Promesses et paradoxes du leadership public

Valérie PETIT, professeure associée de management à l’EDHEC Business School,  Marieke DELANGHE, chercheure à l’EDHEC, Hager JEMEL, professeure associée de management à l’EDHEC Business School et Geneviève HOURIET SEGARD, docteure en sciences économiques (IEP Paris), ont réalisé, en partenariat avec le cabinet Convitions&Co (ConvictionsRH), une étude sur les dirigeants de la sphère publique intitulée  » Promesses et paradoxes du leadership public« .

  

POURQUOI ÉTUDIER LE LEADERSHIP PUBLIC ?

La fonction publique française emploie aujourd’hui 5.4 millions d’agents. Parmi eux, environ 21 500[1] (agents de catégorie A+), soit 4% des agents de la sphère publique, ont pour mission de diriger les grandes administrations, les  opérateurs et les collectivités des trois fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière. C’est à ces dirigeantes et dirigeants qu’incombe notamment la responsabilité de traduire et de mettre en œuvre les politiques publiques. C’est également à eux qu’il revient d’engager les agents dans le mouvement de réforme et de modernisation de grande ampleur des administrations publiques françaises, qu’il soit décrété par une Loi organique ou une Révision générale, stimulé par un choc de simplification, attendu par le citoyen ou contraint par une plus grande sobriété.

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Dans le contexte si particulier de la sphère publique et sa modernisation, comment font ceux qui ont la charge d’engager les agents publics dans une transformation sans précédent et la responsabilité de réussir cette modernisation tout en tenant les engagements de service public, en ménageant le bien-être et l’efficacité des agents et en réduisant la dépense publique ? 

Cette étude, inscrite dans un projet de recherche scientifique sur le leadership des dirigeants débuté en 2014, explore pour la première fois le leadership des dirigeants et dirigeantes de la sphère publique, après avoir mené un travail similaire dans la sphère privée (Petit & Delanghe, 2015). 

Son objectif est simple : dans le contexte des élections présidentielles et législatives où le devenir de la fonction publique fait débat, nous souhaitons offrir aux agents, aux citoyens, aux décideurs politiques, aux DRH publics, des connaissances précises et une feuille de route opérationnelle pour accompagner et activer le potentiel de ceux et celles qui jouent et joueront un rôle clé dans le devenir de l’administration française et la conduite des politiques publiques dans les prochaines années.

1.1 Le leadership : influencer pour transformer

Cela fait déjà plus d’un siècle que les chercheurs (en psychologie, en sciences politiques et en sciences de gestion notamment) se penchent sur le phénomène que recouvre le leadership[2] et s’accordent sur une définition générale : « Le leadership est le processus par lequel un individu influence un groupe d’individus afin de le convaincre de ce qui doit être fait et de comment le faire, il facilite les efforts individuels et collectifs dans l’atteinte des objectifs partagés » (Yukl, 2010: 26).

Nous disons souvent que le leadership est ce qui permet d’obtenir l’obéissance et l’engagement libre et volontaire lorsqu’il ne reste rien d’autre : rien d’autre que l’individu qui propose une vision et tente de convaincre chacun.e, hors de tout pouvoir conféré par son statut ou sa fonction, sa capacité à user de la contrainte (hiérarchique, physique), à manipuler ou à corrompre ! S’ajoute à cette dimension d’influence personnelle, une finalité transformationnelle qui distingue traditionnellement le management (centré sur la gestion du quotidien, des tâches et des projets) du leadership (centré sur l’engagement des individus dans un projet de transformation). Comme le souligne Rost « le leadership est une relation d’influence entre un leader et des followers dont le but commun est d’accomplir un changement véritable » (Rost, 1993: 92)

 

1.2 De la difficulté de parler de leadership dans la sphère publique

Il n’est pas évident de poser la question du leadership dans la sphère publique même s’il semble évident que les organisations publiques sont tout autant que les autres des lieux d’expression de phénomènes d’influence et d’impératifs de transformation. Plusieurs participants justifient leur difficulté à utiliser le vocable par une certaine pudeur (on va me juger narcissique) ou prévention (on va me juger autoritaire). Certains reconnaissent cependant que du fait du peu de marge de manœuvre en matière de gestion des ressources humaines (notamment dans la gestion des carrières et des rémunérations), les qualités personnelles et relationnelles c’est-à-dire de leadership des managers publics deviennent l’un des derniers leviers d’action les plus efficaces pour motiver et engager les agents dans un contexte aussi exigeant.

