Dispositions en matière d’âge de départ en retraite pour les magistrats de CRTC
La survenance de la limite d’âge d’un fonctionnaire ou, le cas échéant, l’expiration du délai de prolongation d’activité au-delà de cette limite, telle qu’elle est déterminée par les textes en vigueur, entraîne de plein droit la rupture du lien de cet agent avec le service. Le principe – qui ménage donc expressément l’existence d’exceptions – est clairement établi et la jurisprudence veille à son application rigoureuse, en rappelant que « la survenance de la limite d’âge entraîne de plein droit la rupture du lien avec le service » (Conseil d’État, 3 février 1956, Sieur de Fontbonne) et, en conséquence, la radiation des cadres du fonctionnaire concerné.
Loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur
Article 1
Sous réserve des reculs de limite d’âge pouvant résulter des textes applicables à l’ensemble des agents de l’Etat, la limite d’âge des fonctionnaires civils de l’Etat est fixée à soixante-sept ans lorsqu’elle était, avant l’intervention de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, fixée à soixante-cinq ans.
Toutefois, reste fixée à soixante-huit ans la limite d’âge du vice-président du Conseil d’Etat, du premier président et du procureur général de la Cour des comptes (le Premier président de la Cour de cassation et le procureur général dans l’ordre judiciaire).
Loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d’âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l’Etat
Article 1
Les membres du Conseil d’Etat, les magistrats de la Cour des comptes et les membres de l’inspection générale des finances, lorsqu’ils atteignent l’âge limite résultant de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, sont, sur leur demande, maintenus en activité, en surnombre, jusqu’à ce qu’ils atteignent la limite d’âge qui était en vigueur avant l’intervention de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 précitée pour exercer respectivement les fonctions de conseiller d’Etat, de conseiller maître à la Cour des comptes ou, s’ils n’ont pas atteint ce dernier grade, celles de conseiller référendaire et d’inspecteur général des finances.
Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites
Article 69
Sous réserve des droits au recul des limites d’âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu’ils atteignent les limites d’âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l’intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité.
La prolongation d’activité prévue à l’alinéa précédent ne peut avoir pour effet de maintenir le fonctionnaire concerné en activité au-delà de la durée des services liquidables prévue à l’article L. 13 du même code ni au-delà d’une durée de dix trimestres.
Cette prolongation d’activité est prise en compte au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension.
Q1 Les dispositions applicables aux magistrats de la Cour sont-elles applicables aux magistrats de CRC ?
Les dispositions générales pour tout fonctionnaire oui. Le bénéfice de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986, non[2].
Proposition SJFu : harmonisation de ces dispositions
Q2- quelle décision pour la prolongation d’activité ?
La même référence à l’article 1er-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 pour les magistrats de la Cour et les magistrats de CRC. Mais pour les magistrats de la Cour, un décret (cf exemple ci-dessous) et pour les magistrats de CRC, un arrêté[3].
Exemple
Par décret du Président de la République en date du 4 décembre 2015, M. Jean-Marie SEPULCHRE, conseiller maître à la Cour des comptes, est, sur sa demande, autorisé à prolonger son activité dans les conditions fixées par l’article 1er-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 modifiée relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, pour la période du 2 mars 2016 au 1er septembre 2018 inclus.
Q3- la décision est-elle automatique ?
– Décision N°08PA01070 de la Cour Administrative d’Appel de Paris du 17 mars 2009 indiquant que le maintien en activité d’un fonctionnaire au delà de la limite d’âge du corps auquel il appartient ne constitue pas un droit mais une faculté laissée à l’appréciation de l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, eu égard à l’intérêt du service.
– Arrêt N°15NT00951 de la Cour Administrative d’Appel de Nantes du 2 juin 2016 précisant qu’un agent de la fonction publique qui souhaite prolonger son activité après la limite d’âge doit en faire la demande avec accusé de réception à son employeur public au plus tard 6 mois avant la survenance de la limite d’âge. A défaut, cette demande de prolongation d’activité peut lui être légalement refusée par son administration.
Q4: pourquoi le CS n’est–il pas saisi de cette décision de report de l’âge en retraite et maintien en activité ?
En partie, parce que le champ de compétences du conseil supérieur des CRTC n’est pas le même que celui du conseil supérieur de la Cour. Il ne couvre que les décisions d’avancement de grade, ou de mutation.
