Archives : 26 septembre 2016

La situation des collectivités territoriales devrait se dégrader en 2016 et 2017

Après un excédent de 0,7 Md€ en 2015, le solde des administrations publiques locales (APUL) devrait se creuser en 2016 puis, à nouveau, en 2017. Cette prévision, établie dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances (PLF) 2017, s’explique par le redémarrage des dépenses d’investissement des collectivités locales, en lien avec le cycle électoral communal. Conformément à ce cycle, les dépenses d’investissement local devraient accélérer à l’approche des prochaines élections municipales. Elles se stabiliseraient en valeur en 2016, avant de croître à nouveau en 2017. La croissance des dépenses de fonctionnement continuerait à être contenue, en lien avec la poursuite des baisses de dotations et les effets de la réforme territoriale.

Conformément à la loi de programmation des finances publiques pour 2014-2019, une diminution de 3,3 Md€ des concours financiers de l’État aux collectivités a été décidée en loi de finances initiale pour 2016, qui se décompose en un effort de 3,6 Md€ sur la dotation globale de fonctionnement d’une part, et un soutien renforcé de l’Etat à l’investissement local de 0,2 Md€, d’autre part. Cette baisse des dotations permet d’associer les collectivités locales à l’effort de redressement des comptes publics et les incite à une rationalisation accrue de leurs dépenses. Elle est répartie entre les différentes catégories de collectivités au prorata de leur poids respectif dans la dépense publique locale (bloc communal, départements, régions).

A cela s’ajoute l’abaissement de l’objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODEDEL) pour 2016, voté en loi de finances initiale pour 2016 afin de tenir compte des effets favorables sur la dépense locale d’un environnement de faible inflation. La déclinaison de l’ODEDEL par niveau de collectivités, dans la loi de finances initiale pour 2016 renforce son caractère incitatif en fournissant aux collectivités un élément de comparaison permettant d’apprécier leur situation particulière.

L’effort demandé en 2017 aux communes et intercommunalités sera toutefois diminué de moitié par rapport à ce qui était initialement inscrit en loi de programmation, comme l’a annoncé le Président de la République le 2 juin 2016. L’abondement du fond de soutien à l’investissement et l’étalement sur deux ans de la baisse des dotations de l’Etat aux communes et aux intercommunalités représentent certes une hausse de 1,2 Md€ en 2017 des dotations par rapport au niveau prévu dans le programme de stabilité, mais aussi, il faut bien le reconnaître, une baisse globale de 2,8 Md€ par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2016.

Selon le Gouvernement, la réforme territoriale devrait faciliter la maîtrise de la dépense des collectivités locales. Elle permettrait la réalisation de gains d’efficience contribuant au ralentissement des dépenses de fonctionnement. La création des métropoles et la réduction du nombre d’intercommunalités constitueraient de forts leviers de rationalisation des dépenses au niveau du bloc communal. La réduction du nombre de régions métropolitaines, de 22 à 13, effective depuis le 1er janvier 2016, permettrait par ailleurs de simplifier l’organisation administrative française. La suppression de la clause de compétence générale pour les régions et départements mise en place par la loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe du 7 août 2015) permettrait de tarifier le partage des compétences et de rationaliser les interventions des collectivités territoriales. Enfin, le relèvement à 15 000 habitants du seuil démographique minimal pour les intercommunalités devrait conduire le nombre d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à diminuer de 40 % d’ici au 1er janvier 2017.

Il n’est toutefois pas assuré que ces différentes réformes structurelles contribueront au ralentissement des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales au cours de l’exercice 2017.


Les juridictions financières ne disposent pas de ressources nécessaires et raisonnables

Depuis plusieurs années, le périmètre des missions des juridictions financières n’a cessé de s’élargir : certification des comptes de l’État et des régimes généraux de sécurité sociale, mise en œuvre de la réforme budgétaire et comptable, développement des contrôles communs entre la Cour et les chambres régionales des comptes, développement des missions de conseil et d’appui au Gouvernement et au Parlement, et contrôle élargi des organismes faisant appel à la générosité publique.