 

1.3 Un déficit de leadership dans la sphère publique ?

Les managers publics démontrent-ils un leadership efficace ? D’après les résultats de l’étude, la réponse est non. Plus exactement, les agents interrogés jugent sévèrement le leadership de leurs managers. Que ce dernier soit mesuré directement (via la question : à combien estimez-vous le leadership de votre supérieur sur une échelle de 1 à 10 ?) ou indirectement (via une échelle de mesure scientifique de l’efficacité du leadership), le score moyen est respectivement de 5,8 et 5,5/10. Néanmoins, ce qui peut rassurer les leaders publics, c’est que ce score n’est pas significativement différent du score obtenu par leurs homologues de la sphère privée où le même déficit de leadership apparaît dans les précédentes études menées avec des dirigeants d’entreprises françaises.

 

1.4 Ce que « public » change à leadership

Exprimer son leadership diffère-t-il selon la situation dans laquelle se trouve le leader, les profils et les conditions d’efficacité des leaders de la sphère publique sont-ils différents ?

Nous avons demandé aux participants de l’étude d’associer 3 mots à leadership puis 3 autres mots à leadership public. La comparaison des deux séries d’associations nous montre que la représentation du leadership, public ou non, place en son centre le charisme, la vision la confiance et le sens donné. Elle est similaire à celle des managers de la sphère privée (Petit & Delanghe, 2015). Pour autant, en périphérie de ce noyau consensuel, apparaissent des différences : l’association de leadership et public fait disparaître la notion de management et renforce celles de hiérarchie, d’éthique, de politique.  Les entretiens confirment ce que les travaux de recherche antérieurs ont déjà montré : il existe un consensus important sur les qualités principales attendues des leaders quels que soient les contextes, en revanche, ceux-ci doivent enrichir ces qualités d’autres aptitudes leur permettant de réussir dans des contextes extrêmement différents. 

1.5 Notre modèle d’exploration du leadership public

Un modèle d’analyse du leadership en 3 dimensions. Cette intuition est confirmée par les chercheurs des Leadership Studies qui ont montré (empiriquement) que le leadership est un phénomène éminemment contingent ; c’est à dire qu’il ne peut être réduit aux qualités du leader : le leadership n’apparaît qu’à la condition que ces qualités fassent écho positivement premièrement aux attentes des parties prenantes ou followers et deuxièmement aux exigences de la situation. Il suffit d’un changement subtil d’une de ces 3 variables pour que le leadership disparaisse révélant la fragilité de cette alchimie.

C’est sur cette base que nous avons ordonné la présente étude selon 3 axes qui rappelle le modèle d’analyse du leadership en 3 dimensions :

  • la compréhension du contexte de leadership pour les managers publics ;  la compréhension des motivations et attentes de leadership des agents ;
  • la compréhension des rôles et des styles de leadership des managers publics.

Une approche comparative. Pour enrichir l’analyse, nous avons comparé les résultats obtenus avec ceux du premier volet de notre programme de recherche consacré aux dirigeants et dirigeantes de la sphère privée (Petit & Delanghe, 2015). Nous avons également fait la distinction entre ce que vivent les agents et ce à quoi ils aspirent en matière de leadership afin d’identifier des axes de développement pour les managers publics

Un souci d’utilité et d’impact. Enfin, dans un souci d’utilité sociale de la recherche, nous avons également enrichi chaque axe de résultats de recommandations pour l’action, issues du dialogue entre chercheurs d’EDHEC Open Leadership et consultants du cabinet de conseil Convictions&Co.

                 

2 MÉTHODOLOGIE 

La méthodologie retenue pour cette étude est dite mixte : elle associe l’approche quantitative de l’enquête par questionnaire et l’approche qualitative de la conduite d’entretiens. L’étude a été menée entre septembre 2015 et février 2017. L’enquête en ligne a été adressée à des agents qui ont été questionnés sur leurs managers et les entretiens semi-directifs ont été menés avec des dirigeants et dirigeantes qui ont été interrogés sur leurs propres pratiques. Il s’agit d’une étude exploratoire basée sur un échantillon que d’aucuns trouveront modeste (quoique statistiquement robuste) et qui a vocation à être reproduite à des fins de généralisation. Les premiers résultats permettent néanmoins de faire émerger des faits et hypothèses contre-intuitifs qui feront l’objet de prochaines analyses.

3 LE CONTEXTE DU LEADER PUBLIC : L’ART DE LA GESTION DES PARADOXES

3.1 Un contexte réglementé, complexe et financièrement contraint

Comment caractériser le contexte dans lequel évoluent les managers publics ?  Avant tout comme réglementé, complexe et marqué par la contrainte financière répondent les agents, devant les impératifs d’innovation, de transformation ou encore les réductions d’effectifs et les exigences d’optimisation. 

