Autonomie et indépendance
La restauration de l’autonomie de programmation des chambres régionales et territoriales des comptes est essentielle à une bonne appréhension des enjeux territoriaux dans leur complexité. Par ailleurs, notre indépendance de magistrat ne doit pas être amodiée sous couvert de l’apposition de nouvelles normes professionnelles.
- Appréhender les enjeux territoriaux dans leur complexité
Depuis une décennie, l’élargissement des missions de la Cour des comptes l’a incitée à mener des travaux en commun avec les chambres régionales et territoriales des comptes. La relation déséquilibrée entre la Cour des comptes et les chambres s’est ainsi accentuée dans le sens d’une plus grande centralisation de l’organisation des travaux des juridictions financières.
Depuis la loi du 13 décembre 2011, les possibilités de saisine de la Cour des comptes aux fins d’évaluation des politiques publiques, d’origine parlementaire ou gouvernementale, ont encore renforcé la mainmise de la Cour des comptes sur les travaux des chambres.
La liberté de programmation des CRTC doit être préservée pour que le contrôle organique des collectivités locales, au service de l’information des citoyens et de la démocratie locale, reste une mission prédominante. La connaissance des CRTC du contexte local garantit une programmation adaptée aux enjeux et aux risques. La majeure partie des moyens alloués aux CRTC doit être consacrée aux contrôles organiques des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.
Il s’agit de s’assurer que les juridictions financières puissent appréhender les enjeux territoriaux dans leur complexité, les politiques sectorielles devant nécessairement être articulées entre elles au niveau territorial.
- Sanctuariser la liberté de programmation
Afin de permettre aux chambres régionales et territoriales des comptes de mieux appréhender les enjeux territoriaux dans leurs complexités, des modifications du code des juridictions financières doivent être introduites de façon à :
– affirmer l’orientation stratégique de concilier le contrôle financier local et la participation des CRTC aux travaux communs (enquêtes à la demande du Parlement et du Gouvernement, enquêtes décidées par les juridictions financières, ainsi que les évaluations des politiques publiques) en sanctuarisant la liberté de programmation des CRTC. La programmation doit distinguer formellement les travaux communs et le contrôle financier local ;
– limiter le nombre d’enquêtes inter-juridictions à un niveau approprié aux moyens que les CRTC peuvent y consacrer. Les CRTC doivent conserver leur pouvoir de délibérer et rendre publiques des observations sur un thème de contrôle qui simultanément fait l’objet d’une enquête dans le cadre des travaux communs ;
– faire reconnaître le rôle et la place des CRTC dans les travaux communs des juridictions financières et promouvoir la publication de rapports publics de chambre ;
– avoir une composition paritaire des formations inter-juridictions (autant de magistrats des corps des CRTC et la Cour) et en partageant les fonctions (rapporteurs, membres délibérants) au sein de la formation inter-juridictions à égalité entre les magistrats des CRTC et ceux de la Cour ;
– attribuer la présidence ou la co-présidence de la “formation inter- juridictions permanente finances publiques locales” à un magistrat des CRTC ou à un président de CRTC ; les CRTC ayant seules compétence pour l’examen de la gestion des collectivités locales et de leurs établissements.
– la participation à des travaux des formations inter-juridictions ne doit pas être exagérément valorisée parmi les critères d’évaluation et de promotion.
- Garantir le respect de notre indépendance de magistrat
L’adoption de normes professionnelles communes permet de garantir l’homogénéité et la qualité de nos travaux. Mais elles ne doivent pas porter atteinte à notre indépendance dans l’exercice de nos missions. Les normes adoptées par arrêté du Premier président le 15 décembre 2014 résultent d’une concertation approfondie. Telle doit être aussi le cas de leur mise en œuvre au sein de chaque chambre régionale et territoriale des comptes. Le plan de contrôle ne doit pas être détourné de sa vocation première pour devenir un outil de contrôle des activités de chaque magistrat.