Edouard Philippe demande à ses ministres de faire du Lean Management

Lors d’une rencontre à l’Elysée, le 15 septembre dernier, M. Fabrice Aubert, conseiller institutions, action publique et transition numérique du président de la République avait annoncé aux représentants de notre organisation syndicale la prochaine mise en oeuvre d’un grand plan de « transformation de l’action publique ». Par une lettre circulaire du 26 septembre, le Premier ministre, Edouard Philippe, dévoile les grands axes de ce plan. Il invite les membres du Gouvernement à  poursuivre, dans le cadre d’un programme intitulé « Action publique 2022 »,  trois objectifs prioritaires :

  • améliorer la qualité des services publics, en développant la relation de confiance entre les usagers et les administrations, et en travaillant prioritairement sur la transformation numérique ;
  • offrir aux agents publics un environnement de travail modernisé en les impliquant pleinement dans la définition et le suivi des transformations ;
  • accompagner rapidement la baisse des dépenses publiques avec un engagement ferme à réduire de trois points la part de la dépense publique dans le PIB d’ici 2022.

Edouard Philippe demande à chacun de ses ministres d’engager les travaux visant à construire un plan de transformation dans leurs champs de compétences respectifs. Ce plan de transformation ministériel sera nourri par les trois grands volets du programme Action publique 2022 : les travaux d’un « Comité Action publique 2022 », un Grand Forum de l’action publique à l’écoute des agents publics et des usagers et cinq chantiers transversaux de transformation.

Il a plus particulièrement chargé le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, de préparer et suivre, à ses côtés, l’ensemble de ces travaux.

Concrètement, le programme du Premier ministre consiste notamment à renforcer l’impact de revues de dépenses et à déployer la pratiques du « Lean Management » au sein de l’administration.

Renforcer l’impact des revues de dépenses

Les objectifs ambitieux qu’il se fixe en matière de réduction de la dépense publique impliquent de revoir profondément et durablement les missions de l’ensemble des acteurs publics que sont l’État, les opérateurs, mais aussi les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. Afin d’appuyer les réflexions de ses ministres dans cet exercice « indispensable d’examen des politiques publiques », il a décidé de mettre en place un comité de revue des missions et des dépenses publiques.  Edouard Philippe répond ainsi à une recommandation du Conseil de l’Union européenne qui l’avait récemment invité  à renforcer l’impact des revues de dépenses :

Le niveau des dépenses publiques en France est en effet l’un des plus élevés de l’Union européenne [UE]. Le ratio des dépenses au PIB devrait atteindre 56,2 % en 2017, soit 9,7 points de pourcentage de plus que pour l’UE. La France a suivi une stratégie d’assainissement axée sur les dépenses qui a principalement reposé sur la baisse des taux d’intérêt et sur des coupes dans les investissements publics. Il est peu probable que l’environnement de taux bas perdure à moyen terme, tandis que les coupes dans les investissements productifs pourraient nuire au potentiel économique futur. En revanche, les revues de dépenses ont mis en évidence un certain nombre de gains d’efficience possibles qui n’ont pas été mis en œuvre. Les revues de dépenses ont permis de trouver une faible partie (moins de 2 %) des réductions de dépenses d’un montant total de 50 milliards d’EUR prévues sur la période 2015-2017. Cependant, une partie seulement de ces économies possibles se sont traduites par des mesures concrètes dans le budget 2016, tandis que les mesures de la loi de finances de 2017 ont reposé sur les possibilités d’économies déjà repérées lors de l’exercice de revue de dépenses de 2015. Les économies découlant des revues de dépenses pourraient être nettement augmentées si les domaines de dépenses examinés étaient élargis et si une stratégie pluriannuelle était mise en œuvre afin que les possibilités d’économies identifiées se traduisent par des mesures budgétaires concrètes.

Source : Recommandation du Conseil de l’Union européenne concernant le programme national de réforme de la France pour 2017 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2017, 22 mai 2017.

Composé de personnalités qualifiées françaises ou étrangères, de chefs d’entreprises, de parlementaires, d’élus locaux et de hauts fonctionnaires, un Comité Action publique 2022 (CAP 22) sera chargé de produire un rapport d’ici la fin du 1 er trimestre 2018 identifiant des réformes structurelles et des économies significatives et durables, sur l’ensemble du champ des administrations publiques.

À cette fin, ce Comité s’interrogera sur l’opportunité du maintien et le niveau de portage le plus pertinent de chaque politique publique. Cela pourra notamment le conduire à proposer des transferts entre les différents niveaux de collectivités publiques, des transferts au secteur privé, voire des abandons de missions. Il identifiera également les chevauchements et les doublons de compétences qui sont source de coûts injustifiés.

À partir de feuilles de route notifiées à chaque ministre, Edouard Philippe souhaite – pour orienter les travaux du Comité et lancer le dialogue avec lui – que chaque ministre élabore une contribution initiale synthétique qui aura pour objectif de proposer des réformes structurelles et de transformation à horizon 2022 sur quatre points spécifiques :

  • le périmètre souhaitable des politiques publiques dont le ministre a la charge,
  • le niveau de portage le plus pertinent pour chacune d’entre elles (suppression des chevauchements de compétences ; transfert entre collectivités, au secteur privé, voire abandon de missions) ;
  • les économies durables et structurelles ;
  • les pistes d’amélioration de la qualité du service.

Déployer une démarche de « Lean Management » au sein de l’administration

Parallèlement aux travaux du Comité, cinq chantiers transversaux seront conduits sur les thématiques suivantes : la simplification administrative et l’amélioration de la qualité de service, la transformation numérique, la rénovation du cadre des ressources humaines, l’organisation territoriale des services publics et la modernisation de la gestion budgétaire et comptable. Notre organisation syndicale souhaite tout particulièrement que ses propositions regroupées au sein du Livre blanc des juridictions financières soient retenues à cette occasion.

Ces chantiers sont un levier pour la transformation des différentes administrations. Edouard Philippe demande à ses ministres de veiller à ce que leurs services y contribuent activement. Pour conduire ces travaux, chaque ministre pourra solliciter l’appui du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique sur les aspects méthodologiques, en tant que de besoin. Chaque ministre sera ensuite auditionné par le Comité sur la base de ses contributions et échangera avec lui tout au long du processus de revue des missions, jusqu’à la remise de ses conclusions finales avant la fin du premier trimestre 2018.