Les années 2015 et 2016 ne dérogent pas à la règle. L’article 110 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a élargi le champ de la certification par la Cour et les chambres régionales aux comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements. La loi relative à la santé a étendu les compétences de contrôle de la Cour et des chambres régionales des comptes aux établissements sociaux et médico-sociaux ainsi qu’aux établissements de santé privés. C’est désormais 47 milliards d’euros qui sont ainsi ouverts au contrôle de la Cour et des chambres régionales.

Les juridictions financières arrivent à la limite de leurs capacités à conduire les missions qui leur sont confiées. La Cour et les chambres régionales, prises ensemble, ne comptent que 639 magistrats, son homologue allemand en compte 1 250 alors que ses missions sont moins étendues.

Les juridictions financières ne disposent pas des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires et raisonnables à l’exercice de ses moyens de contrôle, comme l’impose pourtant au pouvoir exécutif la résolution A/66/209 de l’Assemblée générale de l’ONU. Cette résolution, adoptée le 22 décembre 2011, porte sur la nécessité de rendre l’administration publique plus efficiente, plus respectueuse du principe de responsabilité, plus efficace et plus transparente. L’Assemblée générale a considéré que les institutions supérieures de contrôle des finances publiques – comme la Cour des comptes — ne pouvaient exercer efficacement leurs attributions de façon objective qu’à condition d’être indépendantes des entités qu’elles contrôlaient et protégées de toute influence extérieure.

Pour en savoir davantage:

Résolution A/66/209 de l’Assemblée générale de l’ONU

Farandole Programme 164 – 2016


Le CNoCP publie enfin son cadre conceptuel

Après avoir analysé  les dix-neuf réponses reçues à la consultation publique sur le projet de cadre conceptuel des comptes publics, dont celle de notre syndicat, le Conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP) a adopté, le 4 juillet 2016, son cadre conceptuel, qu’il présente comme un document de principes : « Il présente et explicite les concepts sous-jacents aux normes comptables des entités publiques. Ces éléments de « doctrine » comptable s’inscrivent clairement dans le contexte juridique français, dans lequel la Constitution elle-même pose une exigence de qualité des comptes des administrations publiques. Le cadre conceptuel des comptes publics n’est pas lui-même une norme comptable. Il doit notamment guider le travail de normalisation dans un souci de cohérence des normes entre elles et, dans la mesure du possible, de convergence des normes entre les différentes entités publiques. ». Ce document a été publié le 14 septembre 2016.

De nombreuses observations formulées en 2015 par notre organisation syndicale ont été prises en considération, ce dont nous nous réjouissons (I). Mais le cadre conceptuel conserve certaines orientations, certes désormais circonscrites, que nous avions alors estimées confuses (II).

I – Des précisions bien venues

Le cadre conceptuel est désormais clairement délimité à la seule comptabilité d’exercice, c’est à dire à la comptabilité générale, des administrations publiques. Un sous titre vient restreindre le champ de ce corps doctrinal pour le mettre en adéquation avec les compétences du CNoCP: CADRE CONCEPTUEL DES COMPTES PUBLICS RELEVANT DE LA COMPTABILITE D’EXERCICE. Notre organisation syndicale avait constaté que la définition des comptes publics retenue par la CNoCP afin de définir un cadre conceptuel différait de la définition réglementaire des comptes publics. Aux termes de l’article 55 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, « les comptes publics comprennent (en effet) une comptabilité générale, une comptabilité budgétaire et une comptabilité analytique« . Le cadre conceptuel du CNoCP écarte désormais clairement de son champ la comptabilité budgétaire et la comptabilité analytique. Il évite ainsi le délicat débat relatif aux mérites comparés des systèmes budgétaro-comptables monistes (cas des collectivités territoriales) ou dualistes (cas de l’Etat) des administrations publiques.