Les entretiens avec les dirigeants confirment cette impression des agents : ce sont moins les attentes et les exigences de modernisation ou d’optimisation qui les contraignent que la complexité et la difficulté de trouver des espaces et des marges pour l’action qui pèsent sur leur quotidien. Au-delà de la règlementation, c’est le réseau de parties prenantes qui génère au quotidien de la complexité. Des parties prenantes aussi nombreuses que variées dans leur statut et leurs intérêts. C’est sans doute ce qui distingue les managers publics des managers des entreprises, la multiplicité des parties prenantes rapportée à une marge de manœuvre réduite qui les contraint à une habileté sans faille : « C’est plus difficile pour le manager public, que [pour les managers de] la sphère privée parce que les finalités sont plus complexes, plus multiples et que les critères de pilotage aussi sont plus complexes et plus multiples » explique ainsi ce dirigeant. Ajoutons à cela, la « perturbation » du politique, du fait des alternances mais aussi des conflits de leadership et d’expertise.

   

3.3 Un contexte hautement paradoxal

Une autre particularité du contexte du leadership public est sa nature hautement paradoxale. Un paradoxe est une situation, à première vue, indécidable où deux logiques antagoniques apparaissent comme parfaitement dépendantes l’une de l’autre. Le contexte du leadership public est par nature paradoxal car la sphère publique est essentiellement le lieu des organisations hybrides qui doivent, à la différence des entreprises privées (hors ESS), concilier une double finalité de service public et d’optimisation des ressources, les deux étant souvent antagoniques. Les entretiens avec les dirigeants révèlent ainsi la difficulté de réconcilier temps court et temps long, temps du politique et temps du public, qualité de service et optimisation de l’utilisation des ressources, mais aussi différents objets transcendants (la science, la santé, la sécurité, la France etc.) avec une gestion efficiente. 

 

La notion, ambivalente, de modernisation cristallise cette dimension paradoxale et pose explicitement la question de la juste place de l’État (pris au sens large des politiques publiques) dans une économie moderne : lorsque l’on demande aux participants de choisir 3 mots qui résument leur environnement de travail ceux-ci évoquent les mots de modernisation en même temps qu’efficience et restriction. En d’autres termes, faire mieux mais différemment, avec plus d’exigence d’efficacité et moins de moyens.

RETENIR : La réussite des leaders publics dépend de leur capacité à gérer positivement les paradoxes dans des contextes de pouvoir d’action fortement contraints. Les 3 contraintes les plus prégnantes sont ainsi la complexité organisationnelle, la contrainte réglementaire et la réduction des moyens financiers. De ce point de vue, le leadership public apparaît comme l’art de gérer positivement les paradoxes, c’est-à-dire la capacité à trouver des façons créatives et intégratives de réconcilier des logiques et des exigences antinomiques mais indissociables. 

 

4 ATTENTES DE LEADERSHIP DES AGENTS : DU CŒUR À L’OUVRAGE ET LES VALEURS CHEVILLEES AU CORPS

Le leadership, ne dépend pas seulement du contexte, mais également des acteurs et notamment du profil de ceux que le leader cherche à engager. Mais qui sont les agents ?

Lorsqu’on leur demande de définir leur rôle, ceux-ci se décrivent comme des « serviteurs de l’intérêt général » (71% d’entre eux) plutôt que comme des « serviteurs de l’État » ou des « serviteurs de la Nation » par exemple.

Le premier résultat frappant s’agissant des agents est leur haut niveau de motivation. Ils apparaissent comme très satisfaits et motivés par leur travail : ils évaluent ainsi en moyenne leur satisfaction à 7,3/10 et leur motivation à 7,9/10. Cette motivation n’est pas due à leurs managers dont ils jugent sévèrement le leadership

 

Plus élevée encore est leur motivation de service public et l’attachement aux valeurs publiques. La notion de motivation de service public (PSM) a été mise au point par Perry (1996) qui a identifié 4 dimensions de la motivation qui sont propres aux fonctionnaires dans le monde. Notre étude montre qu’en France, c’est l’attachement aux valeurs publiques qui représente le premier levier de motivation à travailler au service du public. Au-delà de ce résultat, les entretiens révèlent la force de l’attachement aux valeurs publiques parmi les agents qu’ils soient ou non cadres dirigeants.

