Contentieux liés à la carrière et à la rémunération – recueil de jurisprudence

 

 

La protection fonctionnelle due, en application de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, par l’administration à son agent victime de diffamations par voie de presse peut, le cas échéant parmi d’autres modalités, prendre la forme de l’exercice d’un droit de réponse adressé par l’administration au média en cause ou par l’agent diffamé lui-même dûment autorisé à cette fin par son administration, Il appartient à l’administration d’apprécier si, compte tenu du contexte, l’exercice d’un tel droit de réponse est la modalité appropriée pour assurer la protection qu’elle doit à son agent.

 

 

Le litige portait sur la réduction de salaires appliquée aux magistrats du Tribunal de Contas, dans un contexte de réduction des salaires de l’ensemble des fonctionnaires du pays. La CJUE a validé la mesure du fait qu’elle s’inscrivait dans ce contexte et ne s’appliquait pas aux seuls magistrats.

Apport :

La garantie d’indépendance, qui est inhérente à la mission de juger (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2006, Wilson, C 506/04, EU:C:2006:587, point 49 ; du 14 juin 2017, Online Games e.a., C 685/15, EU:C:2017:452, point 60, ainsi que du 13 décembre 2017, El Hassani, C 403/16, EU:C:2017:960, point 40), s’impose non seulement au niveau de l’Union, pour les juges de l’Union et les avocats généraux de la Cour, ainsi que le prévoit l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE, mais également au niveau des États membres, pour les juridictions nationales.
Or, tout comme l’inamovibilité des membres de l’instance concernée (voir, notamment, arrêt du 19 septembre 2006, Wilson, C 506/04, EU:C:2006:587, point 51), la perception par ceux-ci d’un niveau de rémunération en adéquation avec l’importance des fonctions qu’ils exercent constitue une garantie inhérente à l’indépendance des juges.

Lesdites mesures ne sauraient de ce fait être perçues comme étant spécifiquement adoptées à l’égard des membres du Tribunal de Contas (Cour des comptes). Elles s’apparentent, au contraire, à des mesures générales visant à faire contribuer un ensemble de membres de la fonction publique nationale à l’effort d’austérité dicté par les impératifs de réduction du déficit excessif du budget de l’État portugais. Dans ces conditions, les mesures de réduction salariale en cause au principal ne sauraient être considérées comme portant atteinte à l’indépendance des membres du Tribunal de Contas (Cour des comptes).

Conclusions de l’avocat général :

S’agissant, plus spécifiquement, de l’indépendance des membres d’une juridiction au regard de leur rémunération, la Cour EDH a déjà admis l’interaction entre ces deux éléments, en jugeant que « le non versement par l’État en temps voulu des émoluments des juges est incompatible avec la nécessité de garantir que ceux ci puissent exercer leurs fonctions judiciaires avec indépendance et impartialité, à l’abri de toutes pressions extérieures visant à influencer leurs décisions et leur comportement », tout en soulignant, dans ce contexte, le « caractère particulièrement sensible de la question de l’indépendance des magistrats ».

Cette analyse s’appuie sur divers instruments juridiques du Conseil de l’Europe, qui font état de telles préoccupations. En effet, l’article 6 de la Charte européenne sur le statut des juges énonce, sans force contraignante, que le niveau de la rémunération des juges devrait être fixé de façon à ne pas les exposer à un risque de pressions susceptibles d’altérer leur indépendance, même si ce niveau peut varier d’un juge à un autre en fonction de facteurs objectifs, tels que les charges professionnelles supportées. De même, des recommandations du Comité des ministres ont préconisé, d’une part, que « [l]a rémunération des juges [soit] à la mesure de leur rôle et de leurs responsabilités, et d’un niveau suffisant pour les mettre à l’abri de toutes pressions extérieures visant à influencer leurs décisions » et, d’autre part, que « [d]es dispositions légales spécifiques [soient] introduites pour se prémunir contre une réduction de rémunération visant spécifiquement les juges ».

Compte tenu de ces éléments, je suis d’avis que le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant, au sens de l’article 47 de la Charte, inclut la nécessité que l’indépendance des membres de ce tribunal soit garantie par le versement à leur profit, compte tenu des responsabilités qu’ils assument, d’une rémunération suffisamment élevée et stable, afin de les protéger contre le risque que d’éventuelles interventions ou pressions extérieures nuisent à la neutralité des décisions juridictionnelles qu’ils doivent prendre.

Cependant, si le montant de la rémunération des juges doit être en adéquation avec l’importance des fonctions publiques que ceux ci assument, ce montant ne devrait pas, pour autant, être détaché des réalités économiques et sociales, et notamment du niveau de vie moyen, existant dans l’État où les intéressés exercent leur activité professionnelle. En outre, une stabilité raisonnable de leur revenu suppose, selon moi, que celui ci ne varie pas dans le temps d’une manière qui mettrait en péril leur indépendance de jugement, mais non qu’il demeure immuable.

