L’appel de la haute fonction publique de l’État aux candidats
Pierre Laberrondo a publié un article intitulé « Exclusif : l’appel de la haute fonction publique de l’État aux candidats » dans Acteurs publics daté du 13 mars 2017.
15 organisations de hauts fonctionnaires de l’État esquissent, dans un document présenté à Acteurs publics, plusieurs pistes de réforme : reconnaissance d’une véritable catégorie A +, renforcement de la coordination de l’encadrement supérieur et revalorisation de la rémunération.
La manœuvre est étroite. Le discret G16, groupement des organisations de la haute fonction publique de l’État (15 organisations aujourd’hui, représentant les corps généralistes et techniques, voir la composition dans l’encadré ci-après), n’entend pas rester absent de la campagne présidentielle. Dans un document présenté fin février à Acteurs publics, cette organisation esquisse plusieurs pistes de réforme pour la haute fonction publique en reprenant des mots d’ordre déjà anciens mais en formulant aussi des propositions nouvelles [cliquez ici pour consulter le document]. “C’est la première fois que nous allons aussi loin dans nos propositions”, dit l’un de ses membres. Le diagnostic est sévère.
“La haute fonction publique connaît depuis environ trente-cinq ans un malaise croissant, auquel il n’a pas été apporté de réponses appropriées”, juge le G16 en listant certains maux : pas de visibilité à moyen terme, pas de gestion moderne par l’État de ses cadres supérieurs, qu’il sous-rémunère par ailleurs. “Les meilleurs étudiants et les jeunes hauts fonctionnaires perdent confiance dans leur avenir au sein de l’État et sont de plus en plus attirés vers d’autres employeurs”, analyse le G16 en relevant par exemple des démissions de plus en plus nombreuses en début de carrière et même en cours de formation.
Des A + noyés dans la masse
Pour avancer, cette “fédération” suggère d’abord une vraie reconnaissance de la haute fonction publique, actuellement non définie juridiquement, à travers la création par la loi d’une véritable “catégorie A +”. Une émancipation de l’imposante catégorie A, qui pèse à elle seule 55,1 % des effectifs de la fonction publique de l’État en comptant les enseignants, et 28,7 % sans ces derniers. À l’intérieur de la catégorie A, les A + (12 000 personnes selon le G16, soit 0,8 % de l’ensemble) sont un peu “noyés” dans la masse aujourd’hui. “Quand on parle du A, on ne parle pas du A +”, résume le président du G16, Jean Poulit.
L’idée serait de définir un niveau de recrutement homogène et une “structure de carrière commune aux filières administrative et technique. Cela permettrait de garantir une certaine diversité tout en proposant l’acquisition de compétences professionnelles de base et une gestion des carrières assurant une réelle mobilité”, indique le document.
Toutefois, l’ambition juridique ne va pas jusqu’à proposer une nouvelle politique de fusion de corps au sommet, par exemple en fonction de grandes expertises “métier” (toute la difficulté resterait alors de définir lesquelles). Le passé n’incite pas forcément ces organisations – qui n’ont de toute façon pas les mêmes intérêts – à aller dans ce sens.
Meilleure coordination
Le cas de la dernière grande opération de fusion (la création en 2009 du corps des ingénieurs des Ponts, des eaux et des forêts, ou Ipef) a en effet laissé un goût amer. Le compromis de l’époque, qui consistait à accepter une fusion contre la promesse d’une gestion plus fluide, réellement transversale, susceptible de lever des blocages RH, n’a pas vraiment été respecté. Les deux principaux employeurs – les ministères de l’Agriculture et de l’Écologie – ne sont pas parvenus à dépasser les écueils d’un mode de pilotage bicéphale lesté de contraintes inhérentes à cette forme d’organisation.
Le pilotage reste justement l’un des grands sujets de préoccupation du G16, qui réaffirme un objectif déjà ancien : coordonner davantage le pilotage de l’encadrement supérieur sans verser dans le mythe d’une gestion centralisée. Un peu sur le modèle de la Mission cadres dirigeants de l’État basée à Matignon, qui suit le “top” du A + nommé en Conseil des ministres, le G16 souhaite la création d’une structure de coordination interministérielle placée auprès du Premier ministre, “bien plus largement dimensionnée que la Mission cadres dirigeants actuelle”.
Cette entité aurait vocation à constituer un réseau auquel les quelque 12 000 hauts fonctionnaires pourraient se référer pour identifier les postes à pourvoir susceptibles de les intéresser. Cette structure pourrait disposer d’un “vivier” de hauts fonctionnaires pour susciter des candidatures correspondant aux profils recherchés par l’administration et “fonctionnerait en synergie” avec les cellules de gestion de chaque corps. Avec évidemment des moyens conséquents…
Écrasement de la hiérarchie salariale
Dans les grands groupes privés, il existe un “gestionnaire des ressources humaines” pour 100 cadres de haut niveau, argumente le G16. “Si un tel ratio était appliqué à la seule haute fonction publique d’intervention, 120 managers des ressources humaines seraient en charge de la gestion individualisée des carrières de 12 000 hauts fonctionnaires, dans le cadre d’un échange harmonisé entre le niveau central et le niveau de chaque corps, développe le groupement dans son argumentaire. En fait, la situation actuelle est très éloignée de ce décompte et une des conséquences en est que les fins de carrière des hauts fonctionnaires sont souvent mal organisées et mal utilisées.”
À côté de ces mesures organisationnelles, le G16 n’oublie évidemment pas la question des rémunérations avec, là aussi, le désir de réaffirmer la spécificité de la catégorie A +. “L’écrasement de la hiérarchie des rémunérations entre les cadres A + et les cadres A est extrêmement significatif”, juge cette fédération en relevant que le rapport entre l’indice terminal des corps d’ingénieurs de catégorie A + et des corps d’ingénieurs des travaux (ingénieur général versus ingénieur divisionnaire) était en 1980 de 2 et en 2006, de 1,6.
En comparant le traitement indiciaire brut d’un haut fonctionnaire classé en “hors échelle E2” en 1980 et en 2012, et le niveau de rémunération d’un agent rémunéré au Smic, le G16 observe que la hiérarchie salariale a été divisée par près de deux (on passe de 8 à 4,28) et demande en conséquence des revalorisations. Tout un programme…
Qui fait partie du G16 ?
Union syndicale des administrateurs civils – Confédération amicale des ingénieurs de l’armement – Association des membres du Conseil d’état – Association des magistrats et anciens magistrats de la Cour des comptes – Association des membres et anciens membres de l’inspection générale des Finances – Syndicat national des administrateurs et des inspecteurs généraux de l’Insee – Syndicat des membres de l’inspection générale de l’Administration – Syndicat des membres de l’inspection générale des Affaires sociales – Syndicat de la juridiction administrative – Syndicat des juridictions financières – Syndicat des ingénieurs du corps des Mines – Union des ingénieurs des Ponts, des eaux et des forêts – Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur – Association des anciens élèves de l’École nationale d’administration – Fédération des grands corps techniques de l’État.