Le cadre conceptuel précise désormais que « les états financiers comportent, au minimum, un bilan, un compte de résultat, une annexe, et éventuellement un tableau des flux de trésorerie et un tableau de variation de la situation nette« . L’adverbe « éventuellement » est de trop, sauf pour les petites entités lorsque la production des informations relatives aux flux de trésorerie et à la variation de la situation nette présente un coût supérieur aux avantages économiques retirés de cette information. Dans les autres cas, ces deux tableaux devraient obligatoirement être produits et il est dommage que la cadre conceptuel ne prévoit pas une telle recommandation. Pour autant, notre organisation syndicale ne peut que se réjouir de voir l’annexe désormais reconnue comme élément indispensable des « états financiers », celle-ci étant rarement produite avec un degré d’exactitude satisfaisant par les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

 

II- Des apories circonscrites

A l’instar du cadre conceptuel développé par le comité des normes internationales de comptabilité du secteur public, le cadre conceptuel adopté par le CNoCP a recours à la notion de « souveraineté » afin d’aborder certaines spécificités de l’action publique. Selon notre organisation syndicale, le recours à ce concept est aporétique en ce qu’il associe au sein d’un même document des concepts issus de registres sémantiques fort différents. Le concept de « souveraineté » a tout son sens en philosophie politique, voire en droit constitutionnel, et a été l’objet de réappropriation diverses dans le champ politique, notamment à l’occasion de consultations nationales sur le traité de l’Union européenne. Y recourir dans un cadre conceptuel des comptes publics conduit cependant à en altérer la rigueur analytique.

Notre organisation syndicale avait rappelé en 2015 que le recours au concept de souveraineté ne visait qu’à justifier par un argument d’autorité des aménagements aux principes comptables couramment appliqués par les membres de la fédération internationale des comptables (IFAC). Nous avions précisé que de tels écarts peuvaient être appropriés aux spécificités des administrations publiques mais ils devaient alors être dûment justifiés par des éléments clairement présentés. La justification de ces aménagements par un expédient n’était pas recevable.

Si le cadre conceptuel maintient aujourd’hui cet expédient, reconnaissons qu’il circonscrit son impact sur la production des normes comptables. Il indique ainsi que, d’une manière générale, « les droits, obligations ou opérations des entités publiques similaires ou assimilables à ceux des entreprises sont traités selon des normes similaires ou assimilables aux normes applicables aux entreprises« . Puis il précise les exceptions à cette affirmation de portée générale de la façon suivante : »Les droits, obligations ou opérations qualifiés de spécifiques de l’action publique découlent des pouvoirs et engagements du pouvoir souverain et possèdent de ce fait des caractéristiques qui peuvent requérir des dispositions comptables ad hoc. »

Gageons que l’organisation de ces restrictions auraient pu faire l’économie du recours à la notion de « souveraineté ». L’attachement du CNoCP à cette notion, pourtant également contestée par le Premier président de la Cour des comptes, dans sa propre réponse à la consultation, est inconnue. Sans doute le pouvoir réglementaire a-t-il souhaité, par cet aménagement, conserver des marges de manœuvre vis à vis des principes comptables de l’IFAC.

 

Conformément aux attentes de notre organisation syndicale, le cadre conceptuel n’a pas de force normative et n’énonce pas de règles comptables.Il permet au normalisateur de veiller à la cohérence des normes et des états financiers. Il est également un instrument de compréhension des normes pour ceux qui établissent les états financiers, ceux qui les contrôlent et ceux qui les utilisent. En l’absence de norme permettant de traiter une opération particulière, le producteur de comptes et, le cas échéant, l’auditeur, peuvent se référer au cadre conceptuel pour déterminer la méthode comptable la plus appropriée. Dans ce cas, du fait du caractère non contraignant du cadre conceptuel, tout raisonnement qui s’appuie sur lui (par renvoi ou référence) doit être accepté par l’ensemble des parties prenantes à la décision. Nous conservons en conséquence toute latitude de nous en écarter dans nos travaux si nous l’estimons nécessaire.

