Réunion intersyndicale des magistrats administratifs et financiers
Le SJF a organisé le 13 février un bureau commun avec les deux syndicats de magistrats administratifs : le Syndicat de la juridiction administrative (SJA) et l’Union syndicale des magistrats administratifs (USMA).
Les secrétaires généraux de la Cour des comptes et du Conseil d’Etat échangent régulièrement sur les sujets de gestion des corps des magistrats des CRTC, des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
L’objet de la réunion est d’échanger pour définir des enjeux communs, auxquels il sera ensuite possible d’associer les magistrats judiciaires pour affirmer une certaine idée de la Justice, pour réfléchir aux évolutions et au bon positionnement de des juridictions.
Le fonctionnement des conseils supérieurs et le dialogue social
Le SJF a souligné sa déception quant au fonctionnement du conseil supérieur des chambres régionales des comptes au regard des textes qui semblent lui accorder une place importante, du fait de sa coexistence avec le Conseil supérieur de la Cour des comptes, de sa composition, et du pouvoir prépondérant du Premier Président dans le processus décisionnel. Il est rare que les avis des représentants des magistrats soient compris et suivis. Un exemple en est la demande d’un bilan annuel du conseil supérieur, à laquelle il a été répondu qu’il s’agissait d’une initiative inutile pour laquelle la Cour n’avait pas de moyens.
La concertation sociale obtenue par le bureau précédent s’avère aussi décevante. Pour les questions techniques, le SJF est consulté pour apporter une expertise au risque de se voir opposer ensuite les difficultés soulevées. Quelques points avancent mais de façon limitée. Pour ce qui est susceptible d’avoir un impact sur la rémunération, les mobilités, l’accès à certaines fonctions, la discussion est difficile.
Pour garantir la cohérence du discours syndical, le président et les 2 vice-présidents sont élus au Conseil supérieur. Par ailleurs, le SJF rencontre l’administration 3 à 4 fois par an. Le dernier entretien avec le Premier Président a été obtenu cinq mois après la demande des représentants du syndicat. Enfin, des groupes de travail associant des magistrats sont constitués sans la moindre information du SJF.
Parmi les revendications historiques du SJF pour réformer le Conseil supérieur figurent la parité, la reddition d’avis conformes et la transparence sur les critères de promotion et de nomination.
Les syndicats des magistrats administratifs ont souligné que leur conseil supérieur (CSTACAA) a bien évolué ces dernières années. Jusqu’en 2014, il n’était pas rare de recevoir les documents la veille ou l’avant-veille, ce qui n’offrait pas la possibilité d’un travail utile sur les textes proposés ou l’analyse des situations individuelles. Depuis, le mode de fonctionnement est meilleur. Un dialogue en amont a été établi, notamment sur les propositions de nomination (au moins une semaine à l’avance). Les réunions préparatoires ne sont pas formalisées mais les situations sont discutées et des explications données, avec une possibilité d’ajouts ou de retraits de dossiers.
Par ailleurs en 2016, le conseil supérieur a vu ses prérogatives étendues : il rend désormais un avis conforme sur les nominations des présidents de TA. Un conseil supérieur a également été créé pour le Conseil d’Etat (qui se prononce notamment sur les chefs des CAA, qui sont conseillers d’Etat). Des efforts de transparence sur la doctrine ont été réalisés même si une clarification reste nécessaire sur certains points.
Le CSTA se réunit tous les mois. Il donne des avis légistiques plus nombreux que le Conseil supérieur des CRTC (le Conseil d’Etat le saisit parfois quand le Gouvernement « oublie », à l’inverse de la Cour), même s’il est assez peu suivi. Il est consulté chaque début d’année sur la répartition des moyens entre les juridictions. Une relation de confiance existe avec le président de la mission d’inspection qui instruit les recours contre les évaluations. Il participe au recrutement de l’ensemble des magistrats dans le cadre d’une commission qui est une émanation du CSTA et qui fait office de jury (détachement, militaire, TE, etc.) et où les deux organisations syndicales sont représentées. Le CSTA valide les propositions retenues. Par comparaison, le processus de recrutement des détachés dans les juridictions financières a beaucoup étonné le SJA et l’USMA du fait de son caractère opaque et peu cadré.