Enfin, afin d’impliquer l’ensemble des Français, Edouard Philippe a également décidé d’organiser un Grand Forum de l’action publique dont l’ambition sera de recueillir les attentes et propositions des citoyens sur la transformation du service public et de réfléchir avec les agents publics à un cadre de travail modernisé. Il demande à ses ministres de s’engager activement dans cet événement en animant personnellement un des treize forums régionaux des services publics organisés entre novembre et décembre 2017.

À la suite de la phase de diagnostic alimentée par les trois volets d’Action publique 2022, (octobre 2017 — mars 2018), chaque ministre devra soumettre son projet de plan de transformation ministériel pour arbitrage. Ces plans seront présentés, par chacun des ministres, en conseil des ministres d’ici l’été 2018.

 

Pour en savoir davantage:

Quelles mesures adopter pour mettre fin à la situation de déficit excessif?

Une délégation du SJFu reçue à l’Elysée

Le SJFu reçu au cabinet du ministre de l’action et des comptes publics

 


Quelles mesures adopter pour mettre fin à la situation de déficit excessif?

La France connaît des déséquilibres macroéconomiques excessifs. Son économie se caractérise par un faible niveau de compétitivité et une dette publique élevée, voire en augmentation, dans un contexte de faible croissance de la productivité. Le risque de retombées négatives sur l’économie française est particulièrement important.

Les administrations publiques (administrations centrales, de sécurité sociale et locales) sont donc directement concernées par le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance. Dans son programme de stabilité de 2017, le précédent Gouvernement prévoyait de corriger le déficit excessif en 2017, conformément à la recommandation du Conseil de l’Union européenne [le Conseil] du 10 mars 2015, avec un déficit nominal de 2,8 % du PIB. Le déficit nominal devrait ensuite continuer de diminuer pour atteindre 1,3 % du PIB en 2020. L’objectif budgétaire à moyen terme – un déficit structurel de 0,4 % du PIB – devrait être atteint d’ici à 2019.

Cependant, le solde structurel, tel que recalculé par la Commission européenne [la Commission], devrait atteindre -1,2 % du PIB en 2020, et l’objectif à moyen terme ne devrait pas être atteint d’ici là. Selon le programme de stabilité, le ratio de la dette publique au PIB devrait passer de 95,9 % du PIB en 2018 à 93,1 % du PIB en 2020. Le scénario macroéconomique sur lequel reposent ces projections budgétaires est plausible. Cependant, les mesures présentées par la France à la Commission pour garantir le respect des objectifs fixés en matière de déficit à partir de 2018 ne sont pas, selon cette dernière, suffisamment détaillées.

Le 10 mars 2015, le Conseil avait recommandé à la France de mettre fin à la situation de déficit excessif en 2017 au plus tard et d’atteindre un déficit public de 2,8 % du PIB, correspondant à une amélioration du solde structurel de 0,9 % du PIB, en 2017. Selon les prévisions du printemps 2017 de la Commission, le déficit nominal devrait atteindre 3,0 % du PIB en 2017, ce qui dépasse l’objectif recommandé par le Conseil. Pour 2018, dans l’hypothèse de politiques inchangées, le déficit nominal devrait atteindre 3,2 % du PIB et donc dépasser la valeur de référence du traité, ce qui suggère des risques entourant la correction durable du déficit excessif. En outre, l’effort budgétaire recommandé ne devrait pas être fourni sur la période couverte par la procédure de déficit excessif, la stratégie d’assainissement budgétaire de la France reposant principalement sur l’amélioration de la conjoncture et la persistance de taux d’intérêt bas, lesquelles sont hors du contrôle du Gouvernement.

Pour 2018, si la France devait finalement parvenir à une correction durable et en temps voulu de son déficit, elle serait alors soumise au volet préventif du pacte de stabilité et de croissance et aux dispositions transitoires en matière de dette. Étant donné sa situation budgétaire et notamment le niveau de sa dette, la France devrait poursuivre l’ajustement en direction de son objectif budgétaire à moyen terme, soit un déficit structurel de 0,4 % du PIB. Selon la matrice d’ajustement prévue dans le pacte de stabilité et de croissance, cet ajustement correspond à l’exigence d’un taux de croissance nominale des dépenses publiques primaires nettes[1] ne dépassant pas 1,2 % en 2018. Cela correspondrait à un ajustement structurel annuel de 0,6 % du PIB. Dans l’hypothèse de politiques inchangées, il existe un risque d’écart significatif par rapport à cette exigence en 2018. Il existe également un risque que la France ne respecte pas les dispositions transitoires en matière de dette en 2018, une détérioration du solde structurel de 0,5 % du PIB étant prévue, au lieu de l’ajustement structurel linéaire minimal de 0,4 % du PIB.

Dès lors, la France doit dès 2018, à la lumière des conditions conjoncturelles, adopter des mesures supplémentaires pour assurer le respect des dispositions du pacte de stabilité.  Le projet de plan budgétaire de la France pour 2018, c’est à dire, concrètement, le projet de loi de finance, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) et l’objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODELEL)[3] devront dûment tenir compte de l’objectif consistant à parvenir à une orientation budgétaire qui contribue aussi bien à conforter la reprise actuelle qu’à garantir la viabilité des finances publiques du pays.

Dans cette perspective, le Conseil a récemment invité le nouveau Gouvernement à infléchir la politique de la France dans les directions suivantes:

Renforcer l’impact des revues de dépenses

Le niveau des dépenses publiques en France est l’un des plus élevés de l’Union européenne [UE]. Le ratio des dépenses au PIB devrait atteindre 56,2 % en 2017, soit 9,7 points de pourcentage de plus que pour l’UE. La France a suivi une stratégie d’assainissement axée sur les dépenses qui a principalement reposé sur la baisse des taux d’intérêt et sur des coupes dans les investissements publics. Il est, selon la Commission, peu probable que l’environnement de taux bas perdure à moyen terme, tandis que les coupes dans les investissements productifs pourraient nuire au potentiel économique futur. En revanche, les revues de dépenses ont mis en évidence un certain nombre de gains d’efficience possibles qui n’ont pas été mis en œuvre. Les revues de dépenses ont permis de trouver une faible partie (moins de 2 %) des réductions de dépenses d’un montant total de 50 milliards d’EUR prévues sur la période 2015-2017. Cependant, une partie seulement de ces économies possibles se sont traduites par des mesures concrètes dans le budget 2016, tandis que les mesures de la loi de finances de 2017 ont reposé sur les possibilités d’économies déjà repérées lors de l’exercice de revue de dépenses de 2015. Les économies découlant des revues de dépenses pourraient être nettement augmentées si les domaines de dépenses examinés étaient élargis et si une stratégie pluriannuelle était mise en œuvre afin que les possibilités d’économies identifiées se traduisent par des mesures budgétaires concrètes.

