» Il n’existe pas aujourd’hui de responsabilité des élus «
Le Syndicat des juridictions financières regrette que la loi de confiance n’aborde pas cette question déjà soulevée par les dérives financières de l’ex-Région Poitou-Charentes.
La première d’entre-elles, présentée dans un livre blanc, le mois dernier, prévoyait une réforme du régime de responsabilité des élus. « C’est notre proposition phare ; la loi n’a pas du tout ouvert ce volet de la responsabilisation des élus locaux dans leur gestion, regrette Thomas Montbabut, membre du bureau national du SJFu. Car il n’existe pas aujourd’hui de responsabilité des élus. Il y a une responsabilité pénale de droit commun en cas de délit ou de crime mais pas de responsabilité de gestion. »
« Sanctionner les manquements »
Pire : « Les élus ne peuvent même pas être traduits devant la Cour de discipline budgétaire et financière quand des normes financières et comptables de gestion ne sont pas respectées », ajoute le magistrat. Son syndicat propose donc de transférer la compétence de cette cour aux chambres régionales des comptes qui seraient chargées de « sanctionner les manquements aux règles d’exécution des dépenses et des recettes publiques ».
« Cela permettrait de traduire les ordonnateurs devant cette cour où on ne retrouve aujourd’hui que des fonctionnaires et des dirigeants d’établissements qui ne bénéficient pas de la protection des élus », ajoute Anne Benéteau, magistrate financière à Bordeaux et déléguée de la section Nouvelle-Aquitaine du SJFu qui a participé à la coordination du livre blanc.
Son collègue acquiesce : « Notre proposition permettrait de responsabiliser davantage les élus locaux en contrepartie de la liberté très importante qui leur a été accordée par les différentes lois de décentralisation. Elles ont considérablement accru leurs compétences sans être accompagnées d’un renforcement de leur responsabilité. »
A cet égard, le livre blanc préconise aussi que les recommandations des chambres des comptes soient contraignantes. Celles formulées en 2014 dans un rapport portant sur la gestion de la Région Poitou-Charentes entre 2005 et 2010 pointaient des reports budgétaires et des emprunts à risque hors charte. Les élus aux responsabilités à l’époque n’en avaient pas tenu compte. Jean-François Macaire, le dernier président de la collectivité, avait d’ailleurs expliqué plus tard qu’il considérait ces recommandations comme des « conseils ».
« Il n’avait pas tort et c’est le gros problème : les élus ne sont absolument pas obligés de suivre nos recommandations même quand il s’agit d’irrégularités budgétaires ou comptables, souligne Thomas Montbabut. Les chambres font des recommandations qui s’apparentent plus à des rappels d’obligations juridiques alors qu’elles devraient être contraignantes. »
« Courage politique »
Quant à la troisième grande proposition du livre blanc, elle vise à renforcer l’indépendance des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales. « L’instruction du contrôle de la Région Poitou-Charentes a montré que nous n’étions pas soumis à des pressions, reconnaît Anne Benéteau. Nous réclamons néanmoins certains dispositifs pour mieux garantir l’indépendance des magistrats financiers en alignant leur régime sur celui qui s’applique aux magistrats judiciaires. »
Rien de tout cela ne figure donc dans la loi définitivement adoptée hier. « On espérait que les parlementaires allaient se saisir de nos propositions qui rejoignent celles de l’ancien député René Dosière mais il y aura d’autres opportunités », veut croire la magistrate financière en reconnaissant que « cela demande un courage politique très fort ». Thomas Montbabut ne dit pas autre chose : « Il était plus facile de réformer a minima l’exercice des mandats parlementaires que de réformer la responsabilité de tous nos élus locaux. »