Le dialogue social a également été difficile pour le SJA et l’USMA. Il s’est amélioré après la publication d’un baromètre social (été 2017) commandé par l’administration et réalisé par un cabinet, à l’origine conçu pour répondre aux sondages réalisés préalablement par les organisations syndicales. Les résultats de cette enquête ont été très négatifs, notamment sur l’image du Conseil d’Etat et ses relations avec les juridictions administratives. Ils ont abouti à la constitution de deux groupes de travail, sur le déroulement de carrière et la procédure d’évaluation d’une part, sur la communication, l’information et la concertation d’autre part. SJA et USMA regrettent l’absence d’un groupe sur les charges de travail même si un rapport a été produit sur le sujet par la mission d’inspection des juridictions administratives. Les premiers constats sont intéressants et seront publiés dans les semaines à venir. Les syndicats seront vigilants à la mise en œuvre effective des recommandations formulées.
Ce dialogue fait l’objet de 3 ou 4 réunion par an. Il permet de faire passer des messages, avec des limites toutefois (thématiques limitées pour ne pas empiéter sur les sujets des groupes de travail) et des décisions qui interviennent parfois avant les discussions (suppression des croix dans l’évaluation, suppression du critère de l’ancienneté dans les promotions avec un rectificatif quelques jours après suite aux réactions).
Parmi les thématiques des groupes de travail figurent les charges de travail, les risques psycho-sociaux, l’emploi de l’aide à la décision, télé-recours (outil de dématérialisation qui a servi à déporter des tâches du greffe aux magistrats, avec ensuite la diminution des effectifs de ces derniers. La mise en œuvre de cet outil, laissé à l’appréciation du président, donne lieu à des situations très différenciées et a souvent été très mal vécue), la justice administrative de demain.
Les organisations syndicales des magistrats administratifs siègent au CHSCT, contrairement au SJF, et participent aux visites de services. Le CHSCT se réunit trois fois par an. Il permet de discuter des RPS, des conditions de travail, des arrêts maladie des magistrats, mais aussi d’échanger avec les personnels de greffe. Des comptes rendus sont systématiquement envoyés, notamment aux présidents de juridiction.
Le décrochage grille indiciaire
Le SJF constate que les questions de déroulement de carrière, inscrites à l’agenda social, ont fait l’objet d’une fin de non-recevoir de l’administration sous prétexte d’avoir déjà obtenu des effectifs supplémentaires (sans garantie quant à l’affectation effective en CRTC) et un nouveau régime indemnitaire. Aucune avancée n’est pour l’heure possible.
Il est toutefois constaté un décrochage par rapport aux administrateurs civils et une réduction des débouchés du corps (la présidence des CRC importantes est réservée aux membres de la Cour et il est possible que les postes de VP suivent prochainement la même tendance). Si la situation des conseillers de CRC et des jeunes premiers conseillers est globalement satisfaisante, un décrochage apparaît vers 45-50 ans sans débouchés hors des petites CRC et avec des problèmes d’accès aux échelons spéciaux.
Le SJA souligne que ce décrochage est moins sensible mais tout aussi réel (pas trop d’effet de patinage grâce aux promotions de carrière, avec en 2021 effet d’aubaine pour des raisons démographiques). – C’est plutôt l’accès au grade de président qui pose problème (220-230 personnes). La plupart finissent leur carrière en B Bis. L’accès au C est réservé à certains postes (60 : Paris, CNDA), tout comme le D (président de CA de 5 à 9 chambres et VP du TA Paris, soit 20 postes) ou le E (président de CA de plus de 9 chambres). Les membres du Conseil d’Etat se gardent les présidences de Paris et Versailles, mais tendant à aller de plus en plus en province même s’il n’y a pas vraiment de problème pour placer les membres du corps TACAA.