Pour en savoir davantage:


Le Conseil constitutionnel enterre la déclaration de patrimoine des magistrats

Publiée au Journal officiel de la République française du 11 août 2016, la loi n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats, ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) renforce l’indépendance et l’impartialité des magistrats judiciaires. Elle modifie les modalités de recrutement par voie de concours en facilitant notamment l’intégration directe, et fixe le déroulement de la formation professionnelle destinée aux auditeurs de justice ainsi qu’aux candidats admis aux concours. Elle prévoit la nomination, par décret du Président de la République, des procureurs généraux près les cours d’appel, après avis du CSM, et des juges des libertés et de la détention sur proposition du garde des Sceaux après avis conforme du CSM. Le texte consacre le principe de la liberté syndicale des magistrats et modernise les modalités de leur évaluation professionnelle. En matière de prévention des conflits d’intérêts, il instaure un entretien déontologique obligatoire et impose aux magistrats de soumettre une déclaration d’intérêts à leur hiérarchie dans les deux mois suivant l’installation dans leurs fonctions. Les membres du CSM, soumis à cette obligation, doivent en outre déclarer leur patrimoine au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Un collège de déontologie est créé, chargé de rendre des avis sur les situations individuelles et d’examiner les déclarations d’intérêts des magistrats.

Dans une décision n°2016-732 du 12 juillet 2016 le Conseil constitutionnel a déclaré contraires au principe d’égalité l’article 72-1 de la loi du 8 août 2016 fixant les conditions de retour de détachement des magistrats, ainsi que certaines dispositions de son article 26 qui imposaient aux seuls hauts magistrats de remettre à la HATVP une déclaration de leur situation patrimoniale. Au titre de sa jurisprudence sur les « cavaliers législatifs », il a également censuré l’article 48 qui imposait le dépôt de déclarations d’intérêts et de patrimoine aux membres du Conseil constitutionnel et l’article 49 qui fixait les conditions de dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité en matière correctionnelle et contraventionnelle.

Cette décision remet en question les dispositions comparables posées par l’article L. 220-9 du code des juridictions financières, créé par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires selon lesquelles « Dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions, les présidents de chambre régionale des comptes et les procureurs financiers adressent une déclaration de situation patrimoniale au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ». En effet, comme l’a indiqué le Premier président lors de la réunion du Conseil supérieur du 15 septembre, le décret d’application de cette disposition doit être pris en Conseil d’Etat. Or la Haute juridiction administrative ne manquera pas de relever qu’un tel décret contrevient désormais à une jurisprudence du Conseil constitutionnel.

L’obligation de déclaration de patrimoine ne peut désormais être imposée qu’à tous les magistrats. Elle ne peut cibler telle ou telle catégorie d’entre eux. Il est peu vraisemblable que le législateur reprenne sa copie et impose cette obligation à plusieurs milliers de magistrats judiciaires, administratifs et financiers, au risque d’engorger inutilement les services de la HATVP.

 

 

 

 


Les candidats d’origine maghrébine sont pénalisés dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale

Yannick L’Horty,  Professeur à l’Université Paris‐Est Marne‐La‐Vallée, a remis en juin dernier à Manuel Valls son rapport sur les discriminations dans l’accès à l’emploi public. Il estime que le risque de discrimination à l’embauche est plus élevé dans les collectivités territoriales et les hôpitaux que dans les administrations de l’Etat.

Le rôle de référence joué par le recrutement par concours dans la fonction publique laisse à penser que l’accès à l’emploi public dans son ensemble ne serait pas ou peu exposé au risque de discrimination. Yannick L’Horty estime que c’est une erreur pour deux raisons.