Simplifier les dispositifs  de réduction du coût de la main-d’œuvre en les transformant en réductions permanentes des cotisations sociales

Un niveau élevé de charges sociales et de taxes pesant sur les sociétés peut décourager l’investissement privé et brider la croissance des entreprises et l’embauche de nouveaux salariés. Des mesures destinées à réduire le coût de la main d’œuvre ont continué à être mises en œuvre, avec le lancement, en avril 2016, de la deuxième phase de baisse des cotisations patronales prévue dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. En outre, l’ancien gouvernement avait augmenté le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui passe de 6 % à 7 % en 2017. Ces mesures de réduction de la pression fiscale sur le travail ont amélioré la compétitivité de la France depuis 2013, mais les pertes précédemment accumulées n’ont pas encore été récupérées. Pour le salaire moyen, la France affichait en 2015 les cotisations sociales patronales les plus élevées de l’UE en pourcentage du coût total de la main-d’œuvre payé par l’entreprise, bien que leur niveau soit en baisse. Les évaluations récentes de ces mesures ont montré leur effet positif sur l’emploi et sur les marges bénéficiaires des entreprises, mais de nouvelles évaluations sont nécessaires afin d’estimer pleinement leur impact sur les salaires, l’investissement, l’emploi et les marges des entreprises. De récentes évaluations suggèrent également que le regroupement de tous les dispositifs de réduction du coût de la main-d’œuvre et leur transformation en réductions permanentes des cotisations sociales permettraient d’optimiser leurs effets sur l’emploi et l’investissement.

Augmenter l’impôt sur la consommation, simplifier les impôts sur les revenus

À 38,4 % en 2016, le taux moyen d’impôt effectif sur les sociétés était le plus élevé de l’UE, d’autres taxes sur la production étant également particulièrement élevées. Pour infléchir cette tendance, le précédent Gouvernement avait annoncé des mesures visant à ramener le taux normal de l’impôt sur les sociétés à 28 % en 2020. Parallèlement, la charge fiscale continue de moins peser sur la consommation que dans les autres États membres de l’UE. En 2014, la France occupait le 27e rang de l’UE pour les recettes provenant des impôts sur la consommation en pourcentage des recettes fiscales totales. Le système de TVA se caractérise par un taux normal de niveau moyen et des taux réduits faibles appliqués à une large assiette. La complexité du système fiscal fait entrave au bon fonctionnement de l’environnement des entreprises. La France a une pression fiscale élevée qui coexiste avec de nombreux allégements fiscaux, des taux réduits et un grand nombre de régimes fiscaux, ce qui entraîne des incertitudes et des coûts de mise en conformité accrus. Les dépenses fiscales totales sont importantes en France, à plus de 3 % du PIB. Le coût administratif, pour le fisc, de la collecte des impôts est également élevé et se situe au-dessus de la moyenne de l’UE.

Faire coïncider les possibilités de formation avec les besoins économiques et les perspectives d’emploi

En 2016, le taux de chômage a reculé à 10,1 %. Il est plus élevé chez les jeunes, les travailleurs peu qualifiés et les personnes qui ne sont pas nées dans l’UE. Les réformes de la gouvernance qui sont en cours sont essentielles pour faire coïncider les possibilités de formation avec les besoins économiques et les perspectives d’emploi. Parallèlement, les demandeurs d’emploi, les travailleurs peu qualifiés et les salariés de PME rencontrent des difficultés persistantes à accéder à des formations.

Réduire les inégalités d’accès à la formation initiale et continue

Pour faire en sorte qu’ils puissent participer à des formations et que les formations proposées soient pertinentes, un renforcement des mesures existantes et un rééquilibrage des ressources pourraient être nécessaires. Entrer sur le marché du travail reste difficile pour les jeunes, en particulier pour les moins qualifiés. Dans ce contexte, les mesures prises en faveur de l’apprentissage ont jusqu’à présent donné des résultats positifs. Mais l’offre d’enseignement et de formation professionnels initiaux qui est proposée, en particulier dans certains secteurs tertiaires et lorsque cet enseignement se déroule en milieu scolaire, n’est pas suffisamment liée aux possibilités d’emploi. En outre, les élèves issus de milieux défavorisés sont plus souvent dirigés vers l’enseignement professionnel initial, où se concentre la grande majorité des décrochages scolaires, ce qui contribue aux fortes inégalités dans le domaine de l’éducation. L’impact du statut socio-économique sur les performances des étudiants est le plus élevé des pays de l’OCDE.

Augmenter le taux d’emploi en réduisant les discriminations à l’embauche

En 2016, seules 54,5 % des personnes nées en dehors de l’UE et en âge de travailler avaient un emploi. Le taux d’emploi des femmes (45,4 %) était l’un des plus faibles de l’UE. L’écart entre le taux d’emploi des personnes nées en dehors de l’UE et celui des personnes nées en France s’est creusé à 17,5 points de pourcentage en 2016 (23,7 points de pourcentage pour les femmes). La mauvaise performance des personnes nées en dehors de l’UE tire le taux d’emploi global vers le bas et représente une sous-utilisation chronique de la main-d’œuvre. Les immigrés de deuxième génération sont également confrontés à des perspectives d’emploi défavorables, qui ne s’expliquent pas par des différences d’âge, de formation ou de compétences. En outre, les écarts en matière de réussite scolaire sont persistants, les immigrés de deuxième génération ne les comblant que partiellement. Pour remédier à ce problème, une stratégie globale est nécessaire, qui comprenne notamment des mesures ciblées en matière de compétences linguistiques, de mise à niveau, de formation et d’orientation professionnelle, ainsi que d’autres politiques actives ciblées du marché du travail. Pour favoriser la participation au marché du travail, il est essentiel de garantir l’accès effectif aux services et d’agir contre les pratiques discriminatoires limitant l’embauche de personnes nées en dehors de l’UE et d’immigrés de deuxième génération.

