Enquête sur les travaux inter-juridictions : l’espoir d’une objectivation de la contribution invisible des magistrats de CRTC ?
La mission d’inspection a engagé une enquête sur la contribution des CRTC aux travaux inter-juridictions. Un questionnaire a été adressé aux magistrats le 5 juin.
Cette enquête doit permettre d’objectiver le poids croissant des travaux imposés ou vivement recommandés aux CRTC par la Cour. Si ces travaux sont indispensables pour appréhender dans leur globalité des politiques publiques de plus en plus imbriquées à de multi-niveaux, ils ne doivent pas prendre la forme, comme trop souvent aujourd’hui, d’une sous-traitance : pilotage directif et lointain, faible prise en compte des enjeux, spécificités et calendriers locaux, etc.
Dans leur fonctionnement actuel, ils restreignent en effet l’autonomie de programmation des juridictions locales au risque de compromettre la réalisation de leurs missions propres par un effet d’éviction sur les programmes locaux non mesuré mais néanmoins certain ; ils contraignent l’affectation des moyens dont elles disposent en prélevant de la ressource et perturbent la lisibilité des procédures et des travaux des juridictions financières par des redondances et des délais. La tendance récente au développement des FIJ permanentes intervenant désormais dans presque tous les champs de compétence des CRTC (« Fipulo », fonction publique, cliniques privées, etc.) renforce ces dérives.
Le SJF produira donc une contribution à cette enquête en vue d’objectiver :
- L’effet d’éviction des travaux inter-juridictions sur les contrôles organiques, voire thématiques, programmés par les CRTC après une évaluation des risques et enjeux locaux ;
- La contribution masquée des CRTC aux publications propres de la Cour, les travaux communs étant systématiquement publiés sous le timbre de la Cour et en son nom ;
- Le prélèvement de moyens que la Cour opère ainsi sur les CRTC sans pour autant que les magistrats concernés y soient détachés ;
- L’impact sur les conditions de travail, l’organisation et la vie personnelle des magistrats soumis à des demandes concomitantes voire contradictoires, impliquant parfois des délais difficilement tenables.
La soutenabilité et la répartition de la charge de travail ainsi que la qualité du management constituent en effet des enjeux transversaux à l’ensemble des corps de magistrats. Un baromètre social des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel a été réalisé par le Conseil d’Etat en octobre 2017, à la demande des syndicats des magistrats, dont les constats sévères en termes d’image et d’efficience ont amené le Secrétariat général du Conseil d’Etat à réagir. Parallèlement, la mission d’inspection des juridictions administratives a conduit une enquête sur la charge de travail des magistrats administratifs. Le Syndicat de la magistrature vient pour sa part de publier les résultats d’une consultation des magistrats judiciaires sur le sujet, dont les conclusions font apparaître la dégradation du service public de la justice pour les personnels comme pour les usagers. Il en ressort une tendance forte, bien que d’une criticité variable selon les ordres de juridictions : les magistrats sacrifient une part croissante de leur vie privée pour continuer de remplir correctement leur mission.
Le SJF formulera des propositions au vu des constats dressés.