La première est purement mécanique et tient à la faible place des concours dans l’ensemble des opérations de recrutement des trois versants de la fonction publique. Même si les flux d’entrée ont beaucoup diminué depuis le milieu des années quatre‐vingt‐dix, la fonction publique effectue encore chaque année près de 500 000 recrutements, pour tous types de contrats et pour toutes durées confondues. Dans cet ensemble, le recrutement de titulaires représente moins d’une entrée sur quatre. Comme le recrutement par concours ne représente que les deux tiers des recrutements des titulaires, du fait du développement des nouvelles voies d’accès sans concours, on peut dire que le recrutement par concours ne couvre aujourd’hui qu’un sixième de l’ensemble des recrutements publics.

La deuxième raison est liée à la nature même du risque discriminatoire.  On se représente à tort le profil type du discriminateur comme celui d’une personne isolée ouvertement raciste ou sexiste qui œuvrerait de façon consciente pour favoriser la sélection de certains candidats au détriment d’autres. Bien au contraire, un grand nombre de travaux scientifiques sur les ressorts des comportements discriminatoires indiquent que les discriminateurs sont avant tout victimes de leurs stéréotypes, c’est‐à‐dire de raccourcis cognitifs associant les caractéristiques des candidats à des aptitudes. Ces stéréotypes sont plus ou moins précis, ils sont positifs ou négatifs, ils ne sont ni toujours vrais, ni toujours faux, et surtout, ils opèrent à l’insu du discriminateur. Les stéréotypes accélèrent la prise de décision mais ils introduisent des erreurs de jugement.

Pour ces deux raisons, le droit commun des concours n’est pas un rempart efficace pour se protéger du risque de discrimination. L’anonymat des candidats, le caractère unique, impartial et indépendant du jury, l’égalité formelle des candidats face aux épreuves, bref, toutes les dispositions générales sur l’organisation des concours constituent autant de précautions à la fois nécessaires et insuffisantes. Les discriminations sont favorisées par la sélectivité du recrutement, elles sont liées à la définition des postes à pourvoir, à la durée des contrats, mais aussi aux caractéristiques majoritaires parmi les collègues de travail, à celles des candidats et du jury. Tout ce qui peut influencer la prise de décision par le jury est un canal potentiel pour le risque de discrimination entre les candidats. L’organisation du concours, son caractère plus ou moins concentré dans l’espace, les conditions d’éligibilité ou encore, la nature des épreuves, sont autant de leviers pour élargir l’action publique en faveur de l’égalité.

Fortes de ces constats, de très nombreuses administrations ont ajouté au droit commun du recrutement par concours, un vaste ensemble d’actions nouvelles pour l’égalité. Encouragées par un portage politique au plus haut niveau, de nombreux acteurs publics ont engagé leurs institutions dans cette voie, au travers de la signature de chartes et de l’obtention de labels certifiant un déroulement standardisé des procédures d’embauche. Les entités publiques ont mieux diffusé l’information sur les opportunités d’emploi et travaillé sur la définition de fiches de postes moins sélectives. Elles ont modifié les règles de constitution des jurys tout en conduisant des actions plus ou moins systématiques auprès des jurys pour les sensibiliser aux effets des stéréotypes. Elles ont professionnalisé les acteurs et le processus du recrutement, tout en changeant le contenu des épreuves de nombreux concours. Elles ont développé les voies d’accès aménagées, les emplois PACTE, l’apprentissage, les classes préparatoires intégrées, parmi d’autres actions.

Ces actions sont d’une grande diversité et elles sont déployées avec des contenus et des intensités variables selon les administrations. En outre elles ne sont pas ou peu évaluées.

L’objet du rapport de Yannick L’Horty est de prendre une mesure  objective du risque discriminatoire dans l’accès à l’emploi public tout en contribuant à l’évaluation de ces nouvelles actions pour l’égalité. Le champ d’observation est étroit puisqu’il se limite à l’accès à l’emploi public et il est très large en même temps parce qu’il couvre différents critères de discriminations, selon le sexe, l’origine, le lieu de résidence, la situation familiale, et qu’il englobe toutes les voies de recrutement (concours, recrutements sans concours, voie contractuelle) dans les trois versants de la fonction publique.