RETENIR : Les agents de la fonction publique font preuve d’un haut niveau de motivation et de satisfaction. Leur motivation de service public est extrêmement élevée et l’attachement aux valeurs publiques apparaît comme leur premier levier de motivation pour s’investir au quotidien non seulement dans leur travail mais dans leur mission de service public. C’est aujourd’hui, la vocation qui engage les agents plus que le leadership de leurs managers : une invitation de ces derniers à progresser sur leur capacité de leadership mais également à prendre soin de l’attachement des agents aux valeurs publiques.

                 

5 LE PROFIL DU LEADER PUBLIC : QUI SONT LES LEADERS PUBLICS ?

5.1 Leaders publics : quels rôles et quelle posture ? 

Le leadership dépend nous l’avons vu de la nature du contexte dans lequel opèrent les leaders ainsi que de la nature des motivations et des attentes de leadership des parties prenantes. À travers cette étude, nous nous sommes attachés à décrire précisément les rôles, comportements et styles de leadership des managers publics. Cette analyse, la première du genre à notre connaissance, s’est faite sur la base des modèles d’analyse et de mesure du leadership scientifiquement validés par les chercheurs du champ des Leadership Studies. 

Une évolution radicale du rôle du leader public. Les agents décrivent leurs managers comme principalement investis dans les rôles d’organisateur et de contrôle : ces derniers mettent aujourd’hui leur leadership majoritairement au service du bon fonctionnement organisationnel et du respect des procédures (rôle dit d’organisateur), du contrôle de l’exécution et du reporting (rôle dit de vigilant) et de l’élaboration d’une vision (rôle dit du stratège). Mais lorsque l’on interroge les agents sur les rôles qu’ils souhaiteraient voir jouer par leurs managers, un profil très différent voit le jour. Le rôle d’organisateur apparaît comme le moins attendu et le seul à n’être corrélé ni à la satisfaction ni à la motivation des agents. Les rôles de leadership les plus attendus sont ceux de coach (développer les équipes et les personnes), de communicant (partager et faire circuler les idées et les informations), de stabilisateur (garantir le bien-être et la sécurité des équipes en période de choc). Les rôles de coach et de stabilisateur sont en outre les plus prédicteurs du leadership attribué aux managers et de la satisfaction des agents à leur endroit. Malheureusement, ces rôles sont aussi parmi les moins fréquemment observés aujourd’hui chez les managers publics. Seul le rôle de stratège déjà fréquemment observé est « reconduit » pour l’avenir.

RETENIR : Les agents comme les dirigeants, même s’ils ont une conscience aigüe de la complexité organisationnelle et règlementaire ne veulent plus exprimer leur leadership dans les rôles traditionnels de l’organisateur gardien des processus ou du contrôleur vigilant de l’exécution. Dans leurs attentes, les agents et managers plébiscitent, au contraire, les rôles de coach, de stabilisateur et de communicant, des rôles qui placent le développement et la préservation des personnes au cœur du leadership. Seul le rôle de stratège reste stable et « élaborer une vision et donner du sens » reste l’une des fonctions premières du leader public : mais celle-ci doit s’accompagner d’une plus grande communication et d’une prise en compte de la dimension humaine notamment dans les contextes de « choc ».              

Leaders publics : quels comportements de leadership ? 

Quels comportements adoptent les managers publics pour motiver et convaincre les agents et les parties-prenantes de les suivre et de mettre en œuvre les décisions et les projets ?

Aujourd’hui, et selon les agents, les managers publics s’appuient sur 5 comportements de leadership privilégiés : en mettant en place des systèmes de suivi et de contrôle de l’exécution des tâches, en nourrissant le sens du collectif, en inspirant confiance et le respect du fait de son haut niveau de compétences et de charisme, en encourageant le travail en équipe et en faisant montre d’objectivité dans la prise de décision.

A l’opposé, les comportements de leadership les moins fréquemment observés chez les managers publics sont la juste conscience de soi, la capacité à négocier des objectifs gagnant-gagnant et l’égalité de traitement des personnes à travers l’écoute et l’association de chacun.

Les comportements les plus fréquemment observés ne sont pas toujours les plus efficaces. Le profil de leadership actuel des managers tranche non pas seulement avec les attentes mais également avec les comportements les plus efficaces (fortement corrélés au score de leadership attribué) et motivant (fortement corrélés aux scores de motivation et satisfaction des agents) :  

  • Les comportements les plus producteurs de leadership pour les managers publics sont ainsi l’attention aux besoins des autres, le respect imposé par un haut niveau de compétence et de charisme ainsi que l’intégrité morale. Le leadership attribué aux managers publics, in fine, apparaît ainsi comme une question de moralité puis seulement ensuite comme une question d’expertise ou d’habileté relationnelle. Il en va de même pour la satisfaction globale à l’égard du manager qui ajoute à la liste le soutien personnel, le discernement et l’objectivité, le travail d’équipe et le sens de la communauté.
  • Les comportements les plus producteurs de motivation et de satisfaction au travail des agents sont la capacité à agir conformément à ses valeurs, le charisme, le sens des valeurs et l’exemplarité personnelle, mais également le soutien personnel apporté aux équipes.