Faciliter l’accès à l’emploi des travailleurs peu qualifiés

Depuis 2013, le salaire minimum en France a suivi les règles d’indexation qui lui sont applicables. Dans un contexte de faible inflation et de ralentissement de la croissance des salaires, son augmentation a été plus faible que celle des salaires de référence. Le salaire minimum est élevé par rapport au salaire médian, mais le coût du travail au salaire minimum a été réduit par des exonérations de cotisations sociales. Une augmentation du salaire minimum entraîne des augmentations salariales pour la plupart des catégories de travailleurs et comporte le risque de compresser les salaires vers le haut. Si l’indexation du salaire minimum est importante pour préserver le pouvoir d’achat des travailleurs, le mécanisme d’indexation actuel pourrait contribuer à retarder le nécessaire ajustement global des salaires. En outre, dans le contexte actuel de chômage élevé, le coût du travail au salaire minimum risque de restreindre les perspectives d’emploi des personnes peu qualifiées.

Améliorer la capacité d’adaptation des entreprises aux cycles économiques et à réduire la segmentation du marché du travail

Avec la loi de juillet 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, la France a instauré des mesures visant à améliorer la capacité d’adaptation des entreprises aux cycles économiques et à réduire la segmentation du marché du travail. Cette loi clarifie les règles applicables au licenciement individuel pour motif économique, accorde une place plus importante aux accords majoritaires d’entreprise et augmente l’efficacité de la négociation collective. La persistance de taux de chômage élevés a mis à mal la soutenabilité du système d’assurance-chômage. À cet égard, les partenaires sociaux ont conclu en mars 2017 un accord sur une nouvelle convention d’assurance chômage, devant être agréée par le gouvernement français, qui vise à réduire le déficit annuel de 1,2 milliard d’EUR.

Simplifier l’environnement juridique des entreprises

Bien que la France ait amélioré ses performances globales en matière de réglementation, l’environnement des entreprises continue de se classer à un niveau moyen par rapport à ses principaux concurrents. En particulier, malgré de constants efforts de simplification, les entreprises restent confrontées à de lourdes contraintes réglementaires et à une législation qui change rapidement. C’est l’un des principaux obstacles à l’investissement privé. Dans le cadre de son programme de simplification, la France a pris des mesures afin de réduire les lourdeurs administratives auxquelles sont confrontées les entreprises, mais un grand nombre de mesures adoptées avant 2016 n’ont pas encore été mises en œuvre. Dans le même temps, des effets de seuil continuent de limiter le développement des entreprises, ce qui a des implications pour leurs performances économiques et de marché. Les obligations sociales et fiscales accrues qui leur incomberaient au-delà d’un certain nombre de salariés peuvent dissuader les entreprises d’atteindre une taille qui leur permettrait d’exporter et d’innover. Ces effets de seuil peuvent alors avoir un effet négatif sur la productivité, la compétitivité et l’internationalisation des entreprises. En effet, d’après des données empiriques, les seuils de 10 et de 50 salariés sont particulièrement coûteux pour les employeurs, tandis que l’économie française se caractérise par une proportion particulièrement faible d’entreprises au-dessus de ces seuils, ce qui suggère un lien entre ces deux phénomènes.

Lever les barrières qui limitent l’accès à certaines professions

La concurrence dans les services s’est améliorée dans un certain nombre de secteurs, mais certains secteurs importants sur le plan économique, tels que la comptabilité, l’architecture, les services à domicile, les services d’hébergement et de restauration, les services de taxi et de location de véhicules avec chauffeur, restent caractérisés par une faible concurrence et/ou des obstacles réglementaires. Des obstacles demeurent pour ces services, notamment des exigences réglementaires excessives, qui découragent l’entrée sur le marché ou limitent l’essor d’une concurrence effective. La réduction de ces obstacles pourrait permettre aux entreprises existantes, ou à de nouvelles venues, de profiter des nouvelles évolutions technologiques et numériques pour renforcer leur compétitivité et/ou pénétrer sur des marchés, ce qui, en faisant baisser les prix et en améliorant la qualité des services, serait bénéfique aux consommateurs.

Simplifier l’accès aux aides publiques à l’innovation

Les résultats de la France dans le domaine de l’innovation ne sont pas à la hauteur de ceux des champions européens en la matière. Un degré élevé de complexité demeure et la coordination générale pose problème. Le décalage, en France, entre les aides publiques à l’innovation et les résultats moyens obtenus en la matière soulève des questions quant à l’efficience des mécanismes de soutien public. En particulier, la coopération entre la recherche publique et les entreprises n’est pas optimale, ce qui pèse sur le résultat économique du système d’innovation.

 

[1] Les dépenses publiques nettes sont constituées des dépenses publiques totales diminuées des dépenses d’intérêt, des dépenses liées aux programmes de l’Union qui sont intégralement couvertes par des recettes provenant de fonds de l’Union et des modifications non discrétionnaires intervenant dans les dépenses liées aux indemnités de chômage. La formation brute de capital fixe financée au niveau national est lissée sur une période de 4 ans. Les mesures discrétionnaires en matière de recettes ou les augmentations de recettes découlant de mesures législatives sont prises en compte. Les mesures exceptionnelles, tant sur le front des recettes que des dépenses, sont déduites.

[3]  La loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques a fixé des objectifs d’évolution de la dépense publique locale pour les années 2014 et 2019 : l’article 11 dispose que « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de redressement des finances publiques, selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées ». L’objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODELEL), exprimé en pourcentage d’évolution annuelle et à périmètre constant, est déterminé après consultation du comité des finances locales et fait l’objet d’un suivi national, en lien avec ce comité.

 

Pour en savoir davantage:

Recommandation du Conseil de l’Union européenne concernant le programme national de réforme de la France pour 2017 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2017, 22 mai 2017.

Les réformes engagées sont elles suffisantes pour sortir la France de la procédure pour déficit excessif?

Vademecum du semestre européen

Tristes stratèges européens

 


Les réformes engagées sont elles suffisantes pour sortir la France de la procédure pour déficit excessif?

La France relève actuellement du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance. Le ratio de ses dépenses publiques au PIB est l’un des plus élevés de l’Union et, en dépit d’une légère baisse en 2015, reste nettement supérieur à la moyenne de la zone euro. Le plan visant à réduire les dépenses publiques de 50 milliards d’euros par rapport à la croissance tendancielle entre 2015 et 2017 dans toutes les administrations publiques, ne permettra peut-être pas de réduire significativement les dépenses publiques. Livrons nous à une rapide revue des réformes engagées.

