Le CICE n’aurait pas favorisé l’emploi selon le LIEPP
Selon Clément Carbonnier, co-directeur de l’axe “Politiques socio-fiscales” du Laboratoire Interdisciplinaire d’Évaluation des Politiques Publiques (LIEPP), rattaché à Sciences Po, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) n’aurait pas, pour l’instant, été créateur d’emplois. Il avait pour objectif de doper la compétitivité des entreprises françaises.
Comment avez-vous évalué l’impact du CICE ?
France Stratégie nous a demandé d’évaluer l’impact du CICE, dont le coeur du dispositif prévoit de rembourser 6 % de la masse salariale en ciblant les salaires jusqu’à 2,5 fois le smic. L’évaluation combine deux méthodologies issues de la sociologie économique d’une part, et de l’économie quantitative d’autre part. Ce type de dialogue étant assez peu mené en sciences sociales, cette évaluation du LIEPP est un objet scientifique unique. De plus, les conclusions des deux approches se recoupent largement ce qui assoit leur crédibilité.
Quelles sont vos conclusions ?
Avec l’analyse qualitative, nous nous sommes entretenus avec des décisionnaires d’entreprise sur la façon dont ils se sont appropriés le dispositif. Il s’avère qu’ils n’ont pas eu pleinement conscience que ce crédit d’impôt pouvait réduire le coût du travail. Ils ont également douté de la pérennité du dispositif. Sur la partie quantitative, nous avons évalué cinq critères : les exportations, les investissements, l’emploi, les résultats nets des entreprises et les salaires. Notre analyse nous a permis de conclure que le CICE n’a pas eu d’impact sur l’investissement, l’emploi et les exportations. En revanche, il a eu un impact positif sur les salaires, surtout sur ceux des cadres et des professions intellectuelles supérieures, et sur les résultats nets des entreprises.
Il n’y a donc pas eu le même impact sur toutes les catégories de salariés. Pourquoi ?
Nous trouvons un impact plus fort sur le salaire des cadres et des professions intellectuelles supérieures. Nous formulons l’hypothèse qu’elles ont un plus fort pouvoir de négociation que les employés ou les ouvriers. Les premières catégories peuvent bénéficier davantage de ce qu’on appelle les accessoires de salaires, comme les primes.
Vos conclusions ne sont pas intégrées au rapport final.
France Stratégie les reprend en partie. Notamment sur les résultats nets des entreprises, sur les exportations, et les investissements. Mais effectivement, pas sur l’emploi ni sur les salaires. J’ai du mal à comprendre l’argument scientifique pour écarter nos résultats. France Stratégie privilégie les conclusions des équipes de recherche d’un autre laboratoire, Travail, emploi et politiques publiques (TEPP), mais nos méthodologies diffèrent.
C’est-à-dire ?
Notre principe, celui du LIEPP, est de comparer les entreprises qui sont les plus similaires possibles. De son côté, TEPP a comparé des entreprises aux profils bien distincts qui ont reçu des montants très différents de CICE. Les trajectoires avant même le CICE n’étant pas les mêmes, leur comparaison après réception du CICE est sujette à caution.
Pour en savoir davantage:
- Laboratoire Interdisciplinaire d’Evaluation des Politiques Publiques (LIEPP) de Sciences Po
- Un policy brief résumant les résultats du LIEPP est disponible sur le site internet du LIEPP
- Le rapport du LIEPP est disponible sur le site internet de France Stratégie
- L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), a également participé à l’étude. Lire son rapport d’évaluation sur l’impact du CICE pour France Stratégie