Ces comportements ne correspondent pas toujours à ce qu’attendent les agents. Ces derniers plébiscitent des comportements qu’ils observent peu comme la capacité à formuler une vision claire et motivante (vision), le sens des valeurs et l’exemplarité personnelle (valeurs et exemplarité), la capacité à apporter de la reconnaissance et du soutien aux équipes (reconnaissance et soutien) et l’intégrité morale. Mais ils reconduisent l’importance du travail en équipe et du sens de la communauté.

 

Retenir : Si nous combinons les comportements de leadership les plus attendus et les plus efficaces (en termes de motivation et de satisfaction des agents), nous obtenons 5 comportements sur lesquels les managers publics soucieux de renforcer leur leadership et d’accroitre l’engagement de leurs équipes, devraient concentrer leur attention : 

  1. Proposer une vision claire et motivante de l’avenir,
  2. Favoriser l’esprit et le travail d’équipe,
  3. Avoir des valeurs et s’y conformer,
  4. Nourrir le sens du collectif,
  5. Faire preuve d’intégrité.

  

5.2 Leaders publics : quels styles de leadership ? 

Combinés ensemble, les 19 comportements que nous avons mesurés, forment 4 styles de leadership. Quel est le style préféré des managers publics ? Au regard des résultats, nous pouvons dire du leader public qu’il agit comme un « leader de la transformation et du collectif», un mélange équilibré entre le style « leader tourné vers la transformation » et le style « leader tourné vers le collectif ».

 

Les managers publics en leaders tournés vers la transformation. Certains seront sans doute surpris, mais les managers publics, ne sont pas moins capables que leurs homologues du privé de mettre leur influence au service d’un projet de changement et de transformation. Ce style de leadership (développe les personnes, propose une vision claire et motivante, reconnaît et soutient les personnes, travaille en équipe, encourage à penser différemment, montre l’exemple/est fidèle à ses valeurs, fait preuve de charisme) est à la fois le plus fréquemment observé mais aussi le plus attendu de la part des agents, preuve que ces derniers n’attendent pas que leurs managers changent radicalement leur style de leadership mais approfondissent celui-ci. La nature de cet approfondissement apparaît clairement, lorsque que l’on considère les comportements les plus attendus ; on y retrouve 4 comportements transformationnels : la vision, la reconnaissance et le soutien aux équipes, le travail en équipe et l’exemplarité/la fidélité aux valeurs. Le leadership tourné vers la transformation est également fortement lié aux rôles de coach, de stabilisateur, d’intégrateur et de catalyseur du changement. Les leaders transformationnels publics se révèlent, à travers cette étude, ceux qui génèrent le plus de satisfaction au travail (score de la satisfaction au travail).

 

Les managers publics en leaders tournés vers le collectif. Au-delà de ce style préféré, nous observons une attente importante à l’endroit du style « tourné vers le collectif » qui se distingue des autres styles de leadership en ce qu’il suppose un changement de posture du leader, qui n’est plus dans une position dominante vis-à-vis des agents mais dans une position immanente, de facilitation des relations, et au service des personnes, et de la communauté. Très ancré dans les valeurs, le sens de l’intérêt général et du collectif, il est aussi le style de leadership qui produit le plus de motivation de service public et de satisfaction vis-à-vis du manager. Il est fortement lié aux rôles de stabilisateur et d’intégrateur et se révèle particulièrement efficace quand l’environnement de travail est caractérisé par une forte contrainte de temps, de règles ou de charge de travail. Les résultats révèlent également que leaders publics tournés vers le collectif sont ceux qui produisent le plus de motivation de service public (mesure de motivation de service public) et sont également ceux dont les followers sont les plus satisfaits (score de satisfaction vis-à-vis du manager). 

Les managers publics en gestionnaires d’objectifs. A l’opposé, le style « tourné vers les objectifs » de leadership, est moins fréquemment observé. Il est le moins motivant et attendu de la part des agents même s’il se révèle efficace dans des contextes de forte contrainte de règles et de temps.