Dans le secteur du logement, la France dépense presque deux fois plus que ses pairs européens, sans que les résultats sur le marché de l’immobilier soient sensiblement meilleurs. Il serait possible de préserver la capacité d’investissement des collectivités locales en combinant la réduction prévue des dotations de l’État avec un renforcement du contrôle de leurs dépenses, et notamment une limitation de la croissance de leurs dépenses de fonctionnement. Pour cela, il conviendrait de recenser les possibilités d’économies dans ce domaine. Une réduction de la fragmentation de l’administration territoriale, engagée avec le regroupement des régions, pourrait être poursuivie, par exemple, en encourageant la transformation des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en commune nouvelle, ce permettrait de renforcer leur efficacité  et favoriserait par là même la croissance économique.

Les dépenses de sécurité sociale représentent plus de la moitié des dépenses publiques. Le système de retraite a gagné en soutenabilité en 2015 grâce à l’accord sur les régimes de retraite complémentaires mais il pourrait rester déficitaire sur le court à moyen terme, notamment dans des conditions macroéconomiques défavorables. De plus, les réformes des retraites menées précédemment ne devraient permettre de réduire le haut niveau actuel du ratio des dépenses publiques de retraite qu’après 2025. La France s’est fixé des objectifs ambitieux pour 2016 et 2017 afin de limiter la croissance des dépenses de santé. Ces objectifs pourraient être complétés par des efforts supplémentaires visant à identifier des gains d’efficacité sur le moyen à long terme.

Des mesures ont été prises pour réduire le coût du travail et améliorer les marges bénéficiaires des entreprises, par le biais du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi de 20 milliards d’euros et de l’allègement des cotisations patronales de 10 milliards d’euros supplémentaires en vertu du pacte de responsabilité et de solidarité. La manière dont ont été conçues ces mesures, qui représentent 1,5 % du PIB et contribuent à combler l’écart de coût du travail entre la France et la moyenne de la zone euro, pourrait limiter leur efficacité. Il est prévu que ces mesures d’économies fassent l’objet d’évaluations dont les résultats appuieront la prise de décision sur leurs caractéristiques futures, afin de faire en sorte qu’elles atteignent leurs objectifs en matière d’efficacité. Ces évaluations devraient s’intéresser tout particulièrement aux effets sur la formation des salaires et sur l’emploi.

Dans le contexte actuel de chômage élevé, le coût du travail au salaire minimum risque de freiner l’emploi des personnes peu qualifiées. Le salaire minimum est élevé par rapport au salaire médian, mais son coût a été réduit par des exonérations de cotisations sociales. Une augmentation du salaire minimum entraîne une augmentation de salaire pour la plupart des catégories de travailleurs et comporte le risque de compresser les salaires vers le haut. En raison du mécanisme de revalorisation du salaire minimum, les hausses du salaire moyen et l’évolution du salaire minimum sont étroitement corrélées, ce qui retarde l’ajustement des salaires nécessaire dans une situation économique défavorable.

Les réformes menées récemment n’ont donné aux employeurs que peu de possibilités pour déroger aux accords de branche. Cela concerne tous les aspects des conditions d’emploi, notamment les salaires, le temps de travail et les conditions d’emploi et de travail, et limite la capacité des entreprises à moduler leurs effectifs en fonction de leurs besoins. À l’heure actuelle, les branches professionnelles peuvent empêcher les entreprises de déterminer, au cas par cas et après négociations avec les partenaires sociaux, les conditions de dérogation aux accords de branche en matière de temps de travail. Les dérogations aux accords de branche et aux dispositions juridiques générales sur les conditions d’emploi, par l’intermédiaire d’accords d’entreprise, pourraient être facilitées, en concertation avec les partenaires sociaux.

Au troisième trimestre 2016, le taux de chômage en France progresse de 0,1 point sur trois mois, à 9,7% en métropole, soit 2,8 millions de personnes au chômage (au sens du BIT). Un chiffre toutefois en baisse sur un an, avec 0,4 point de moins qu’au troisième trimestre 2015. Le chômage touche particulièrement les jeunes, les ressortissants de pays tiers et les travailleurs peu qualifiés. La dualité du marché du travail ne cesse d’augmenter, avec d’un côté, les travailleurs diplômés de l’enseignement supérieur embauchés en contrats à durée indéterminée et de l’autre, une proportion constante de travailleurs occupant des emplois peu qualifiés de plus en plus précaires. La part des contrats à durée déterminée de moins d’un mois dans l’emploi total a progressé et avoisinait les 70 % en 2015. Le cadre juridique régissant les contrats de travail, en particulier la législation sur le licenciement des salariés titulaires d’un contrat à durée indéterminée, est susceptible de favoriser la forte segmentation du marché du travail. La dégradation persistante de la situation sur le marché du travail met à mal la soutenabilité du système d’assurance-chômage. Le déficit devrait atteindre 4,2 milliards d’euros en 2016 et 3,6 milliards d’euros en 2017. La dette du système passerait alors de 25,8 milliards d’euros en 2015 à 30,0 milliards d’euros en 2016 et 33,6 milliards d’euros en 2017. Le calcul des allocations de chômage favorise l’enchaînement d’emplois à temps plein de courte durée, au détriment des emplois à mi-temps de longue durée, et incite les employeurs à proposer des emplois de courte durée, qui devront être complétés par le versement de prestations sociales. De plus, les caractéristiques du système d’assurance-chômage, en particulier les conditions d’éligibilité et la dégressivité des allocations de chômage, sont susceptibles de décourager le retour à l’emploi.

Le passage de l’école au monde du travail reste difficile, surtout pour les jeunes les moins qualifiés. Le recours à l’apprentissage diminue parmi les catégories les moins qualifiées, alors que les stratégies diffèrent d’une région à l’autre et que la capacité du système à s’adapter aux nouveaux besoins de l’économie est limitée. L’offre de formation pour les chômeurs, les travailleurs peu qualifiés et les salariés de PME demeure insuffisante. La réforme en cours de la formation professionnelle, notamment en ce qui concerne la gouvernance, les incitations et les services de conseil, et le nouveau plan de formation prévu pour les chômeurs doivent encore être pleinement mis en œuvre et devraient être renforcés. La coopération insuffisante entre les différents acteurs de la formation professionnelle continue empêche toute répartition efficace des ressources. Le compte d’activité personnel, en préparation, pourrait contribuer à rééquilibrer l’accès à la formation.

