Le Procureur général relève une carence de programmation de la FIJ « certification des comptes des collectivités territoriales »
L’inscription à l’ordre du jour de la conférence de programmation du 17 mars des travaux de la formation inter-juridictions (FIJ) « certification des comptes des collectivités territoriales » a conduit le Procureur général à attirer à nouveau l’attentiondes participants, par une note datée du 13 mars, sur ce qui lui paraît être, en l’ état, une carence de programmation.
Après avoir constaté que l’arrêté du 6 décembre 2016 fixant le champ de compétence de la FIJ limite celui-ci à la certification proprement dite, le Procureur général relève que :
- la certification ne concernera, au plus, qu’une minorité de collectivités territoriales ;
- le contenu des travaux plus généraux à mener par les chambres régionales des comptes en matière de qualité et de sincérité des comptes publics locaux doit, lui aussi, être précisé, notamment dans la perspective de l’assurance que nous devons donner au Parlement, en vertu de l’article L. 1 11-3-1 A du code des juridictions financières, de la qualité des comptes des administrations publiques.
Le Procureur général estime que l’on ne peut effectuer des travaux efficients en poursuivant une activité qui sera définie à l’issue de l’expérimentation, la certification, et une autre qui ne le sera pas, à savoir le contrôle plus général de la qualité et de la sincérité des comptes publics locaux dans l’exercice des missions traditionnelles des chambres (examen de la gestion, jugement des comptes, avis budgétaire).
Il constate, par ailleurs, au lu du projet de guide d’audit de l’expérimentation de la certification des comptes locaux que l’état des lieux est à faire ; tout ce que font effectivement aujourd’hui les chambres régionales en matière de qualité des comptes publics locaux est mal connu, a fortiori ce qu’elles gagneraient à développer.
La nécessité de définir les deux activités a fait l’objet d’un échange positif à la conférence de programmation du 10 novembre 2016. Aussi a-t-il proposé dans son avis du 1 er décembre 2016 des modifications du projet d’arrêté instituant la FIJ qui permettent de confier la définition des deux activités à cette formation commune.
Ces modifications n’ont en l’état pas été retenues.
Selon lui, le maintien de la situation actuelle, à savoir une activité définie et l’autre qui ne le serait pas, emporte deux sortes de conséquences :
- Il y a rupture entre :
- d’une part, les administrations publiques certifiées obligatoirement (par la Cour elle-même, les CAC demain peut-être les chambres régionales, ou encore celles relevant de l’article L. 132-6 du code), pour lesquelles un avis éclairé sur la qualité des comptes peut être émis par la Cour (même si la certification, dont l’objet est par définition limité, ne couvre pas tous les aspects qu’on peut attendre d’un tel avis) ;
- d’autre part, les administrations non certifiées obligatoirement pour lesquelles il sera, en l’absence d’autre travail précis des chambres sur la qualité des comptes, très délicat de rendre un avis éclairé ; s’assurer que les comptes sont réguliers et sincères (article L. 111-3-1 A) est factice tant que le contenu des contrôles à conduire n’est pas défini.
Le Procureur général estime que la démonstration de l’apport de la certification par rapport à l’activité précitée de contrôle de la qualité des comptes, essentielle pour mesurer le coût et les avantages d’une éventuelle extension de l’obligation de certification, se trouverait alors totalement biaisée.
- Au-delà de ce fait existe le risque que l’activité non définie soit progressivement chassée du marché par l’activité définie. Sur le plan de la communication par exemple, l’activité définie l’emportera aisément.
Aussi lui paraît-il indispensable de lever les ambiguïtés de la programmation de nos travaux en ce domaine, soit en confiant ce travail d’ensemble à la FIJ créée par l’arrêté du 6 décembre 2016, soit en confiant la définition du contenu du contrôle de la qualité et de la sincérité des comptes publics locaux à une autre formation, avec laquelle la FIJ en charge de la seule certification devrait étroitement s’articuler.
Le Premier président estime au contraire que les conditions sont réunies pour que cheminent de façon coordonnée cette expérimentation, centrée sur un petit nombre de collectivités, et la contribution des juridictions financières à l’amélioration de la qualité des comptes de l’ensemble des administrations publiques locales.