 

Les managers publics en leaders tournés vers l’authenticité. Le style « leadership tourné vers l’authenticité », est celui qui présente le plus faible écart entre l’observé et l’attendu. Il est lui aussi producteur de motivation et de satisfaction des agents, et associé aux rôles de coach, stabilisateur, pilote et intégrateur. Il se révèle particulièrement efficace dans des contextes qui exigent la transversalité. Ce style est aussi celui qui abrite le comportement de leadership où les managers publics se révèlent les moins doués : la conscience de soi. Une caractéristique qu’ils partagent avec les managers des entreprises privées.

 

Retenir : Encore plus de transformation et de sens du collectif. Aujourd’hui, les managers publics se révèlent être des leaders tournés vers la transformation et le collectif. Ils mettent ainsi leur influence principalement au service du changement et de la construction d’une communauté d’agents liés par les valeurs et par le sens de l’intérêt général. Ainsi, si les agents attendent de leurs managers de changer radicalement leurs rôles et leurs postures, en matière de style de leadership, ils demandent plus de ce qu’ils observent (les scores attendus de leadership tournés vers le transformationnel et vers le collectif sont ainsi respectivement de 32% et 30 % supérieurs à ceux actuellement observés). 

                 

6 LEADERSHIP PUBLIC : UNE LECTURE COMPARÉE

Efficacité, styles et attentes de leadership : beaucoup de similitudes entre le public et le privé !

Le premier volet de l’étude mené en 2015 chez les managers de la sphère privée (1378 répondants à un questionnaire en ligne sur le leadership des managers et les attentes des équipes) nous a permis de comparer les managers publics et privés sur différents aspects.

La croyance générale veut que les leaders dans la sphère publique et dans la sphère privée ne se comportent pas de la même manière, n’usent pas des mêmes ressorts de leadership. Un des dirigeants interrogés disait d’ailleurs « Je pense qu’il y a 1000 façons d’exprimer un leadership qui est forcément différent dans le public et dans le privé ». Il s’avère pourtant que les managers du public et du privé ne sont in fine pas très différents et que les attentes des équipes sont similaires. En effet, dans les deux cas, les équipes  ont des taux de satisfaction équivalents vis-à-vis de leurs managers (6,4/10 dans le public et 6,2/10 dans le privé) et perçoivent le leadership de leurs managers au même niveau (5,8/10 dans le public et 5,5/10 dans le privé)[3]. En matière de style de leadership, les managers se comportent également de la même façon et la conscience de soi est une qualité qui fait défaut aussi bien dans la sphère publique que dans la sphère privée.

En matière d’attentes, le style « tourné vers la transformation » arrive en tête suivi du style « tourné vers le collectif » dans les deux sphères et avec des niveaux d’attentes similaires. Les salariés du privé accordent cependant plus d’importance au style « tourné vers l’authenticité » que ceux du public.

 

Leadership et égalité : quelques différences ! 

Nous avons également réalisé quelques comparaisons au sein de l’échantillon de répondants de la sphère publique. En effet, il n’est pas rare d’entendre que les hommes et les femmes se comportent différemment en position de leader ou encore que les personnes d’âges différents n’ont pas les mêmes attentes vis-à-vis de leur manager. Nous avons donc souhaité apporter également un éclairage sur ces questions dans le contexte de la sphère publique.

Il s’avère qu’on détecte extrêmement peu de différences (significatives au sens statistique du terme) entre les différents groupes analysés. L’âge, l’ancienneté, le niveau d’étude ou la fonction publique d’appartenance (État, Territoriale, Hospitalière) n’influencent pas les attentes des agents en matière de leadership de leurs managers.

Les hommes et les femmes recherchent également des styles de leader identiques. Les femmes accordent néanmoins plus d’importance au style « tourné vers le collectif », notamment à la capacité à faire exister une communauté (sens de la communauté), et à mettre tout le monde sur un même pied d’égalité (égalitarisme). Elles recherchent également encore plus les leaders capables d’adopter une posture de coach.

En tant que managers, les hommes et les femmes, n’adoptent pas de styles de leadership différents. Cependant, les résultats de l’étude montrent que les femmes font montre d’un leadership plus efficace que les hommes dans la sphère publique. Il est important de noter que ce résultat dénote de ce qu’on retrouve dans la littérature scientifique et dans nos précédentes études dans le sens où on ne retrouve pas habituellement de différences entre les hommes et les femmes d’un point de vue efficacité. Ce résultat mérite donc d’être consolidé à travers une reproduction de cette étude à plus grande échelle.

 

 

7 DÉVELOPPER LES LEADERS ET LE LEADERSHIP PUBLICS

À partir des résultats ci-dessus, nous avons mis au point deux outils. Le premier est une cartographie du leadership public. Le second est une liste de 3 recommandations pour orienter le développement des compétences managériales dans la sphère publique.