Les contraintes et l’absence d’intérêt économique de la mobilité géographique imposée pour une présidence TA/CA est un élément dissuasif pour de nombreux magistrats. Par ailleurs, il existe un certain patinage sur les échelons B Bis et C pour les « petits » présidents.
Le manque d’attractivité du corps, constaté par les syndicats, est en contradiction avec le discours tenu sur la mobilité.
Le régime indemnitaire
L’USMA et le SJA soulignent que les moyennes de régime indemnitaire distribué aux magistrat administratifs figurent dans le bilan social, ce qui n’est pas le cas pour les CRTC. La SG du Conseil d’Etat a insisté auprès des syndicats sur le fait que l’abondement du régime indemnitaire ne pouvait qu’être soumise à l’augmentation de la part variable, du fait notamment d’une directive du ministère des Finances, en cohérence avec le discours tenu par la Cour des comptes pour la mise en place du nouveau régime indemnitaire des CRTC. Le Conseil d’Etat n’a pas encore ouvert le chantier de la rénovation du régime indemnitaire, mais les deux organisations suivent la situation des CRTC avec attention.
Le SJF prépare un bilan sur ce nouveau régime indemnitaire, qui sera présenté au conseil supérieur du 14 mars.
Les parcours et les carrières
Le SJF présente les carences de l’administration en matière de mobilité (peu d’offres diffusées et aucun accompagnement) et les réponses qu’il commence à apporter, dont l’invitation d’un cabinet de consultants au Congrès et sans doute un travail à venir pour connaître les possibilités offertes aux magistrats, la désignation de correspondants pour activer les réseaux et améliorer la diffusion des offres.
Un président de CRC a été nommé par la Cour pour formuler des propositions sur la mobilité, sans suite. Un groupe de travail est aussi annoncé sur le sujet.
Les juridictions administratives ont bénéficié d’un bureau des conseils et mobilités qui a bien fonctionné (profilage, aide aux CV, accompagnement effectif) mais ce n’est plus le cas. Il ne fait que diffuser certaines des offres disponibles à la BIEP et, comme il s’occupe des recrutements dans les TA/CAA, est complètement accaparé par des aspects de gestion administrative.
La mission d’accompagnement du Conseil d’Etat, équivalent de la MICA à la Cour, pourrait être ouverte à des magistrats expérimentés pour un 2ème détachement. Parallèlement, les détachements en CAA pourraient ne plus compter comme mobilité statutaire. D’où la nécessité de disposer d’autres pistes, bien que les syndicats s’opposent à cette restriction annoncée par le Conseil d’Etat. Le SJA souligne que la question de gestion de la démographie prévaut sur le profilage des carrières, ainsi qu’une volonté manifeste de faire des magistrats des administrateurs qui font des aller-retours dans l’administration pour s’en inspirer.
Des échanges annuels sont organisés avec le ministère de la Justice pour présenter la mobilité judiciaire ainsi qu’avec l’administration préfectorale.
La déontologie
Le SJF discute actuellement avec le Président du Collège de déontologie sur l’encadrement de l’expression des magistrats sur les réseaux sociaux (une recommandation publiée, une autre en cours). Pour le moment, le président du collège estime que les magistrats doivent s’abstenir de s’exprimer, y compris dans les cercles privés, de manière divergente ou fortement critique des positions officielles des juridictions financières. Le SJF ne partage pas cette approche si elle était imposée et générale en faisant prévaloir le principe de la liberté individuelle expression sous réserve des comportements et allégations punis par la loi.
De son côté, le SJA a attaqué au contentieux la Charte de déontologie des juridictions administratives, modifiée pour restreindre drastiquement la liberté d’expression des magistrats.
Vers des Etats généraux de la Justice
Le SJF, le SJA et l’USMA ont fait le point sur les revendications des juridictions administratives et financières qu’il conviendrait de porter dans le cadre de propositions plus générales relatives au bon fonctionnement de la Justice en France.
Il est proposé d’associer à cette démarche les magistrats judiciaires, ce qui permettra également aux magistrats administratifs de renouer le dialogue avec leurs homologues, pour réfléchir ensemble au cœur du métier de juge et à ses évolutions.