Dans une réponse datée du 15 mars, notre chef de corps rappelle qu’en application de l’article 1 10 de la loi NOTRe du 7 août 2015, le Parlement a chargé la Cour des comptes de conduire, en liaison avec les chambres régionales des comptes, une expérimentation de dispositifs destinés à assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements. Selon les termes de la loi, « cette expérimentation doit permettre d’établir les conditions préalables et nécessaires à la certification des comptes du secteur public local ». Telle est la mission confiée à la formation commune qui a été créée par son arrêté du 6 décembre 2016.
Le Premier président réaffirme le programme de travail de cette formation inter-juridictions en 2017: elle conduira d’abord, dans chacune des 25 collectivités expérimentatrices, un diagnostic global d’entrée qui doit porter notamment sur l’organisation comptable et financière de l’entité, les processus de gestion ayant une incidence significative sur les comptes, le système d’information financière et l’efficacité du contrôle interne. A cette fin, lors de sa première séance du 7 mars dernier, elle a adopté deux documents à l’intention des équipes, composées de magistrats, vérificateurs et experts, qui seront diligentées dans les collectivités. Elle a eu connaissance à cette occasion des conclusions du Procureur général qui ont pu éclairer la collégialité. Elle en a tiré, comme cela revient à la formation délibérante, les conséquences qu’elle a jugé appropriées sur la rédaction des documents en question.
Il précise les finalités des deux documents destinés aux équipes de contrôle:
- Le premier document arrêté par cette formation est un guide d’audit de l’expérimentation de la certification des comptes locaux, qui fait mention de la problématique générale de fiabilisation de ces comptes et des différents acteurs qui y sont impliqués.
- Le second est un guide en vue de la réalisation du diagnostic global d’entrée dont l’objectif est d’évaluer si les comptes sont auditables, après avoir réalisé une analyse des risques comptables et financiers liés au périmètre de l’entité, au contrôle interne et aux systèmes d’information.
Par ailleurs, il rappelle que la FIJ Expérimentation de la certification des comptes locaux a délibéré d’un renvoi à la FIJ Finances publiques locales chargée d’élaborer le rapport public annuel sur la situation financière et la gestion des collectivités locales. Ce rapport public offre, selon lui, le vecteur adapté pour présenter chaque année un développement sur l’état d’avancement de l’expérimentation de la certification. Tel sera le cas, dès le rapport d’octobre 2017 conformément à la note de cadrage validée par le CRPP en décembre dernier.
Il indique, en réponse aux inquiétudes exprimées par le Procureur général, que ces développements seront enrichis, pendant toute la période d’expérimentation, par la synthèse des nombreuses observations renvoyées par les chambres régionales sur la fiabilité des comptes des collectivités contrôlées, sur la base de la méthodologie mise en place dès 2013 par la FIJ Finances publiques locales. Cette synthèse pourra concerner alternativement les différents types de manquements constatés en matière de respect des règles comptables (non rattachement des charges, restes à réaliser, amortissements, provisions, etc.). Elle sera complétée chaque année d’un état d’avancement des travaux de normalisation comptable au sein du CNoCP qui se conçoivent aujourd’hui par rapport à la perspective tracée par l’article 110 de la loi NOTRe, la qualité des comptes locaux répondant par essence aux mêmes principes quelles que soient les modalités selon lesquelles l’auditeur externe s’en assure.
Au total, il estime que la problématique générale de fiabilité des comptes publics locaux prend « naturellement » place dans les travaux de la FIJ Finances publiques locales, comme elle l’a déjà fait depuis le début des travaux de celle-ci. L’expérimentation de la certification, exercice spécifique tendant à tester l’une des modalités de cette fiabilisation, est quant à elle prise en charge par une FIJ dédiée, qui alimente la FIJ Finances publiques locales des constats auxquels elle aboutit. Il ajoute qu’au-delà de cette articulation institutionnelle, la cohérence des travaux est également assurée par l’implication de magistrats dans ces deux FIJ.
Le Premier président considère ainsi que l’expérimentation de la certification des comptes locaux s’inscrit dans « une démarche d’ensemble » qui permettra de mieux définir le niveau de fiabilité des comptes exigible dans les collectivités où ceux-ci n’ont pas vocation à être certifiés. Il estime donc qu’il n’y a ni conflit d’objectif ni menace d’une démarche à l’égard d’une autre, mais au contraire un intérêt majeur à conduire ces chantiers de front.