Cartographie du leadership public. La carte interactive ci-dessous permet de naviguer dans les 3 dimensions du leadership public. Ce faisant elle offre un modèle auquel il est possible de confronter les référentiels managériaux actuels mobilisés par les DRH dans l’évaluation des dirigeants de la sphère publique. Il s’agit d’un modèle descriptif (non normatif) qui rend compte des pratiques efficaces et attendues par les agents et mises en œuvre par les managers publics. Notre objectif est ici de rendre compte et surtout, d’objectiver, le leadership public, qui fait souvent l’objet de croyances stéréotypées qui grèvent l’efficacité et la diversité des managers publics[4]. Il revient aux décideurs publics et politiques de décider ensuite de la norme et de la culture managériale qu’ils souhaitent diffuser et promouvoir à travers les processus RH et les pratiques de management.

 

Recommandations et convictions pour l’action. À partir des résultats, nous avons élaboré une feuille de route en 3 points pour les managers publics qui souhaitent renforcer leur leadership et pour ceux qui les accompagnent dans cette entreprise, nous obtenons en conclusion 3 grands chantiers de développement du leadership.

Recommandation #1. Développer la capacité à gérer positivement les paradoxes. Les organisations publiques sont des organisations dites hybrides. Elles se distinguent en ce qu’elles poursuivent souvent des buts doubles et parfois antagoniques. À la différence des entreprises privées qui, en majorité, poursuivent un unique but de profitabilité, les organisations publiques doivent désormais satisfaire, et à des exigences de service public, et à des exigences d’efficience en termes d’utilisation des ressources. Les dirigeants que nous avons rencontrés, quelle que soit leur fonction publique d’appartenance, sont régulièrement confrontés à des arbitrages impossibles : entre ces objets publics transcendants et absolus (la santé, l’éducation, la justice, la science, la France etc.) et l’obligation de réduction des coûts et d’optimisation. C’est pourquoi, nous ne décrivons pas le contexte du leader public, uniquement comme complexe ou conflictuel, contraint ou difficile, mais surtout comme un environnement paradoxal. L’enjeu, pour les leaders publics n’est pas de choisir entre deux options mais bien d’imaginer comment mieux soigner à moindre coût, mieux éduquer avec autant, voire moins de ressources. Sortir des options « ou/ou » pour identifier des solutions « et/et » est le défi créatif qui se pose aux leaders publics, de façon bien plus aigüe qu’à leurs homologues du privé. Ainsi, s’il est une réflexion et une pratique qu’il faut initier auprès des DRH, c’est bien celle-ci : comment former les managers à la gestion des paradoxes et ce qu’elle suppose : gérer le stress lié à l’incertitude et au choix, assumer une certaine ambivalence et labilité intellectuelle et comportementale seule à même de gérer des situations paradoxales, changer de perspective intellectuelle sur les paradoxes, stimuler la créativité pour trouver des solutions hybrides etc. ? 

La capacité à gérer positivement les paradoxes sera sans doute un levier puissant de réussite et de leadership des managers publics, ainsi qu’un levier de transformation positif de l’administration. Face à la demande de vision des agents, les leaders capables de formuler une vision qui intègre et dépasse cette dimension paradoxale auront une capacité d’entrainement unique.

Recommandation #2. Placer les valeurs publiques et la morale personnelle au cœur du management. La légitimité est la reconnaissance du caractère moralement acceptable du pouvoir (Petit, 2013). La philosophe Simone Weil, disait : « l’obéissance à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée de légitimité est un cauchemar ». Un dirigeant ou une dirigeante, ne voit son pouvoir et son leadership établis durablement qu’à la condition qu’ils soient reconnus comme conformes aux valeurs morales de son époque, notamment en matière d’exercice du pouvoir. Le leadership public est fortement moral et ce à deux niveaux : premièrement, les agents placent les valeurs publiques au cœur de leur engagement quotidien. C’est ce qui les motive en premier lieu. Deuxièmement, ils expriment des attentes élevées à l’endroit de la moralité de leurs managers et de leur fidélité aux dites valeurs. En ce sens, et comme leurs homologues du privé, les agents placent la morale au cœur du leadership, et articulent fortement morale publique et morale des individus qui exercent le pouvoir. C’est pourquoi, les managers publics doivent placer tout en haut de leurs agendas, non seulement l’importance d’articuler leur vision autour des valeurs publiques réaffirmées, mais également d’intégrer un travail de conscience de soi (les résultats montrent que les managers ne sont pas bien évalués en la matière). Par-là, nous entendons à la fois un travail de connaissance de soi (quelles sont mes valeurs, mes rôles, mes forces, mes faiblesses), un travail de transparence (je laisse à voir qui je suis), et un travail de consistance (j’agis conformément à ce que je suis). Aujourd’hui, les équipes veulent suivre non plus un détenteur de l’autorité mais une personne qui dirige, et bien sûr elles veulent savoir qui est cette personne pour lui faire confiance.