La France continue de se classer à un niveau moyen pour ce qui est de l’environnement des entreprises, notamment en ce qui concerne les contraintes réglementaires, pour lesquelles elle est mal classée dans les comparaisons internationales. Le programme de simplification se poursuit comme prévu, mais sa mise en œuvre est inégale, notamment pour ce qui est des mesures ciblant les entreprises, et des problèmes subsistent dans un certain nombre de domaines. Par rapport à d’autres États membres, l’économie française se caractérise par un nombre disproportionné de petites entreprises, ce qui limite leur niveau de productivité. Les initiatives prises récemment pour atténuer l’impact des critères de taille ne devraient pas avoir d’incidence significative sur la croissance des entreprises, compte tenu notamment de leur champ d’application limité et du caractère temporaire de certaines mesures. En conséquence, les effets de seuil continueront de freiner la croissance des entreprises françaises.

La concurrence dans les services s’est améliorée dans certains secteurs, mais des obstacles subsistent dans d’autres secteurs, en particulier dans les services aux entreprises, dont une grande partie n’a en effet pas été concernée par les réformes récentes, et les industries de réseau. Un certain nombre de barrières à l’entrée et de réglementations, ainsi que des tarifs, brident l’activité économique des professions réglementées et pèsent sur la productivité d’autres secteurs qui font appel à ces services. L’adoption de la loi Macron en 2015 a permis de réduire certaines contraintes mais des efforts supplémentaires s’imposent. D’autres problèmes découlent de l’application restrictive des exigences en matière d’autorisation.

La France reste à la traîne des États membres champions de l’innovation dans l’Union, malgré la générosité de l’aide publique dans ce domaine. Ces quinze dernières années ont été marquées par une multiplication et une instabilité des dispositifs publics de soutien à l’innovation, ce qui suscite des craintes quant à la coordination, la cohérence et l’efficacité générales de ces dispositifs. Cette situation nuit tout particulièrement aux PME.

Le taux des prélèvements obligatoires est l’un des plus élevés de l’Union. Sa composition n’est pas propice à la croissance économique, dans la mesure où elle pèse lourdement sur les facteurs de production mais relativement peu sur la consommation. La fiscalité des entreprises a commencé à diminuer légèrement en 2014 et la France a commencé à se rapprocher de la moyenne de l’Union en matière de fiscalité environnementale, mais les recettes de TVA restent faibles, tant dans la part du PIB qu’en pourcentage de l’imposition totale, en raison des taux bas de cet impôt, de l’application généralisée des taux réduits et du nombre élevé d’exonérations par rapport à la moyenne de l’Union européenne. Hormis la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, actuellement en cours, et la suppression de l’impôt exceptionnel sur les sociétés, des mesures concrètes doivent être prises pour atteindre l’objectif annoncé d’une réduction à 28 % du taux nominal de l’impôt sur les sociétés d’ici à 2020.

Le système fiscal est très complexe. Le nombre de taxes inefficaces, dont le rendement est nul ou faible, reste élevé et l’imposition des revenus des personnes physiques est particulièrement complexe, ce qui a un coût administratif significatif. En dépit de l’introduction de l’obligation d’évaluer et de contrôler régulièrement les dépenses fiscales dans la loi de programmation des finances publiques 2014-2019, la réduction des dépenses fiscales prévue pour 2016 est modeste après plusieurs années d’augmentation.

Dans l’ensemble, les obstacles à l’investissement privé sont limités, les principaux étant la lourdeur de la réglementation et le niveau élevé de l’impôt sur les sociétés. Le climat de l’investissement aurait tout à gagner d’une amélioration de l’environnement des entreprises, d’une réduction des impôts sur la production et sur les sociétés et d’une simplification du système fiscal. Toutes les mesures prises pour améliorer la compétitivité-coûts et hors coûts des entreprises françaises sont susceptibles d’accroître les niveaux d’investissement et d’encourager les entreprises à investir dans le capital physique et humain, en vue d’améliorer la productivité. Le potentiel de croissance à long terme est également limité par l’atonie des investissements dans les activités d’innovation.

Au regard de cette rapide revue des réformes engagées par la France, il apparait nécessaire de poursuivre les efforts et sans doute même de changer de braquet.

Pour en savoir davantage:

Recommandations du Conseil de l’Union européenne à la France


Le déficit public se réduit mais le poids de la dette publique dans le PIB augmente

Selon l’INSEE,  le déficit public au sens de Maastricht s’établit à 77,5 milliards d’euros en 2015, soit 3,6 % du produit intérieur brut (PIB). Il se réduit de 7,3 milliards d’euros par rapport à 2014 du fait d’une hausse des recettes plus forte que celle des dépenses. En part de PIB, les recettes augmentent de 0,1 point et les dépenses diminuent de 0,3 point. Le déficit se résorbe pour les administrations publiques locales et se contracte légèrement pour l’État et les administrations de sécurité sociale. Le taux de prélèvements obligatoires s’établit à 44,7 % du PIB, en recul de 0,1 point. Le poids de la dette publique dans le PIB augmente de 0,8 point et atteint 96,1 %.
Le solde des administrations publiques locales s’améliore en 2015 de 5,3 milliards d’euros (figure), pour atteindre un excédent de 0,7 milliard, après un besoin de financement de 4,6 milliards en 2014. Les dépenses diminuent de 1,3 %, après une hausse de 0,2 % en 2014, tandis que les recettes ralentissent (+ 0,8 % après + 1,7 %).

Du côté des dépenses, l’investissement local recule à nouveau fortement, en raison notamment du cycle électoral communal (– 10,0 % après – 8,4 % en 2014). Les consommations intermédiaires diminuent de 1,0 % (après – 0,1 % en 2014) dans un contexte d’inflation nulle. Ces deux postes sont notamment affectés par la baisse des transferts de l’État. Par ailleurs, les rémunérations ralentissent en 2015 (+ 2,1 % après + 3,7 %) après une année 2014 marquée par la hausse des contributions sociales employeur à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, ainsi que des mesures catégorielles. Les charges d’intérêt se replient en raison de la baisse des taux d’intérêt (– 3,0 % après + 1,4 % en 2014). Les dépenses de prestations et de transferts sociaux décélèrent (+ 3,0 % après + 4,5 % en 2014).