Art. L. 212-16 du CJF.
Il est institué un Conseil supérieur des chambres régionales des comptes. Ce conseil établit le tableau d’avancement de grade des membres du corps des chambres régionales des comptes et « la liste d’aptitude de ces membres à l’emploi de président de chambre régionale des comptes et de vice-président de chambre régionale des comptes.8 Il donne un avis sur toute mutation d’un magistrat, sur les propositions de nomination à l’emploi de président de chambre régionale des comptes et de vice-président de chambre régionale des comptes 9 ainsi que sur les propositions de nomination prévues au troisième alinéa de l’article L. 122-2 et au deuxième alinéa de l’article L. 122-5.10 Tout projet de modification du statut défini par le présent code est soumis pour avis au Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.
Ce conseil est également consulté sur toute question relative à l’organisation, au fonctionnement ou à la compétence des chambres régionales.
Article L. 112-8 du CJF
Le conseil donne un avis sur les mesures individuelles concernant la situation et l’avancement des magistrats de la Cour des comptes, à l’exception des propositions de nomination des présidents de chambre. De même, il donne un avis sur les propositions de nomination aux emplois de président de chambre régionale des comptes et de vice-président de chambre régionale des comptes 2 ainsi que sur les propositions de nomination des premiers conseillers et des présidents de section de chambre régionale des comptes au grade de conseiller référendaire ou de conseiller maître.
Proposition SJFu : harmonisation de ces dispositions
Q5 : ces décisions ont-elles un impact sur la gestion du corps, et des déroulés de carrière ?
Oui, dans la mesure où les présidents de section maintenus en activité au-delà de l’âge légal de départ en retraite occupent des postes pouvant revenir à d’autres collègues.
Selon le décompte effectué par Jean-Luc Girardi, Actuellement, il n’y a plus que 3 PS maintenus. Mais, étant donné la démographie du corps, et les tendances actuelles[4], il est probable que d’autres feront une demande.
En outre, du fait des contingentements de 20 % pour le 1er échelon spécial des PS[5], et à 25% au 2ème échelon[6], prévus par l’article R.224-3-1 du CJF et l’arrêté du 7 mai 2012, le maintien en activité de ces PS souvent arrivés à des niveaux élevés en termes de déroulé de carrière, bloque également l’avancement des collègues.
Proposition SJFu : intégrer dans la réflexion à ouvrir sur le nombre de grades 3 au sein du corps des magistrats de CRC cette question des présidents de section maintenus, et demander l’alignement sur le régime du corps des magistrats de la Cour[7] : maintien en activité en surnombre. Existe également dans l’ordre judiciaire.
[1] Exemple, par arrêté du Premier ministre en date du 25 mai 2016, M. M. S., président de section de chambre régionale des comptes, est autorisé à prolonger son activité pour la période du 23 novembre 2016 au 23 mai 2019 inclus au titre des dispositions de l’article 1er-1 de la loi du 13 septembre 1984 modifiée relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public.
[2] Pour Grégory BROUSSAUD, le terme « présidents de section maintenus » [2], utilisé dans le corps des magistrats de la Cour (pour des magistrats ayant fait valoir leurs droits à la retraite mais maintenus en activité), ne s’applique pas au corps des magistrats de CRC.
[3] Pour B. V., il n’y a pas eu d’arrêté au motif qu’il a fait joué la clause sur les 3 enfants à charge. Il reste cependant à vérifier la validité sur le plan juridique de cette absence de décision individuelle.
[4] Report depuis la réforme des retraites de 2010 de l’âge –effectif- du départ en retraite dans la fonction publique. L’âge moyen de départ a augmenté de plus de trois ans en dix ans dans la fonction publique, passant de 57,8 ans en 2004 à 60,9 ans en 2014 (réunion du COR du 2/12/2015)
[5] Article 2 Le pourcentage mentionné au II de l’article R. 224-3-1 du code des juridictions financières pour l’accès au premier échelon spécial du grade de président de section est fixé à 7 % au titre de l’année 2012, à 12 % au titre de l’année 2013, à 15 % au titre de l’année 2014 et à 20 % à compter de l’année 2015.
[6] Article 3 Le pourcentage mentionné au III de l’article R. 224-3-1 du code des juridictions financières pour l’accès au deuxième échelon spécial du grade de président de section est fixé à 25 %.
[7] Article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d’âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l’État.