Recommandation #3. Changer de posture pour activer le potentiel transformationnel. C’est l’un des résultats les plus marquants de cette étude. Les agents ne veulent plus d’un manager qui organise et contrôle mais d’un leader qui développe les individus, les soutient en cas de difficulté et leur permet de progresser. Nous pensons que l’accompagnement des managers publics vers une posture managériale plus proche du coaching c’est-à-dire plus centrée sur les personnes (versus les processus et les procédures), le développement (versus le contrôle) et ce dans une relation de pouvoir plus plate voire égalitaire (versus verticale et asymétrique) peut agir positivement à deux niveaux. Premièrement, en répondant aux attentes exprimées par les agents qui jugent sévèrement les rôles traditionnels. Et deuxièmement en permettant un alignement entre le rôle de leadership et le style de leadership : les managers publics possèdent aujourd’hui un style de leadership hybride, mélangeant la capacité à transformer et celle d’être au service du collectif. Cependant, ces deux styles (« tourné vers le transformationnel » et « tourné vers le collectif » ont un point commun : ils font reposer l’influence sur les valeurs partagées et le souci des autres. Nous pensons donc, qu’en faisant évoluer la posture managériale, le potentiel de leadership pourra se révéler et les managers publics trouver un positionnement qui porte le développement de leur leadership en adéquation avec les attentes des agents.

                 

8 RÉFÉRENCES

Avolio, B.J., and Bass, B.M. (1995). Multifactor Leadership Questionnaire. Published by Mind Garden, Inc., www.mindgarden.com.

Avolio, B.J. , Gardner, W.L., and Walumba, F.O. (2007). Authentic Leadership Questionnaire. Published by Mind Garden, Inc., www.mindgarden.com.

Carless, S.A., Wearing, A.J., Mann, L. (2000). A short measure of transformational leadership. Journal of business and psychology, 14(3), 389 – 405.

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[1] Source : DGAFP, 2014 : http://www.fonction

publique.gouv.fr/files/files/statistiques/chiffres_cles/pdf/chiffres_cles_2014.pdf

 

[2] Il n’existe pas de traduction française exacte pour le leadership, ce qui explique que nous l’employons ainsi. Les scientifiques qui étudient le phénomène que le terme recouvre utilisent les concepts connexes d’influence interpersonnelle et/ou sociale, et parfois celui de légitimité personnelle. Quoiqu’il en soit, il s’agit d’étudier comment un individu, en contexte et dans sa relation aux autres, tente de les influencer en vue d’atteindre un but commun et ce, sans user de coercition, de menace de sanction, de promesses de rétribution économique ou encore de manipulation psychologique. Bien entendu, la poursuite de buts purement individuels et égoïstes ne relève pas non plus de la sphère d’étude du leadership ou alors sous l’angle de l’exploration de ses dérives et dévoiements (Petit, V (2013), Leadership, Pearson) 

[3] Les scores présentés ici ne sont pas différents d’un point de vue statistique.

[4] Nous revenons en détail sur la méthodologie d’explicitation et de transformation de la culture et des modèles de leadership dans les organisations dans l’ouvrage suivant : Petit, V. & Saint-Michel, S. Hommes, femmes, leadership : mode d’emploi, Pearson, 2016.

Les auteurs 

Valérie PETIT est docteure en sciences de gestion (CNAM) et diplômée de l’IEP de Lille, du CELSEA et de l’EHESS. Elle est professeure associée de management à l’EDHEC Business School. Ses travaux de recherche portent sur les thèmes du leadership et du management de la diversité. 

Marieke DELANGHE est docteure en sciences de gestion (Université de Lille) et chercheure à l’EDHEC. Ses travaux de recherche portent sur le leadership et la diversité et les approches quantitatives.

Hager JEMEL est docteure en sciences de gestion (IAE Lille) et professeure associée de management à l’EDHEC Business School. Ses travaux de recherche portent sur le management de la diversité et les enjeux de la RSE.

Geneviève HOURIET SEGARD est docteure en sciences économiques (IEP Paris), diplômée de HEC Lausanne et d’un Master en RSE (IAE Gustave Eiffel). Ses travaux de recherche portent sur les problématiques de genre et démographie.

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