Du côté des recettes, les prélèvements obligatoires des Apul augmentent de 5,4 milliards d’euros. Les hausses de taux votées par les collectivités sur les impôts directs locaux y participent pour près d’un milliard et s’ajoutent aux effets de la revalorisation et de l’élargissement des bases. Par ailleurs, le dynamisme des transactions immobilières en fin d’année, ainsi que la hausse de taux appliquée dans certains départements, a conduit à un accroissement de 1,5 milliard d’euros des recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO). S’agissant des transferts reçus de l’État, la dotation globale de fonctionnement baisse de 3,5 milliards d’euros en 2015, après déjà – 1,4 milliard en 2014.

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Quelle stratégie budgétaire pour la France ?

La stratégie de finances publiques de la France vise, grâce à un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur la période 2015-2017, à dégager des marges de manœuvre permettant, d’une part, de réduire les déficits, tout en finançant les priorités du Gouvernement, et, d’autre part, de consolider la reprise de la croissance par des baisses d’impôts et de cotisations pour les ménages et les entreprises. Son objectif est de renforcer la soutenabilité des finances publiques en résorbant le poids de l’endettement et de répondre aux engagements européens en revenant sous le seuil des 3% du PIB de déficit public en 2017, à un rythme compatible avec la reprise de l’activité.

Cette stratégie a été explicitée, s’agissant du plan d’économies comme du Pacte de responsabilité et de solidarité, dans le Programme de stabilité d’avril 2014, et déclinée dans les textes financiers adoptés depuis lors. Le Gouvernement entend ainsi démontrer sa capacité à prendre les mesures nécessaires pour assurer une exécution conforme aux plans initiaux, et même meilleure, dans un contexte qui est pourtant défavorable aux finances publiques, compte tenu notamment du faible niveau d’inflation. En 2014, la dépense a ainsi cru à un rythme historiquement bas, à 0,9 % en valeur, hors crédits d’impôt, contre 3,6% en moyenne entre 2002 et 2012. En outre, afin de tenir ces engagements, 4 Md€ d’économies complémentaires en 2015 puis 5 Md€ de plus en 2016 ont été décidées à l’occasion du Programme de stabilité d’avril 2015.

Fin 2015, la quasi-totalité des mesures d’économies prévues dans le cadre du plan d’économies à 50 Md€ avait d’ores et déjà été votée en lois financières, notamment dans le cadre du vote de la loi de finances initiale pour 2016 ou a fait l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux (Agirc-Arrco).

S’agissant des économies prévues en 2016, L’Etat et ses agences en assumeront 4,9 Md€. Une nouvelle diminution des dotations de l’État aux collectivités locales, pour 3,5 Md€, conjuguée à un abaissement de l’ objectif d’évolution de la dépense locale (ODEDEL) à 1,2 % sur le total de leurs dépenses, induira un effort accru de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement (avec un objectif de baisse de 1,6 %). Cet outil de pilotage indicatif de la dépense locale a été créé par l’article 11 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour la période 2014-2019.  Il dispose que « les collectivités territoriales contribuent à l’effort de redressement des finances publiques, selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées. Il est institué un objectif d’évolution de la dépense publique locale, exprimé en pourcentage d’évolution annuelle et à périmètre constant ». Pour que cet objectif soit réalisé, l’accompagnement des collectivités locales est poursuivi avec la mise en oeuvre, depuis le 1er janvier 2016, de la réforme de l’organisation territoriale. Celle-ci vise à réaliser des économies d’échelle par la mutualisation des moyens. La trajectoire des administrations de sécurité sociale repose, quant à elle, sur un nouveau ralentissement de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), qui passe de 2,0 % à 1,75 %, alors même que sa croissance tendancielle est de 3,6 % (soit 3,4 Md€ d’économies). L’ODEDEL et l’ONDAM deviennent ainsi progressivement, aux cotés de la loi de finance de l’Etat, les principaux instruments de maîtrise des dépenses publiques en France.

En 2017, le plan d’économies se poursuivra à hauteur de 15,6 Md€, dont 5,3 Md€ pour l’Etat et ses opérateurs. La norme de dépense de l’Etat hors dette et pensions, dont la tenue a toujours été assurée depuis sa création, sera encore abaissée. La réduction des concours aux collectivités locales de 3,7 Md€ se poursuivra et la réappropriation par celle-ci de l’ODEDEL fera l’objet d’un accompagnement renforcé. Concernant les administrations de sécurité sociale, l’ONDAM maintenu à 1,75 % permettra encore de réaliser environ 3,4 Md€ d’économies par rapport à la tendance tandis que les autres mesures d’économies dans le champ de la protection sociale représenteraient 3,1 Md€. En particulier, les réformes d’ores et déjà actées du cumul emploi-retraite ainsi que le décalage de revalorisation des pensions d’avril à octobre continueront à générer des économies, de même que l’accord Agirc-Arrco signé le 30 octobre 2015 qui montera en charge. En outre, la nouvelle convention d’assurance chômage négociée en 2016 devrait apporter une économie supplémentaire de 0,8 Md€ en 2017. Il convient également de noter que l’accord Agirc-Arrco intègre notamment des mesures de nature à influer sur les comportements de départ en retraite, de sorte que le solde des régimes complémentaires de retraite devrait s’améliorer de 6,1 Md€ à horizon 2020. Les effets induits sur le régime de base devraient en outre majorer ce rendement.

La trajectoire du projet de plan budgétaire a été construite sur une hypothèse de croissance de 1,0 % en 2015, qualifiée de « prudente » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis relatif au PLFR, et de 1,5 % en 2016, qualifiée d’ « atteignable » par le HCFP (avis relatif au PLF 2016). Depuis, le chiffre de croissance du troisième trimestre 2015 est ressorti à 0,3 %. La prévision de croissance sur laquelle le budget 2015 avait été construit est ainsi atteinte au bout de trois trimestres, et la croissance pourrait dépasser 1,0%, comme l’estiment l’Insee, le FMI ou la Commission. Les derniers développements économiques apparaissent ainsi confirmer le réalisme du cadrage économique retenu par le Gouvernement.

