont été prises pour rationaliser les fonctions administratives et fusionner des regroupements de communes et des régions (dont le nombre a été ramené de 22 à 13 en 2016).

Une nouvelle norme indicative de dépenses pour les collectivités locales, bien que non contraignante, complète depuis peu la réglementation existante applicable aux dépenses des collectivités locales. L’objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODEDEL), introduit par la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour la période 2014-2019, vise à devenir un instrument puissant pour orienter les dépenses au niveau local, en particulier parce qu’à partir de 2016, l’objectif général pour les collectivités locales sera lui-même décliné en objectifs fixés pour les régions, les départements et les municipalités. Cette norme de dépenses complète la contribution des collectivités locales au plan national d’économies de 50 milliards d’EUR sur la période 2015-2017, qui se traduira par une réduction de 10,7 milliards d’EUR des transferts de l’État vers les collectivités locales au cours de la même période. Cette diminution des transferts de l’État modifie les schémas de dépenses des collectivités locales, en particulier en ce qui concerne les investissements (comme en témoigne le recul des investissements au niveau local en 2014, plus marqué que ce que le cycle électoral aurait normalement induit). Par ailleurs, les collectivités locales ne pourront pas creuser leur dette pour compenser la raréfaction des ressources, puisqu’elles ne peuvent emprunter que pour financer des investissements, ce à quoi veillent les chambres régionales et territoriales des comptes.

La baisse des concours financiers de l’Etat aux collectivités locales a cependant donné lieu à une mobilisation générale des élus locaux, dont une journée nationale d’action le 19 septembre dernier organisée par l’Association des maires de France (AMF), durant laquelle les élus étaient appelés à sensibiliser leurs administrés sur les conséquences possibles de la baisse des dotations, parmi lesquelles étaient avancées : une remise en cause du niveau des services, des coupes dans les subventions aux associations locales, une augmentation des impôts locaux, une diminution des investissements avec à la clé des menaces sur l’emploi, notamment dans le secteur des travaux publics.

Dans ce contexte,  la préparation du 99e Congrès des maires de France qui a lieu du 31 mai au 2 juin s’annonce particulièrement délicate pour le Gouvernement.

[1] Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique: France: Une perspective internationale sur la Révision générale des politiques publiques, Éditions OCDE, 2012.

[2] Seifert, S., et Nieswand, M., What Drives Intermediate Local Governments’ Spending Efficiency: The Case of French Départements, Local Government Studies, Vol. 40(5), pp. 766-790.

[3] MAPTAM, nouvelle carte des régions et loi NOTRe.