Il est particulièrement difficile d’analyser les discriminations dans l’accès à l’emploi, qui se font à l’insu des discriminateurs et sans que les discriminés en aient nécessairement conscience, puisqu’ils n’observent qu’une toute petite partie du processus du recrutement. Pour mesurer le phénomène, on ne peut donc ni s’appuyer sur le ressenti des acteurs du recrutement, ni sur celui des candidats, ni sur des entretiens, ni sur des statistiques de plaintes, ni sur des enquêtes. Il faut mettre en œuvre des stratégies ad hoc permettant de révéler le fait discriminatoire.

Pour mener à bien cette mission, Yannick L’Horty a bénéficié de la participation et de l’accompagnement d’un comité de suivi composé de recruteurs publics, auquel ont été associés des chercheurs de toutes disciplines, spécialistes du recrutement, des discriminations, ou de l’emploi public. Nous avons réalisé une vingtaine d’auditions d’une durée de deux heures environ, avec plus de soixante représentants des ressources humaines de toutes les entités de la fonction publique d’Etat et de quelques entités de la fonction publique hospitalière et territoriale. Ces entretiens nous ont permis de saisir à la fois la réalité et la diversité du déploiement des nouvelles actions pour l’égalité.

Yannick L’Horty s’est appuyé sur la combinaison de deux types de méthode qui n’avaient encore jamais été appliquées en France : l’exploitation systématique de bases de données de concours externes de la fonction publique d’Etat, d’une part, et la réalisation de tests de discrimination dans le domaine de l’accès à l’emploi public et dans celui de l’accès à l’information sur les opportunités d’emploi public, d’autre part.

Il  a constitué un large panel statistique de concours externes de la fonction publique d’Etat et a travaillé sur les bases individuelles de gestion des candidatures, anonymes et exhaustives. Ce panel couvre plus de 400 000 candidats dans 90 concours externes relevant de cinq ministères (affaires étrangères, intérieur, travail, éducation nationale et recherche), suivis pendant 4 à 8 ans jusqu’en 2015. L’exploitation systématique de ces données révèle des inégalités fortes dans les chances de succès des candidats : les femmes, les personnes nées hors de France métropolitaine ou encore, celles qui résident dans une ville avec une forte emprise de ZUS, ont moins de chance de réussir les écrits puis les oraux de nombreux concours, tandis qu’à l’inverse les chances de succès sont plus élevées toutes choses égales par ailleurs pour les personnes qui habitent Paris et celles qui vivent en couple. Yannick L’Horty a trouvé aussi de nombreux biais évaluatifs des jurys de concours qui  augmentent ou réduisent les chances de réussite des candidats potentiellement discriminés lorsque toutes leurs caractéristiques individuelles sont révélées, à l’oral, relativement moins à l’écrit. Avec le temps et sous l’effet des actions pour l’égalité effectuées dans les différents ministères, certaines sources d’inégalités des chances de succès se réduisent et des biais évaluatifs s’estompent, mais d’autres persistent ou se renforcent, sans que l’on puisse dessiner un schéma univoque pour l’ensemble.

Les tests de discriminations ont été réalisés entre les mois d’octobre 2015 et d’avril 2016. Tout d’abord, l’effet du sexe et de l’origine du candidat a été testé dans 70 commissariats et 150 établissements hospitaliers, au travers de tests d’accès à l’information sur les métiers de gardien de la paix et d’infirmier. Yannick L’Horty n’a trouvé aucune différence de traitement dans les commissariats mais a trouvé des discriminations dans les hôpitaux publics entre une candidate française et une candidate qui signale une origine maghrébine par son patronyme. Ensuite, Yannick L’Horty  a testé l’effet d’une origine maghrébine et celui du lieu de résidence dans l’accès à l’emploi, en envoyant au total 3258 candidatures en réponse à 1086 offres d’emploi. A nouveau, ces tests n’indiquent pas de différences de traitement dans la fonction publique d’Etat. En revanche, ils indiquent que les candidats d’origine maghrébine sont pénalisés dans la fonction publique hospitalière et dans la fonction publique territoriale et qu’il en va de même pour les candidats qui habitent dans un quartier relevant de la politique de la ville. Ces discriminations sont parfois plus marquées dans le privé que dans le public, elles sont plus fortes pour les emplois qui relèvent de la catégorie C et sont plus marquées pour les emplois contractuels.

