Projet de loi « justice » – état des négociations avec l’administration
Message du président du SJF aux adhérents (9 novembre 2023 ) :
Chères et chers collègues,
Alors que se profile notre Congrès et que la fin d’année verra aboutir des chantiers structurants pour l’avenir du corps, j’ai souhaité faire avec vous un point sur l’état des négociations avec l’administration.
Vous le savez, la loi « Justice », en attente de décision du Conseil constitutionnel pour être promulguée, comporte des dispositions statutaires nombreuses. Certaines sont très attendues, comme l’assouplissement des obligations de résidence et du régime des incompatibilités. D’autres suscitent une forte inquiétude. Je pense en particulier à la création d’un grade de conseiller-président et à l’évolution des conditions d’emploi des présidents de section.
Ces transformations sont évidemment importantes pour les actuels présidents de section, qu’ils dirigent une section territoriale, occupent un emploi d’assesseur ou soient à la tête d’un ministère public. Mais elles concernent chacun de nous, car les présidents de section constituent la colonne vertébrale du management des CRTC, et le principal emploi de débouché pour les membres du corps.
Face à la réforme lancée à l’initiative du secrétariat général, vos représentants ont choisi une posture active afin d’en négocier les conditions de mise en œuvre, au sein d’un groupe de travail associant le secrétariat général, le parquet général et les présidents de CRTC.
Il nous a semblé important de faire valoir les « lignes rouges » pour le corps, et de jouer notre devoir d’alerte, tant sur le fond que sur la forme. Alors que le Secrétariat général fondait son projet une simple transposition des dispositions applicables à la Cour, nous avons alerté très rapidement le Premier président quant au fait qu’une telle réforme serait complexe, et porteuse de conséquences bien plus importantes. Ces échanges touchent à leur fin.
Les négociations sont difficiles, car à une logique relevant essentiellement d’une vision hiérarchique de notre corps, nous opposons les principes fondateurs de sa nature juridictionnelle, au premier rang desquels figure l’indépendance et donc l’inamovibilité.
Sans trahir le secret auquel les membres du Conseil supérieur, destinataires d’une version provisoire du futur décret statutaire, sont astreints, il m’a semblé important de vous faire connaître les grandes lignes de nos échanges avec l’administration, afin de vous permettre de vous forger votre opinion.
1/ Nos revendications sur l’inamovibilité ont été écoutées. Elle s’appréciera à deux niveaux : au niveau de l’emploi et de la juridiction. L’inamovibilité dans la juridiction sera absolue : un président de section qui ne sera pas renouvelé dans ses fonctions pourra rester dans la chambre sur un emploi de rapporteur. Dans l’emploi, l’inamovibilité sera garantie dans la limite de la durée fixée par le décret. Imaginée dans un premier temps à six ans, comme pour les présidents de section des chambres de la Cour, la durée maximale d’exercice continu des fonctions de PS au sein d’une même CRTC a été portée à notre demande à neuf ans (par périodes successives de trois ans, comptabilisées à partir du 1er janvier 2024). Nous avons également obtenu le retrait du projet d’une disposition plafonnant la durée de l’exercice des fonctions au sein d’une même section (qui relève de l’organisation interne de chaque chambre).
2/ S’agissant des conditions de nomination, nous sommes parvenus à un compromis satisfaisant. Les PS seront nommés parmi les membres du corps titulaires du grade de conseiller-président (promus selon un tableau d’avancement annuel établi par le Conseil supérieur). La Secrétaire générale s’est engagée à retirer du projet une disposition prévoyant le recrutement des PS « parmi les Conseillers-présidents et les magistrats de la Cour des comptes », introduite sans concertation au dernier moment. Ainsi, la promotion au grade de conseiller-président conservera tout son sens, celui de la reconnaissance de l’aptitude à exercer des fonctions d’encadrement, et de l’accès à un vivier restreint de sélection sur ces emplois.
Cependant, plusieurs points ne sont pas définitivement arbitrés, ce qui pourrait nous conduire à porter un regard négatif sur le texte qui sera soumis au Conseil supérieur :
- Alors que le projet de dispositions transitoires indique que tous les actuels PS seront « renommés » dans leurs fonctions pour une durée de trois ans, le sort des assesseurs n’est pas stabilisé. Nous plaidons pour la création de sections transversales et d’emplois d’experts de haut niveau, sur le modèle des administrations centrales, accessibles aux conseillers-présidents ;
- Nous exigeons qu’en cas de non-renouvellement d’un PS à l’issue d’une durée de trois ans, situation devant demeurer exceptionnelle, trois garanties lui soient offertes : un délai de « prévenance » de six mois, un droit au retour dans sa chambre d’origine, et une décision motivée, et donc susceptible de recours.
Soyez assurés que vos représentants ne signent pas un « chèque en blanc » à l’administration. Nous nous sommes engagés résolument dans cette négociation avec le souhait de tirer le meilleur parti de cette réforme, qui s’inscrit dans un contexte plus large de profonde rénovation de la haute fonction publique. Mais nous gardons toutes les options ouvertes en fonction des résultats de la négociation !
Pierre Genève, président du SJF