* Mais ce CSTACAA « new look », qui siégera à compter du 14 juillet prochain, sera, plus que jamais, dominé par le Conseil d’Etat :
* La suppression du siège détenu jusqu’alors par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique était souhaitable, mais pas au profit d’un « chef de juridiction et un suppléant élus par leur pairs », comme le prévoit le 4° du nouvel article L. 232-4 du CJA.
En effet :
– On ne peut sérieusement croire qu’un chef de juridiction aura, vis-à-vis du Conseil d’Etat, directement responsable de son évaluation et de la gestion de sa carrière, une quelconque autonomie dans l’exercice de son droit de vote. Pour ce même motif, il sera placé, vis-à-vis de ses collègues magistrats, dans une situation permanente de soupçon de collusion avec le gestionnaire : c’est dans une situation impossible que l’intéressé se trouvera.
– Le mode d’élection de ces chefs de juridiction (titulaire et suppléant) est totalement opaque : quel sera le collège électoral ? Y comptera-t-on, comme on peut s’y attendre, les chefs de cour, qui, rappelons-le, sont des conseillers d’Etat et n’appartiennent pas au même corps que les présidents des tribunaux ? Ces chefs de cours seront-ils, eux-mêmes, éligibles ? Comment les candidats à ce siège se présenteront-ils au suffrage ? L’absence de réponse claire à ces questions ne peut que laisser penser que le Conseil d’Etat ne restera pas étranger à la désignation de ce membre du Conseil supérieur…
– Les présidents de TA seront donc représentés deux fois au CSTACAA : ils éliront en effet l’un d’entre eux… et participeront à la désignation des représentants des magistrats. Ceux qui pensaient que le principe « un homme, une voix » était d’application générale au XXIe siècle se trompaient.
* Par ailleurs, le nombre des représentants du corps, élus sur les listes présentées par les organisations syndicales, reste inchangé, alors qu’il ne représente pas fidèlement la structure démographique du corps (les présidents sont proportionnellement mieux représentés que les magistrats des grades inférieurs) et qu’il place les magistrats dans une situation de minorité permanente face au Conseil d’Etat, qui, dans les faits, peut systématiquement compter sur la voix du directeur des services judiciaires ainsi que sur celles des personnalités qualifiées. En effet, au cours des quinze dernières années, on ne peut relever qu’un seul un vote d’une seule personnalité qualifiée contre l’avis du Conseil d’Etat !
* Si l’institution d’une rémunération des personnalités qualifiées, demandée par le SJA en vue de « motiver » les intéressés, trop souvent peu informés et peu impliqués, pourra améliorer la qualité de la participation de ces membres aux travaux du CSTACAA, leur mode de désignation demeure inchangé, et ne permet pas de garantir la qualité des intéressés, contrairement à ce que pourrait apporter une désignation par une majorité qualifiée des assemblées parlementaires.
* Le principe de la voix prépondérante du vice-président est conforté par le nouvel article L. 232-6 du CJA, qui dispose que « Lorsque le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel siège au titre des compétences qu’il tient de l’article L. 232-1, la voix du président est prépondérante en cas de partage égal des voix. », alors même que le réaménagement de la composition du CSTACAA rend très improbable l’existence d’un blocage justifiant l’existence de cette voix prépondérante.
* Enfin, en matière disciplinaire, les décisions du CSTACAA ne seront, en vertu du futur article L. 236-6 du CJA, justiciables que d’un recours en cassation porté… devant le Conseil d’Etat. La question du droit d’accès à un tribunal indépendant et impartial, au sens de l’article 6-1 de la CEDH, dont disposeront les magistrats faisant l’objet d’une sanction disciplinaire, est donc clairement posée.
Le SJA n’a cessé de défendre, devant le Conseil d’Etat, puis le Garde des Sceaux, l’idée d’un Conseil supérieur fonctionnant dans des conditions conformes à notre indépendance, ce qui implique son autonomie, notamment budgétaire, vis-à-vis du Conseil d’Etat, et le respect du principe d’une parité entre membres magistrats et non magistrats, tel que l’a posé, à plusieurs reprises, le Conseil de l’Europe pour ce qui concerne la composition des conseils supérieurs de justice. Force est de constater que ces appels ont été, en dépit d’aménagements du texte initial, largement ignorés.
Le chantier reste donc ouvert, cette « réforme » ne répondant pas aux enjeux soulevés par la gestion de la juridiction administrative. Le SJA continuera à se battre en faveur d’une gestion du corps conforme à la qualité de magistrats et garantissant leur indépendance, y compris et d’abord vis-à-vis du gestionnaire.