 

  • Illégalité de la règle de trois ans d’exercice dans les fonctions occupées, opposée à une demande de mutation (CE, 25 mai 2007)

 

Le Conseil annule le refus né du silence gardé par le Premier président de la Cour des comptes, de muter le requérant à la CRC Rhône-Alpes, et enjoint au Premier président, dans un délai de trois mois, de réexaminer la demande de mutation pour l’année 2006.

Apport :

En l’absence de toute disposition statutaire, issue du code des juridictions financières ou de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, applicable aux membres du corps des magistrats des chambres régionales des comptes en vertu de l’article L. 220-1 du code des juridictions financières, prévoyant une telle condition, le rejet par l’administration de la demande de mutation présentée par le requérant, président de section de chambre régionale des comptes, fondé sur le seul motif qu’il ne justifiait pas de trois ans d’exercice dans les fonctions occupées lors de la demande est illégal.

 

  • Illégalité du recrutement en détachement d’un fonctionnaire issu d’un corps ne pouvant être assimilé à un corps de sortie ENA (CE, 8 mars 2006)

 

Le Conseil annule le décret de détachement d’un inspecteur hors classe des affaires sanitaires et sociales dans le corps des magistrats de CRTC. 

Apport :

Les membres du corps des inspecteurs de l’action sanitaire et sociale n’appartiennent ni à un corps recruté par la voie de l’Ecole nationale d’administration ni à un corps ou à un cadre d’emploi de même niveau de recrutement que les corps recrutés par la voie de cette école. Ils ne peuvent donc, en vertu des dispositions de l’article L. 212-5 du code des juridictions financières, être détachés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes.

 

  • Incidence du principe de l’égalité d’accès aux emplois publics sur l’établissement d’une liste d’aptitude – Nécessité d’examiner les dossiers de toutes les personnes susceptibles d’y être inscrites (CE, 15 décembre 2000)

 

Le Conseil d’Etat annule la liste d’aptitude aux fonctions de présidents de CRTC pour l’année 1999 et rejette la demande d’annulation de la décision du Premier président de créer une commission pour examiner les candidatures.

Apports :

  1. Le principe de l’égalité d’accès aux emplois et fonctions publics implique qu’il soit procédé, lors de l’établissement d’une liste d’aptitude conditionnant l’accès à certains de ces emplois et fonctions, à un examen approfondi de la valeur professionnelle de chacune des personnes susceptibles d’y être inscrites. En particulier, il appartient au Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, seul compétent pour établir la liste d’aptitude aux fonctions de président de chambre régionale et territoriale des comptes, de procéder à un tel examen. Annulation de la liste d’aptitude établie au titre de 1999, dans la mesure où il ressort du procès-verbal de la séance au cours de laquelle cette liste d’aptitude a été adoptée que les dossiers des conseillers hors classe promouvables n’ont pas été examinés par le Conseil.
  2. S’il appartient au Conseil supérieur des chambres régionales des comptes de dresser la liste d’aptitude aux fonctions de président de chambre régionale et territoriale des comptes, il est loisible au Premier Président de la Cour des comptes, président du Conseil supérieur, de créer au sein de ses services une commission ayant pour seul objet de préparer les propositions qu’il entend pour sa part soumettre au Conseil, dès lors que cette création n’a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte aux prérogatives du Conseil supérieur.

 

  • Illégalité de la prise en compte d’une décharge d’activité syndicale dans l’appréciation des mérites d’un magistrat sollicitant une promotion (CE, 27 septembre 2000)

 

Le Conseil annule le tableau d’avancement au grade de président de section pour 1997, le décret portant promotion au même grade et les arrêtés d’affectation des promus.

Apport :

Il résulte des dispositions combinées des articles 8 et 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du décret du 28 mai 1982 modifié par le décret du 25 octobre 1984 qu’il ne saurait être fait grief à un fonctionnaire de distraire une partie de son temps de service pour exercer des activités syndicales dès lors que lui a été accordée une dispense de ce chef. Si, en raison même de l’octroi d’une autorisation spéciale d’absence ou de dispenses d’activité de service, il peut être légalement fait mention, au dossier de l’intéressé, de l’existence du mandat syndical ayant motivé l’intervention de telles mesures, le respect dû tant à la liberté d’opinion des fonctionnaires qu’à la liberté syndicale implique qu’une mention de ce type ne puisse s’accompagner d’une quelconque appréciation portée par l’autorité administrative sur la manière dont l’intéressé exerce ses activités syndicales.

 

  • Illégalité du critère de l’origine du recrutement pour motiver un rang de promotion (CE, 25 octobre 1996)

 

Le Conseil annule le tableau d’avancement au grade de conseiller hors classe et de conseiller de première classe pour l’année 1991 ainsi que le décret portant promotion.

Apport :

Pour établir les tableaux d’avancement aux grades de conseiller de chambre régionale des comptes hors classe et de conseiller de première classe pour l’année 1991, le conseil supérieur des chambres régionales des comptes a, comme cela ressort du procès-verbal de sa séance du 12 décembre 1990, distingué les anciens élèves de l’Ecole nationale d’administration et les autres conseillers. En prenant ainsi en compte un critère autre que le mérite et la valeur professionnelle des magistrats concernés, le conseil supérieur a entaché sa délibération d’une erreur de droit