Cette stratégie dans la gestion budgétaire permet de financer les priorités du Gouvernement. A la suite des attentats survenus à Paris le 13 novembre, des dépenses supplémentaires ont ainsi été engagées au titre du renforcement des moyens de sécurité et de défense. Elles représenteront 750 M€ de crédits supplémentaires en 2016 (hors charges de retraite) et un montant supérieur en 2017, par rapport à la LPFP.  Par ailleurs, les montants nécessaires au financement du plan européen d’assistance humanitaire aux réfugiés en Turquie ont été pris en compte.

Ces dépenses supplémentaires ne remettent cependant pas en cause les objectifs de déficit public fixés par la recommandation du Conseil européen de mars 2015 puisque la loi de finances initiale (LFI) pour 2016 maintient une cible de déficit de 3,3 % du PIB, cette cible permettant de ménager une marge par rapport à la recommandation du Conseil pour cette année.

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La stratégie d’assainissement budgétaire de la France passe par le secteur public local

Selon la Commission européenne, la stratégie d’assainissement budgétaire de la France mise davantage sur une réduction générale des dépenses que sur une stratégie ciblée visant à permettre des gains d’efficacité, en particulier au sein du secteur public local. Elle invite en conséquence les pouvoirs publics à se montrer plus exigeants vis-à-vis des collectivités territoriales.

Un document de travail des services de la Commission publié le 26 février 2016 rappelle  le  rôle important des administrations publiques locales françaises dans les dépenses nationales consacrées aux affaires économiques et au logement, ainsi qu’aux loisirs et à la culture. Leurs dépenses ont représenté 11,9 % du PIB en 2013 en France. Sur la période 2003-2013, les dépenses au niveau local ont crû de 1,8 point de pourcentage (pp) du PIB, augmentation due pour la moitié à une hausse des dépenses de protection sociale.

Par rapport à la moyenne de la zone euro, les dépenses des administrations publiques locales françaises sont supérieures d’environ 1,5 pp du PIB, mais leur part dans les dépenses publiques totales est comparable (20 %). Néanmoins, les compétences des autorités locales peuvent fortement différer d’un pays à l’autre. En France, les principales catégories de dépenses sont les affaires économiques, la protection sociale et les services généraux des administrations publiques. Les administrations publiques locales françaises dépensent plus que la moyenne de la zone euro dans les domaines des affaires économiques, du logement et des équipements collectifs ainsi que des loisirs et de la culture, mais considérablement moins dans le domaine de la santé.

La hausse des dépenses des collectivités locales s’explique en partie par la décentralisation de 1980 et en partie par la structure des administrations locales en France. La hausse de 3,3 pp du PIB affichée par les dépenses des collectivités locales entre 1983 et 2013 peut s’expliquer[1], jusqu’à 60 %, par le transfert des compétences entre l’État et le niveau local, notamment en ce qui concerne la protection sociale. Les 40 % restants sont le fait des collectivités locales, dont le nombre de fonctionnaires a connu une augmentation sans mesure avec les compétences qui leur ont été transférées. Le nombre et la diversité des niveaux infranationaux de gouvernement (État, 22 régions jusqu’en 2015, 101 départements, plus de 36 000 municipalités) sont toutefois supérieurs à ceux des autres pays de l’UE, ce qui crée un risque d’inefficience dû à la duplication de certaines fonctions.

Selon les auteurs de cette étude, les dépenses des collectivités locales ne sont pas efficientes. Ils citent à cet égard une étude sur l’efficience des dépenses des départements français selon laquelle celles-ci seraient perfectibles[2]. Le Gouvernement a pris des mesures pour optimiser les activités des collectivités locales, au moyen de la réforme territoriale lancée en 2014 et menée en trois étapes[3] ; le nombre des collectivités locales a ainsi été rationalisé dans une certaine mesure, et le chevauchement de certaines fonctions, limité. À titre d’exemple, la clause de compétence générale a été abolie pour les départements et les régions (mais pas pour les autres collectivités territoriales). La mise en œuvre de cette réforme est maintenant déterminante pour recueillir les gains d’efficience envisagés. Par ailleurs, des mesures ont été prises pour rationaliser les fonctions administratives et fusionner des regroupements de communes et des régions (dont le nombre a été ramené de 22 à 13 en 2016).

Une nouvelle norme indicative de dépenses pour les collectivités locales, bien que non contraignante, complète depuis peu la réglementation existante applicable aux dépenses des collectivités locales. L’objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODEDEL), introduit par la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour la période 2014-2019, vise à devenir un instrument puissant pour orienter les dépenses au niveau local, en particulier parce qu’à partir de 2016, l’objectif général pour les collectivités locales sera lui-même décliné en objectifs fixés pour les régions, les départements et les municipalités. Cette norme de dépenses complète la contribution des collectivités locales au plan national d’économies de 50 milliards d’EUR sur la période 2015-2017, qui se traduira par une réduction de 10,7 milliards d’EUR des transferts de l’État vers les collectivités locales au cours de la même période. Cette diminution des transferts de l’État modifie les schémas de dépenses des collectivités locales, en particulier en ce qui concerne les investissements (comme en témoigne le recul des investissements au niveau local en 2014, plus marqué que ce que le cycle électoral aurait normalement induit). Par ailleurs, les collectivités locales ne pourront pas creuser leur dette pour compenser la raréfaction des ressources, puisqu’elles ne peuvent emprunter que pour financer des investissements, ce à quoi veillent les chambres régionales et territoriales des comptes.

La baisse des concours financiers de l’Etat aux collectivités locales a cependant donné lieu à une mobilisation générale des élus locaux, dont une journée nationale d’action le 19 septembre dernier organisée par l’Association des maires de France (AMF), durant laquelle les élus étaient appelés à sensibiliser leurs administrés sur les conséquences possibles de la baisse des dotations, parmi lesquelles étaient avancées : une remise en cause du niveau des services, des coupes dans les subventions aux associations locales, une augmentation des impôts locaux, une diminution des investissements avec à la clé des menaces sur l’emploi, notamment dans le secteur des travaux publics.

Dans ce contexte,  la préparation du 99e Congrès des maires de France qui a lieu du 31 mai au 2 juin s’annonce particulièrement délicate pour le Gouvernement.

[1] Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique: France: Une perspective internationale sur la Révision générale des politiques publiques, Éditions OCDE, 2012.

[2] Seifert, S., et Nieswand, M., What Drives Intermediate Local Governments’ Spending Efficiency: The Case of French Départements, Local Government Studies, Vol. 40(5), pp. 766-790.

[3] MAPTAM, nouvelle carte des régions et loi NOTRe.