L’analyse des données de concours de la fonction publique d’Etat, combinée à des tests ponctuels de discrimination, est selon Yannick L’Horty la seule méthode permettant d’améliorer l’état de nos connaissances sur les discriminations dans l’accès à l’emploi public.  Au terme de cette mission, il n’a formulé qu’une seule recommandation: la mise en place d’un outil de pilotage des politiques d’égalité consistant à pérenniser ce type d’investigation. En unifiant l’ensemble des formulaires dématérialisés d’inscription aux concours de la fonction publique et en coordonnant les systèmes d’information et de gestion des concours des ministères et des écoles du service public, il deviendrait possible de créer un réservoir de données de concours, individuelles, anonymes et exhaustives qui pourrait être utilisé de façon régulière pour le suivi de l’égalité de chaque concours. Ce dispositif de recueil et de traitement des fichiers de gestion de concours serait utilement complété par des tests ponctuels de discrimination et par des outils complémentaires d’évaluation d’impact, ciblés sur quelques politiques d’égalité.

 

Pour en savoir davantage:

– Rapport de Yannick L’Horty au Premier ministre  sur Les discriminations dans l’accès à l’emploi public, juin 2016.


Un décret précise les modalités de contrôle des commissaires aux comptes

Pris en application de l’ordonnance n°2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes, le décret n°2016-1026 du 26 juillet 2016 complète la transposition de la directive 2014/56/UE du 16 avril 2014 relative aux contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et la mise en conformité du droit national avec le règlement européen n°537/2014 du 16 avril 2016 relatif aux exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public.

En premier lieu, le décret précise les fonctions et les modalités d’organisation d’un Haut conseil au commissariat aux comptes qui se réunit au moins une fois par trimestre pour délibérer notamment sur son budget annuel, ses emprunts et son règlement intérieur. Ce Haut conseil entretient des relations avec ses homologues des autres Etats membres de l’Union européenne et les informe notamment des actes contraires au statut régissant les commissaires aux comptes commis sur le territoire d’un autre Etat membre.

En deuxième lieu, le texte précise les règles relatives à l’inscription des commissaires aux comptes sur la liste : cette inscription, qui peut se faire par voie électronique, doit être déposée ou adressée au Haut conseil, les informations devant figurer sur la liste et demandées pour les contrôleurs des pays tiers souhaitant s’inscrire sont précisées (adresse, compagnie régionale de rattachement…).

En troisième lieu, les règles applicables au déroulement des contrôles auxquels sont soumis les commissaires aux comptes sont déterminées ainsi que le contenu du rapport du contrôle, devant contenir les principales conclusions, les observations du commissaire contrôlé et le cas échéant, les recommandations formulées par le Haut conseil. Ces contrôles doivent intervenir au moins tous les six ans selon les orientations définies par le Haut conseil.

Enfin, le décret prévoit une procédure de sanction en cas de fautes disciplinaires commises par les commissaires aux comptes : les enquêteurs habilités peuvent réaliser des enquêtes dans les locaux, convoquer ou entendre toute personne et sont tenus de produire un rapport d’enquête. Le rapporteur général peut alors saisir le Haut conseil qui se réunit hors formation restreinte afin de décider de l’engagement de poursuites. Si celles-ci sont engagées, la commission régionale de laquelle relève le commissaire, dont la composition et l’organisation sont précisées, peut prononcer une sanction.